Cet article est paru en 2017, dans le numéro 117 de notre magazine Acteurs de la filière graphique. Retrouvez tous les numéros sur notre page dédiée.

CERTIFICATIONS FORESTIÈRES : UNE NÉCESSAIRE MISE AU CLAIR

Il s’agissait d’un petit-déjeuner particulièrement attendu, puisque Culture Papier proposait de revenir sur l’émission « Cash Investigation » diffusée le 24 janvier 2017, intitulée « Razzia sur le bois » et remettant notamment en cause la validité des certifications forestières. L’occasion était ainsi donnée à Stéphane Marchesi (Secrétaire général de PEFC France), Benjamin Mattely (Responsable environnement pour l’UNIIC et animateur national de la marque Imprim’Vert) ainsi que Cyril Hergott (Responsable RSE chez Riposte Verte) de réagir et de réaffirmer le caractère responsable d’une Filière (in)directement visée…

« Le papier est-il responsable ? ». C’est en ces termes que Culture Papier avait choisi de cadrer son petit-déjeuner thématique, qui pouvait apparaître de prime abord plutôt conventionnel, mais qui prenait en réalité une résonance toute particulière, en écho à une actualité bouillante. Visant plus particulièrement le label PEFC, l’émission d’Elise Lucet faisait en effet la démonstration accablante de certifications délivrées quasiment à l’aveugle, à des exploitations forestières qui n’en étaient pas, le reportage moquant sans vergogne la facilité qu’ils ont eue à faire certifier le Mont Ventoux ou encore une discothèque… Forte d’une notoriété qui n’est plus à démontrer et d’une capacité à braquer les feux des projecteurs sur les sujets qu’elle investigue, l’émission en question a forcément jeté le trouble auprès des téléspectateurs, sur l’intégrité des systèmes de certification attachés à garantir la traçabilité du bois. De fait, des réponses étaient attendues…

Certification : la bonne foi suffirait ?

… Et les réponses ont fusé. On aurait certes préféré les entendre sur le plateau TV convoqué à la suite du reportage – même si PEFC arguera que les conditions d’enregistrement ne leur inspiraient pas confiance – mais il était temps que Stéphane Marchesi y aille donc de ses éclaircissements : « Ce que le reportage ne dit évidemment pas, c’est que la grande majorité des hectares de forêts certifiés PEFC – plus des trois quarts – bénéficie d’un contrôle continu via l’ISO 14001. Il n’y a que pour les petits propriétaires forestiers que nous appliquons effectivement un contrôle par échantillonnage dans le cadre d’une certification de groupe, mais quitte à parler franchement, nous aurions tout à fait pu ne pas nous y intéresser et ainsi nous débarrasser du problème. Nous avons préféré leur donner également la chance de suivre nos programmes de certification, pour étendre autant que possible les bonnes pratiques aux propriétaires les plus modestes. Pour ces derniers, nous nous basons donc effectivement sur une présomption de bonne foi et en 20 ans, nous n’avons jamais eu à gérer de plaintes. Il a fallu que Cash Investigation invente de faux dossiers parce que sans ça, ils n’avaient rien trouvé ». Car si les déclarations farfelues sont dans un premier temps effectivement possibles – «Comme vous pouvez tout à fait déclarer n’importe quoi sur votre feuille d’impôts » peste Stéphane Marchesi – elles feront l’objet, tôt ou tard, d’une sanction via le système de contrôle PEFC, nous assure-t-il. Mais certainement faut-il y revenir et insister : contrairement à ce que pouvait effectivement laisser entendre le reportage, PEFC ne délivre donc pas toutes ses certifications sur simple « présomption de bonne foi », laquelle ne s’applique en réalité que dans le cadre des certifications de groupes destinées aux petits exploitants (moins de 1000 hectares), dans le but « de ne pas créer de discrimination d’accès au marché des produits certifiés ». Pour aussi critiquable et légère qu’elle soit, cette mutualisation (des coûts, des démarches administratives et des procédures organisationnelles) ne concerne donc que moins d’un quart des surfaces certifiées par PEFC France. Soulignant par ailleurs qu’à faire certifier des sites qui ne produisent rien et n’émettent donc pas de bois sur le marché, la manœuvre apparaît à Stéphane Marchesi d’autant moins probante, même s’il concède toutefois réfléchir à la façon dont PEFC pourrait corriger la faille – aussi réelle qu’embarrassante – exploitée par le reportage : « Nous étudions plusieurs pistes et demander un titre de propriété avant d’attribuer une certification figure parmi les possibilités. Mais nous voulons prendre le temps de réfléchir à notre action suite à cette émission et dans un premier temps, nous avons porté plainte auprès du CSA pour non-respect de l’éthique journalistique d’une part, et contre le Directeur général de Greenpeace France d’autre part, qui a clairement affirmé qu’une seule certification forestière était crédible. Ce n’est évidemment pas vrai ». Notons toutefois qu’un titre de propriété, s’il attesterait effectivement que les parcelles forestières existent bel et bien, ne garantit encore en rien que le propriétaire satisfait effectivement au cahier des charges PEFC, faute d’audit préalable… Rappelant à ce titre que les cahiers des charges respectifs de FSC et PEFC étaient toutefois « très proches », il n’y a guère « que les modes de gouvernance » qui, de l’un à l’autre, différent selon Daniel Bozonnet, expert environnement chez UPM.

Le bois et le papier encore sur le banc des accusés ?

L’autre inquiétude qui a pu émerger suite à la diffusion de cette émission concerne les éventuelles répercussions collatérales sur la Filière dans son entier, une partie de ladite émission ayant d’ailleurs mis la focale sur les pratiques, déjà pointées du doigt par le passé, d’un papetier Indonésien (en l’occurrence, Asia Pulp & Paper), accusé d’avoir asséché les tourbières et donc d’avoir joué un rôle malheureux dans les graves incendies qui ont ravagé la forêt tropicale Indonésienne en 2015. Une triste mise en lumière qui ne doit pas faire oublier, comme l’a rappelé Benjamin Mattely, « que la forêt est d’abord mise en danger par le changement d’affectation des sols, et donc principalement par l’agriculture et l’élevage ». Les effets éminemment positifs d’une généralisation des certifications ne doivent donc, de fait, pas être minorés : « Cette Filière travaille la question du développement durable depuis 1992 et s’est saisie des problématiques de déforestation depuis longtemps. Aujourd’hui, on compte en France environ 600 imprimeurs certifiés PEFC, dont 400 bénéficient de la double certification FSC/PEFC, et plus de 2000 imprimeurs sont labellisés Imprim’Vert. Ces labels ont été créés pour répondre à un manque de contrôle des Etats, et ils ont eu des effets bénéfiques indéniables » argue le Responsable environnement de l’UNIIC. Il n’est d’ailleurs pas anodin de noter à quel point Stéphane Marchesi réaffirme ne tenir aucunement à perpétuer coûte que coûte l’existence d’un label tel que PEFC, si une réglementation idoine ne le justifiait plus…

La solution législative ?

Or, tel n’est toujours pas le cas, le Règlement sur le Bois de l’Union Européenne (RBUE) appliqué depuis 2013 et visant à écarter du marché communautaire le bois et les produits dérivés issus d’une récolte illégale, ne constituant effectivement qu’un strict minimum. Doté par ailleurs de « peu de moyens » et générant « peu de contrôles » (selon Stéphane Marchesi en tout cas, plutôt enclin à signaler que ce type de manquements n’est donc pas propre aux initiatives privées), telle avancée règlementaire demeure loin d’invalider la pertinence des démarches de certification volontaire, à ce jour plus jusqu’au-boutistes, nécessaires et efficaces. Etrangement pourtant, « 80 % des imprimés mis sur le marché bénéficiant d’un logo sont fabriqués par 20 % des imprimeurs certifiés » note Benjamin Mattely, qui voit là la conséquence du fait que « les clients ne sont pas encore systématiquement demandeurs du logo » et/ou que « les processus sont peut-être insuffisamment fluides et automatisés ». D’où cet étrange paradoxe : le niveau d’avancement global de la certification des produits apparaît certainement en-deçà de ce qu’il est réellement. Cyril Hergott, s’appuyant en cela sur les différents baromètres PAP 50 conduits par Riposte Verte (lesquels visent à évaluer la politique papier des grandes entreprises implantées en France ou collectivités et institutions publiques, dans le but d’améliorer leurs performances environnementales), souligne toutefois que si les labels apparaissent bien « de plus en plus importants pour les entreprises et les donneurs d’ordre », c’est avant tout pour « un souci d’image de marque », ajoutant donc qu’il était encore « important de sensibiliser les parties prenantes sur un engagement RSE ». Un travail toujours mené de front par les acteurs d’une Filière concernée, voire exemplaire à de nombreux égards, et qui n’en a pas fini de progresser…