Créativ’Book – Le livre au futur ?

Alors que le chiffre d’affaires des biens culturels, tous segments confondus, atteignait encore 8,37 milliards d’euros pour l’année 2017 (+ 2,5 % versus 2016), témoignant ainsi d’une certaine stabilité, le poids global des contenus dits « dématérialisés » au sein dudit CA est passé de 3 % en 2007, à 33 % en 2017. Une progression menée à pas de géants qui traduit, selon Anne Filiot (Directrice Panel Livres – GfK) « des dynamiques internes hétérogènes et bouleversées ». Car les produits sont, par nature, différemment affectés : « Le streaming audio pèse à lui seul, sur la période considérée, pour 50 % de la hausse de la dématérialisation » précise-t-elle, ajoutant que le streaming de livres n’excédait pour sa part pas 1,6 % d’un CA toujours très nettement dominé par le print. Car le livre reste cette exception flagrante qui le voit, en France, ne céder qu’à la marge aux logiques de dématérialisation. Ainsi, 92 % du CA global du livre est toujours généré par son itération imprimée, l’ebook se heurtant à un plafond de verre même en Angleterre ou aux USA, des territoires pourtant a priori plus enclins à l’y voir triompher. De sorte que la question n’est plus tant celle d’une possible substitution des supports, que celle d’une diminution du temps de loisir réservé aux lectures longues, plus challengées que jamais par des distractions numériques de plus en plus fragmentées et mobiles. « Il y a un impact sur les usages, mais il est plus incrémental que concurrent » précise Anne Filiot, rappelant que « les plus gros lecteurs sur liseuses sont aussi les plus gros consommateurs de livres papier » dans un monde où le smartphone roi (80 % des foyers équipés à fin 2018) ne vient pas tant entraver des équilibres visiblement solides :

« À fin octobre 2018, le marché du livre a perdu 0,2 % en volume, mais gagné 0,1 % en valeur. Si la fin d’année demeure cruciale, avec 30 % des ventes historiquement concentrées pendant la période des fêtes, le livre est encore loin de décrocher » conclut Anne Filiot, non sans omettre de préciser que les progressions conjointes des Best Sellers & des livres à courts tirages, continuent d’étendre un marché qui fait le grand écart

Attention toutefois : il serait certainement précipité d’en conclure que le livre papier n’a plus à se soucier des phénomènes qui l’environnent, quelques très gros éditeurs n’hésitant pas à anticiper de possibles mutations, alors que les passages de témoin générationnels rendent chaque jour un peu plus plausible l’émergence d’usages nouveaux. D’où la prudence exprimée par Fabrice Bakhouche, Secrétaire Général, Responsable de la Stratégie et du Développement (Hachette Livre) : « Nous constatons un taux de croissance très fort sur l’audiobook, un format qui permet de toucher de jeunes nouveaux lecteurs, qui n’avaient pas forcément de lien avec le livre papier. Cette tendance nous interpelle forcément beaucoup et nous irons toujours chercher de la croissance dans des univers connexes, comme le jeu mobile par exemple, pour y déployer nos propriétés intellectuelles. Nous avons la volonté de préserver nos marges et pour cela, il faudra développer des synergies »

Un compte-rendu plus détaillé à venir dans le prochain numéro d’Acteurs Graphiques…