La transformation numérique en avant-goût pour Graphitec
La conférence pré-Graphitec intitulée “Dématérialisation et productivité dans les industries graphiques” se tenait sur le salon Documation 2019 et osait un quasi-paradoxe : parler de “dématérialisation” pour évoquer l’avenir de l’imprimerie…
Comme pour balayer tout malentendu, Philippe Teyssier (Directeur général de Key Graphic) souligne dans un sourire qu’il sera ici question de “bonne dématérialisation”. C’est-à-dire celle qui permet de mieux collaborer, tant dans la sphère interne de l’entreprise que dans sa sphère externe, autour d’outils logiciels et applicatifs aux noms barbares : gestionnaires de workflow, bases de données dynamiques, automatisation des EDI (Échange de données informatisé), Web to print etc. L’enjeu est résumé de la sorte par Philippe Vanheste (Directeur marketing du Groupe Prenant) : “Il est urgent d’adopter les bons standards en EDI. Il faut nous connecter plus vite aux standards des autres métiers, plutôt que de rester isolés”, ajoutant “qu’il est “moins difficile de dématérialiser la partie administrative de l’entreprise que la partie jobs/production”, la seconde nécessitant en effet d’adosser les processus de gestion des flux à un environnement hardware – les machines d’impression – plus spécifique aux Industries Graphiques. C’est d’ailleurs là un paradoxe que certains n’ont pas manqué de souligner : les imprimeurs investissent énormément dans des machines, moins (pas assez ?) dans les ERP (Enterprise Resource Planning), lesquels permettraient pourtant justement de les piloter et de gérer l’ensemble des processus de l’entreprise. “Les petites structures se sont dématérialisées plus vite que les grosses” note par ailleurs Philippe Vanheste, sous-entendant là encore combien le poids de l’investissement matériel pèse sur l’agilité des entreprises, souvent historiquement construites – notamment stratégiquement – autour de leur parc machines. Or, certainement faut-il aujourd’hui davantage réfléchir aux tuyaux numériques véhiculant les flux administratifs, documentaires, informationnels ou productifs, qui font la vie d’une entreprise…
“92 % des spécialistes du marketing déclarent que les retards de validation sont les premières causes de non-respect des délais” – Isabelle Billerey-Rayel (Business Development Director, Dalim Software)
“92 % des spécialistes du marketing déclarent que les retards de validation sont les premières causes de non-respect des délais” souligne Isabelle Billerey-Rayel (Business Development Director, Dalim Software), ajoutant logiquement que “sans une bonne organisation, ces validations se perdent et/ou sont plus complexes”. Pire, “Nous manquons de bases d’analyse fluides et traçables, dès lors par exemple que nous voulons établir un lien entre la réception d’une campagne adressée en VPC, et les retours clients en termes de commandes” estime Philippe Teyssier. Autrement dit : les Industries Graphiques manquent de data exploitable, non pas tant pour des raisons éthiques que par défaut d’organisation optimale en amont. “Il faut en finir avec les Wetransfer que chacun stocke sur son poste” insiste-t-il… “Bénéficier d’un historique complet avec une traçabilité soignée permet de gagner énormément de temps. On sait qui a fait quoi, avec les outils de workflow et de contrôle pertinents”. Car “gagner du temps” fait plus que jamais figure de condition de survie, dans un contexte où les mouvements de flux se révèlent de plus en plus morcelés, dans le sillage d’une production volumique tendanciellement en baisse, pour un nombre de dossiers traités en hausse… Une réalité ô combien sensible dans l’univers de l’imprimé, mais qui s’avère traverser le monde de l’entreprise dans sa quasi-globalité. D’où le fait que la thématique de la “transformation numérique” affecte peu ou prou tout le monde, au risque de dériver en des injonctions à la dématérialisation maladroitement amalgamées au défi du “zéro papier”. Patricia Guillamot (Direction de la Communication et du Marketing de la RATP) évoque notamment la mise en place d’une plateforme collaborative destinée aux 400 salariés attachés au Comité d’Entreprise de la RATP, visant à fluidifier les flux croisés entre de nombreux services, communiquant eux-mêmes sur de nombreux supports : “Nous avions clairement des difficultés à gérer à la fois nos magazines, catalogues, sites Web, réseaux sociaux, etc. qui étaient animés par des process lourds et difficiles à appliquer. Nous étions également pénalisés par une absence concrète de solution d’archivage, qui occasionnait beaucoup de pertes” décrit-elle, avant d’amener Créacom – intitulé de la plateforme concernée, mise en place avec l’appui de Dalim Software – à simplifier l’ensemble des processus de communication. “Aujourd’hui nous gérons plus facilement 1300 réalisations graphiques par an, sur tout support” s’enorgueillit-elle, ajoutant “une montée en compétences des équipes, un meilleur niveau d’information pour tous, une meilleure direction de la communication, un meilleur accompagnement des demandes clients et un gain net de 100 000 euros annuels environ, sur un budget de 1 million”.
Alors comment expliquer cet étrange “retard” des Industries Graphiques face au défi de la transformation numérique ? Il fut pourtant l’un des premiers secteurs industriels à informatiser ses process, incluant même le numérique dès ses prémices à ses logiques de traitement, jadis analogiques. Il n’empêche, si la réalité d’un tel “retard” pourra être contestée à la marge, reste a minima une réelle hétérogénéité dans la façon dont les imprimeurs – au sens large – se sont emparés de cette question. Dit plus simplement : tout le monde n’est pas prêt. Et c’est ce rappel salutaire que voulait souligner cette conférence pré-Graphitec, à quelques encablures de la tenue du salon. De là à y voir un indice sur une volonté de se décentrer du tout-machine, pour mieux mettre en lumière l’optimisation organisationnelle essentielle qu’il convient aujourd’hui d’élaborer autour des Presses, il n’y a qu’un pas…