Worldskills 2022 – Les finales internationales se préparent

Parce que la pandémie de Covid-19 continue de perturber sévèrement l’économie chinoise, les finales internationales des Worldskills 2022, qui devaient se dérouler à Shanghai, ont finalement nécessité une réorganisation expresse. Au gré d’un éparpillement contraint des différentes disciplines, les métiers des Arts graphiques livreront pour leur part leur verdict en Suisse, d’ici quelques jours maintenant. En pleine préparation, nous avons interrogé nos deux représentants français…

C’est à Aisey-sur-Seine (Bourgogne-Franche-Comté) que Louis Leichtnam (22 ans, région Grand Est) et Emmannuel Young (22 ans, région Sud Provence Alpes Côte d’Azur) aiguisent leur préparation, en tant que représentants français respectivement pour les catégories « Imprimerie » et « Arts graphiques & prépresse ». Tous deux auréolés d’une médaille d’Or à l’échelon national lors des finales qui se sont tenues à Lyon en janvier dernier, tous deux d’ailleurs à l’occasion de leur seconde participation après les finales caennaises de 2018, ils nourrissent légitimement des ambitions élevées pour ces épreuves internationales.

Consolider ses connaissances & travailler l’approche mentale

En choisissant comme lieu d’entraînement « La ferme de bon espoir » dans le département de la Côte d’Or – ça ne s’invente pas – le préparateur mental Lou Ken (OOMyCoach) ne s’y serait pas mieux pris s’il avait voulu multiplier les signes. « Aujourd’hui, nous sommes prêts techniquement. Ce module est là pour nous recadrer mentalement. L’objectif c’est d’être le plus motivé, stable et performant possible le jour de la compétition » précise Emmannuel Young, dans ce qui constitue à la fois un exercice métier mais aussi une épreuve à dimension sportive où les paramètres physiques et mentaux sont primordiaux. En l’occurrence, définir les bons objectifs est le premier pallier nécessaire d’une bonne préparation. « Nous savons ce que nous avons à travailler. C’est quelque chose que l’on définit avec nos coaches : on confronte nos points de vue et on tombe rapidement d’accord » tranche Louis Leichtnam. « Les marges de progrès techniques sont assez simples à identifier lorsque l’on reprend les sujets sur lesquels nous avons travaillé. Sur le plan mental, il y a beaucoup de dialogue pour voir s’il y a des fragilités. Aujourd’hui, nous savons tous les deux que nous avons toutes les compétences pour réussir dans la compétition, l’approche mentale sert surtout à optimiser la motivation et se débarrasser de nos peurs » complète, lucide, Emmannuel Young. Lorsqu’on leur demande s’ils observent et/ou connaissent leurs compétiteurs, on a très vite la confirmation que le travail de concentration mentale paie, parce qu’il n’est pas question de se décentrer de l’essentiel : « J’ai eu deux jours de formation avec une candidate suisse et un candidat allemand, donc oui, nous connaissons un peu nos adversaires. Mais si nous sommes concentrés sur eux, c’est que nous ne sommes pas assez concentrés sur nous » clarifie Louis Leichtnam. « Ce qui est intéressant, c’est que nous allons rencontrer des gens du métier venant du monde entier, c’est toujours enrichissant… Mais on prendra ce temps surtout après les résultats, quand on pourra profiter de moments plus conviviaux » confirme Emmanuel Young. Mais la question que ne manqueraient pas de se poser bien des chefs d’entreprise en proie à des difficultés de recrutement, devant deux jeunes à ce point surmotivés, est celle de leur point de vue sur la faible attractivité du secteur… « Je pense que les jeunes ne savent pas ce que c’est que d’être imprimeur. Quand je dis que je suis imprimeur, on pense que j’appuie sur un bouton et que je regarde les documents sortir. Moi-même j’ai eu envie de faire ce métier suite à une sortie dans les ateliers où l’on imprime le journal ‘Les dernières nouvelles d’Alsace’, parce que j’ai vu les machines tourner et que j’ai compris à ce moment-là ce que c’était réellement. C’était finalement presque un hasard » témoigne Louis Leichtnam, preuve que le métier n’a rien perdu de sa capacité d’enchantement. Est-ce que cela en fait pour autant des lecteurs plus attachés que la moyenne au support physique ? « On est forcément plus sensibles que la moyenne à ce qui est imprimé. Surtout Louis, parce que moi finalement je fais un métier en amont de l’impression. Malgré tout, je me projette un peu plus facilement dans les projets qui sont destinés à être imprimés que dans du 100 % numérique. J’ai besoin de ce résultat-là, d’avoir quelque chose de palpable : la récompense est encore plus grande sur un objet physique » confirme Emmanuel Young.

“On ne sort pas de sa zone de confort. On l’élargit”. Lou Ken (OOMyCoach) offre ici un extrait du travail de préparation mentale par lequel passent les compétiteurs.

Le début d’une (longue) histoire ?

Enfin, parce qu’il ne s‘agit pas là « que » d’une compétition spontanée, mais d’une étape dans parcours professionnel qui reste à écrire, on ne pouvait que les interroger sur leurs intentions de carrière…  « L’avantage de cette compétition, c’est qu’on est mis en relation avec énormément de gens, dans énormément de domaines. C’est une aubaine parce que dans nos métiers on peut être amené à travailler avec n’importe quelle entreprise qui voudrait communiquer, et qui plus est on est entourés de gens qui visent l’excellence. C’est donc beaucoup d’opportunités et un réseau potentiellement énorme. Pour ma part, je sais que j’ai la volonté d’entreprendre et la compétition peut être un tremplin pour ça ou une source d’inspiration » s’enthousiasme Emmanuel Young, qui ne s’arrête pas là. « Au-delà de la compétition en elle-même, le fait d’avoir travaillé avec des experts passionnés, ça nous a donné l’envie de transmettre. Ce qu’on a appris ici, on a envie de le transmettre à notre tour » ajoute-t-il, rejoint en cela par son compère d’équipe de France des Arts Graphiques : « On est déjà contactés par des entreprises et il est clair que l’on est ici beaucoup plus visibles. Et de la même façon, plus le temps passe, plus l’idée d’entreprendre fait son chemin. Ce n’est pourtant pas quelque chose que j’avais forcément en tête en arrivant, mais je commence à y réfléchir »  explique à son tour Louis Leichtnam, pour qui tout ça ne doit être que le début…  « Le fait de se dire que l’aventure se termine dans quelque jours, ce n’est vraiment pas possible pour moi : je vais continuer de m’investir dans ce concours et j’ai envie d’entraîner les futurs vainqueurs dans ma région pour les prochaines finales nationales en 2023 ». Comment dès lors douter de la motivation de nos deux représentants ? A ce titre, et quels que puissent être les résultats de ces finales, c’est déjà une belle partie de gagnée…

Parole d’experts – Des jeunes bien entourés
Robin Gillet (Arts graphiques & prépresse) et Dominique Gendre (imprimerie) sont à la fois des coaches, des experts métiers, mais aussi des chefs experts désignés par les représentants des autres pays participants pour assurer la bonne conduite de la compétition. Un statut à part qui les engage et rappelle combien la France est une nation respectée, voire référente, sur nos métiers. « Notre rôle est multiple : pendant la compétition, nous n’évaluerons pas les épreuves, à l’inverse des autres experts. Nous avons un rôle global de management : nous assurer de la bonne organisation de la compétition, du bon enchainement des épreuves et du respect des règles, tout en prenant en compte les particularités de chaque pays pour que chaque compétiteur ait sa chance » détaille Dominique Gendre. Une mission en forme de reconnaissance qui mériterait peut-être elle aussi sa médaille…