Alban Pingeot – “Il y a toujours ce besoin en France de faire briller cette industrie”

Le récent nouveau Président d’Imprim’Luxe, passé notamment par Moulages Plastiques de l’Ouest (MPO) – une entreprise au profil atypique, à la fois fabricant de supports optiques pour l’industrie du disque et imprimeur pour répondre à des besoins connexes notamment dans le domaine du packaging – nous répond sur les nouvelles orientations d’un label destiné à « faire briller » notre industrie, tout en revenant sur une carrière riche, menée tambour battant. Et sans fausse note.

Est-ce que vous pouvez nous retracer votre parcours avant cette nomination à la Présidence d’Imprim’Luxe ?

Cela fait plus de trente ans que je suis dans la fabrication industrielle, avant cela j’étais coopérant à la chambre de commerce française de Barcelone pour aider les entreprises françaises – surtout des PME – à exporter localement. J’ai fait ça pendant quasiment deux ans. Ensuite, toujours en Espagne, j’ai créé une  entreprise de services pour le compte des éditeurs de logiciels. Je fabriquais leurs produits. Pour cela, J’achetais des disquettes vierges (supports magnétiques) que je dupliquais en série grâce à des copieurs et je concevais des packages pour les imprimeurs. Je travaillais notamment avec Toshiba, Epson et d’autres. A l’époque l’industrie était très locale, même pour des gros comme Apple ou Microsoft et ces marques avaient besoin de supports de communication magnétiques. Au bout de six à sept ans, j’ai vendu cette société à MPO [Moulages Plastiques de l’Ouest – NDLR], qui à l’époque avait une entreprise à Madrid pour fabriquer les premiers CD-Rom. Il fallait donc passer sur un support autre que le magnétique, ce qui constituait un défi important et a permis à MPO de rentrer dans un marché autre que celui de la musique. Pendant quelques mois, j’ai pris en charge le développement commercial du segment multimédias en Europe de l’entreprise : très vite, j’ai estimé que si nous voulions être forts dans la duplication de logiciels, il fallait aller en Irlande, puisque c’est la tête de pont de ces marchés à l’échelle mondiale, pour des raisons fiscales. En l’occurrence, exporter en Irlande est compliqué, donc il fallait vraiment travailler localement. J’y suis resté cinq ans à la recherche de gros clients, c’est comme ça que nous avons travaillé avec des sociétés comme Microsoft ou Dell, toujours selon le même principe : leur proposer des packages complets sur disques optiques, en nouant au passage des deals avec des imprimeurs. Car on l’oublie souvent, mais autour du disque il y a l’habillage et l’impression. Pour le disque lui-même, nous utilisions deux typologies en l’occurrence : l’impression sérigraphique sur CD et ensuite l’offset quand le DVD est arrivé, pour des questions de poids d’encres sur les disques. Il fallait aussi bien sûr packager soit de la musique, des jeux vidéo, de la vidéo, des contenus informatiques etc.

Proposer dans notre offre globale ce que les anglo-saxons appellent du service intégré. Pour l’éditeur, cela signifie avoir un seul prestataire capable d’aller jusqu’au magasin en flux tirés, avec le rêve de pouvoir fabriquer à la commande.

Il y a eu un âge d’or des supports optiques mais eux les premiers ont été touchés par la dématérialisation, bien avant le papier…

En effet ! C’est pourquoi, suite à ça, j’ai rejoint le groupe à Paris pour essayer de diversifier les activités et réfléchir à ce que la révolution numérique allait remettre en cause dans nos métiers. Nous avons donc développé deux activités dites ‘connexes’ pour vendre plus de produits : faire de la gestion de projets autour du packaging ; et de la logistique pour proposer dans notre offre globale ce que les anglo-saxons appellent du service intégré. Pour l’éditeur, cela signifie avoir un seul prestataire capable d’aller jusqu’au magasin en flux tirés, avec le rêve de pouvoir fabriquer à la commande, plus rapidement et en plus petites quantités et ainsi limiter les stocks. Pour notre activité packaging, il y a un moment clé avec le rachat de BDMO, né de Montreuil Offset [en mars 2011, NDLR] qui était un fournisseur historique dans le secteur des biens culturels en France. Elle était en difficulté financière et nous l’avions rachetée à la barre du tribunal à l’époque, cela nous a permis de faire un pas décisif vers l’impression et la fabrication de packaging, sachant que nous étions déjà imprimeur papier avec du matériel offset, mais uniquement pour nos besoins propres sur des produits plus basiques : livrets, jaquettes etc. Nous étions conscients que nos métiers allaient vers encore plus de digitalisation, cependant nous étions convaincus que l’objet allait résister sur des segments plus haut de gamme. Il faudra toujours de beaux produits pour les fans, pour les collectionneurs ou pour celles et ceux qui veulent faire des cadeaux. Ce ne sont plus des achats utilitaires en ce sens que s’il ne s’agissait que d’écouter de la musique, le streaming se suffirait à lui-même. L’intérêt, c’est bien d’acquérir un bel objet vecteur d’émotions. Pour autant, il fallait trouver d’autres marchés pour compenser la baisse de volume des ventes. Nous avons évidemment essayé d’emprunter le chemin du numérique, via l’encodage/transcodage de titres mis à disposition sur des plateformes marchandes, mais sans succès. Le fait est que lorsque l’on vient du monde industriel et de la fabrication, on ne se transforme pas d’un claquement de doigts en geeks. D’autant qu’il y a aussi une réalité sociale et économique : pour cent personnes qui travaillent dans la production physique, en digital il n’en faut plus que deux. Donc, on ne parle ni des mêmes échelles, ni des mêmes prestations. Enfin, dernier point : pour exister dans le monde digital, il faut soit être propriétaire des contenus et donc en quelque sorte être éditeur soi-même – ce qui n’était pas notre métier – soit être maître des tuyaux numériques. Ce n’est pas notre métier non plus… La seule solution pour nous, c’était donc de pousser des activités connexes et industrielles, notamment dans le packaging : nous savions que nous nous engagions sur des métiers techniques qui correspondaient à ce que nos employés pouvaient faire et nous savions que ces segments allaient grossir pour devenir petit à petit notre activité principale. Quand nous avons repris BDMO avec une vingtaine de salariés, nous avons lancé un programme de formation pour accompagner nos opérateurs vers l’impression et le façonnage, quand beaucoup venaient du disque. Ainsi nous avons pu sauvegarder 50 emplois. L’idée, c’était de pouvoir attaquer les marchés du haut de gamme, tout en poursuivant un développement logique puisque nous étions déjà positionnés sur de l’impression/fabrication de packaging.

Le packaging est un monde varié en soi, comment avez-vous affiné votre positionnement ?

Au départ, nous nous posions la question : fallait-il aller vers le packaging de luxe, la pharmacie, la cosmétique ou l’impression commerciale ? Nous nous sommes fait accompagner par un consultant sur ces questions, pour une analyse plus stratégique. Et nous avons rapidement constaté qu’il y avait davantage d’accointances entre notre histoire, notre culture, nos savoir-faire et les marchés du luxe. Il valait clairement mieux nous diriger vers des produits ‘prestige’ et prémium, que vers de la pharmacie par exemple, déjà pour des raisons d’accessibilité immédiate : nous n’avions pas les machines ou les capacités d’aller vers des produits exigeant une autre approche technique. Je prends souvent cet exemple : si nous savons fabriquer un coffret musical pour Lady Gaga et le livrer à la Fnac, on pourrait alors le faire sur un flacon de parfum pour le livrer chez Sephora, avec cette même exigence de qualité.

Les compétences techniques ont-elles immédiatement suffi ? Quels efforts de transformation avez-vous dû fournir ?

Dans le luxe, les marques cherchent souvent à se singulariser pour exister dans les linéaires des magasins. Il faut donc avoir un vrai département R&D et leur apporter du conseil sur des projets particuliers et être capable de sortir des moutons à cinq pattes. C’est ce qui faisait notre force en tant que fabricant de disques : quand on fabrique un disque, il faut forcément une boite et un habillage avec un vrai travail de créa’, de conception, de design etc. Sur des projets multi-matériels, il faut aussi parfois savoir gérer de la sous-traitance, tout en restant soi-même acteur de la fabrication. Du vinyle au CD, on n’a pas recours aux mêmes matières : d’un côté on a du polycarbonate et de l’autre côté du PVC. Quant à la dimension packaging, il fallait être capable de travailler à la fois sur des papiers de création et du carton, du textile, etc. Nous avons réinvesti à la fois en numérique et en offset après le rachat de BDMO, pour pouvoir développer notre business en nous ouvrant de nouveaux marchés. C’est comme ça que j’ai connu Imprim’Luxe, en 2015. Notre positionnement prémium a permis cette rencontre.

Les maisons de disques possèdent des catalogues avec des milliers de références. Et chaque référence peut exister en différentes éditions et différents formats. De fait, même s’il y a moins de volume, les tirages petits et moyens se sont multipliés.

Quelle amplitude de tirages assuriez-vous dans ce monde-là ? Qu’est-ce qu’un gros ou un court tirage, lorsque l’on parle de disques ?

Il y a beaucoup de métiers dans le disque, même si cela a beaucoup changé aujourd’hui. Mais nous assurions à la fois des tirages monstrueux, à millions d’exemplaires, notamment lors d’opérations partenaires avec McDonald’s par exemple ou pour accompagner différentes revues. Cependant pour  le segment de l’édition dite ‘classique’ que ce soit dans le monde la musique, de l’informatique ou du cinéma, on se situait entre 5000 et 200 000 exemplaires pour une nouveauté, avec des retirages entre 200 et 1000 unités. Aujourd’hui, le marché a bien évidemment beaucoup changé sous l’effet de la dématérialisation, mais il y a une profusion de titres disponibles : les maisons de disques possèdent des catalogues avec des milliers de références. Et chaque référence peut exister en différentes éditions et différents formats. De fait, même s’il y a moins de volume, les tirages petits et moyens se sont multipliés.

Cela ressemble à ce que, dans le print, on appelle le ‘versioning’…

Oui, exactement, il y a du versioning partout. Et je ne vais pas revenir sur les produits informatiques sur lesquels je travaillais à mes débuts, mais ça m’y a forcément préparé puisqu’il ne s’agissait que de logiciels mis à jour et réédités, aves des demandes erratiques : parfois il fallait ultra-réactif et parfois il n’y avait plus rien. On enchaînait les plannings vides et surchargés, selon l’état de la demande. Il fallait donc déjà une approche extrêmement flexible et agile des besoins, sachant que quand les clients sont des troubadours et des saltimbanques, eux les premiers ne savent pas combien ils vont vendre. Et cette obligation d’ultra-réactivité était d’autant plus nécessaire lorsque nous faisions face à la concurrence du piratage avec les CD gravés illégalement.

La flexibilité est toujours un avantage : pour répondre à la demande locale, mais aussi pour ne pas subir la concurrence étrangère et garder l’avantage de la proximité.

Est-ce que MPO a été confrontée, comme l’ont été nombre d’imprimeurs en France, à une concurrence étrangère rude avec des positionnements agressifs sur les prix ? Ou est-ce que le positionnement atypique de l’entreprise l’en a protégé ?

MPO a en effet un profil atypique au regard de ce qu’est l’imprimerie en France, mais ça ne veut pas dire que l’on n’a pas été confrontés à une forme de concurrence, notamment lorsque l’on fabriquait des CD vierges enregistrables : les asiatiques se positionnaient à très bas coût sur ces marchés, sans avoir à respecter les mêmes normes que nous. D’une certaine manière, nous avons donc connu cette problématique de délocalisation de l’activité. Ce qui est certain, c’est que la flexibilité est toujours un avantage : pour répondre à la demande locale, mais aussi pour ne pas subir la concurrence étrangère et garder l’avantage de la proximité. L’évolution du marché a confirmé qu’il ne fallait pas forcément avoir les machines les plus rapides et productives du monde, mais avoir celles qui calent très vite pour limiter les coûts fixes et assurer des demandes de plus en plus fractionnées. Au cours de ma carrière, j’ai toujours prôné l’export et le développement de l’activité à l’international. MPO dans ses beaux jours était une société qui avait des usines aux Etats-Unis, en Asie et en Europe. Sauf qu’avec la fonte du marché, on a fait les ‘petits gaulois’ en fermant les usines américaines, en vendant les unités en Asie et en nous rapatriant sur nos bases en Europe. L’activité s’est donc rabougrie et MPO aujourd’hui, c’est environ 60 % de son chiffre d’affaires qui se fait à l’export et 40 % sur le marché français.

L’important pour Imprim’Luxe, c’est de créer un chemin pour faciliter ces relocalisations, sur la base d’une appétence qui existe en réalité déjà.

Un des points clés de la mission d’Imprim’Luxe, dès sa création, a été la relocalisation des flux d’impression en France. Si le ‘made in France ‘ est attractif, voire gage d’un certain prestige, nombreux sont les donneurs d’ordre qui refusent d’en être prisonnier. Invité par Imprim’Luxe à un Table Ronde il y a maintenant près de quatre ans, Jean-Noël Kapferer (professeur émérite à HEC et sociologue spécialisé sur les thématiques de la communication) avait notamment dit que le ‘made in’ était une « obsession française » qui, selon lui, n’avait pas toujours lieu d’être… Est-ce que les choses sont malgré tout en train de changer ?

Si le client veut un produit peu cher, il mettra forcément les entreprises françaises en concurrence et je doute que l’argument du ‘made in France’ entrera vraiment en ligne de compte. Et de toute façon, la France ne pourra pas devenir demain l’usine du monde entier, ce n’est pas possible. En revanche, si dans sa réflexion le prix ne fait pas tout et qu’il veut aussi de la réactivité et de la qualité, alors même à quelques pourcents plus chers, le ‘made in France’ pourra lui apporter davantage de sérénité et recueillir sa préférence. C’est d’autant plus vrai aujourd’hui que toute la dimension RSE (de l’écoconception à la seconde vie du produit) est devenue hyper importante. En général, un donneur d’ordre met en balance l’ensemble de ces critères pour fonder son choix et de ce point de vue, nous avons des arguments à faire valoir. Mais ayons conscience qu’il y a des choses que la Chine par exemple fait extrêmement bien, parce qu’ils ont développé des savoir-faire structurés autour d’une industrie maîtrisée et de technologies pointues. Il ne faut pas croire que leur seul argument serait le prix. C’est bien pour cela que même si l’on essayait de rapatrier certaines activités en France, à ce jour nous avons encore des années de retard. Cela étant, regardons ce qu’ont fait Louis Vuitton ou Hermès : ils ont relocalisé des ateliers de fabrication, notamment en France, alors que d’un point de vue économique, il n’y avait aucun bénéfice direct à le faire ici plutôt que dans des pays à bas coûts de main-d’œuvre. Mais je pense qu’ils ont compris qu’ils vendent des produits destinés à faire rêver. Or, souvent, cela implique de s’appuyer sur un imaginaire qui fait par exemple que le champagne a des attaches culturelles et géographiques françaises. Même chose pour les vins : il en existe qui sont australiens ou californiens et qui sont de très bonne qualité. Mais sur le très haut de gamme, il y a cet imaginaire à respecter qui dépasse de loin la seule logique des prix. L’important pour Imprim’Luxe, c’est de créer un chemin pour faciliter ces relocalisations, sur la base d’une appétence qui existe en réalité déjà. Notre mission consiste évidemment aussi à valoriser et faire fructifier nos savoir-faire, chose qui passe à mon avis nécessairement par l’export : on ne doit pas rester recroquevillés sur nos marchés locaux.

Il ne se passe pas une semaine sans que l’on ne reçoive des demandes très spécifiques de fournisseurs ou de donneurs d’ordre sur notre site Internet, lorsqu’ils cherchent des prestataires capables d’assurer des opérations un peu pointues.

Vous avez récemment rappelé les objectifs prioritaires du label, en insistant notamment sur la nécessité d’être en contact plus direct avec les donneurs d’ordre. Est-ce à dire que certains de vos membres regrettent un manque de chiffre d’affaires additionnel, lié à leur appartenance à Imprim’Luxe ?

Il y a toujours ce questionnement entre, d’un côté, la volonté de rentabiliser une labellisation avec l’objectif comptable d’enregistrer un volume d’affaire supplémentaire, et l’utilité de faire partie d’un collectif destiné à valoriser ce qu’on est. Les mêmes questions se posent souvent à propos des salons professionnels : faut-il y aller ? Est-ce que ça rapporte ? Le fait est que souvent, les entreprises reviennent. Parce que je pense qu’au-delà des éventuelles frustrations liées à la difficulté de générer du business additionnel, du moins à première vue, on peut difficilement se permettre de ne pas se signaler. Et souvent, un label apporte des bénéfices qui ne sont pas immédiatement visibles : cela peut rassurer un donneur d’ordre quand il arbitre ses choix, mais rien ne l’oblige à le dire comme ça. Ce que je peux vous dire, c’est qu’il ne se passe pas une semaine sans que l’on ne reçoive des demandes très spécifiques de fournisseurs ou de donneurs d’ordre sur notre site Internet, lorsqu’ils cherchent des prestataires capables d’assurer des opérations un peu pointues. A minima, cela prouve que l’on est identifiés comme un garant qualitatif et c’est bien là aussi l’essence d’Imprim’Luxe. Cela étant, oui c’est notre prochain objectif : être davantage reconnu chez les donneurs d’ordre. A nous de marketer notre action, à minima pour qu’ils sachent quels services nous sommes en mesure de leur rendre.

Imprim’Luxe peut déjà s’enorgueillir d’une longévité qui est une victoire en soi : le label a en effet fêté ses dix ans l’an dernier, preuve qu’il a une légitimité de fait. A quoi cela tient, selon vous ?

Imprim’Luxe n’est pas une association technique qui aurait pour objectif de fédérer des entreprises ayant les mêmes profils et les mêmes problématiques, mais elle fédère des entreprises qui ont un point commun : une passion pour l’excellence. Et toutes nourrissent la volonté de conquérir des marchés haut de gamme, en France et ailleurs. Or, le monde de l’imprimerie est assez diffus, avec énormément de TPE et PME. Il y a toujours ce besoin en France de faire briller cette industrie, dont on ne parle hélas pas toujours positivement. Une industrie qui doit lutter pour son image, contre la digitalisation des pratiques, tout en faisant face à des difficultés socioéconomiques. On renvoie parfois l’image d’un monde qui sent la poussière, alors que nous avons de très belles entreprises, à la fois garantes de savoir-faire historiques mais aussi très modernes, avec des technologies qui évoluent sans cesse. Il nous faut aussi rappeler combien notre écosystème fait vivre une filière aux intérêts interconnectés, avec derrière tout ça des hommes et des femmes passionnés. Nos labellisés sont les fiers représentants de l’excellence de cette filière et je pense que c’est en soi assez rare. D’ordinaire, on parle de labels d’expertise technique, mais avec Imprim’Luxe, il s’agit d’une autre forme de reconnaissance liée encore une fois à l’excellence.

Pour revenir aux objectifs que porte Imprim’Luxe aujourd’hui, le packaging en général – et notamment le packaging secondaire – est omniprésent dans vos projections stratégiques. De fait, il apparaît comme une priorité claire…

On assiste à une dématérialisation des supports et donc à une baisse d’impression sur tout ce qui n’est pas stratégique pour la marque : tout ce qui peut être digitalisé sans perte directe de visibilité aura tendance à l’être. Or, pour une marque de luxe, l’emballage est extrêmement stratégique. C’est pour ça que je pense qu’Imprim’Luxe doit être particulièrement attentive à ce qui se fait dans le pack’.

J’ai du mal à imaginer qu’on aille acheter demain du parfum haut de gamme en vrac : quand on paye cent euros un petit flacon, difficile de se passer d’un bel écrin.

Pourtant, le packaging n’échappe pas à des injonctions à la sobriété. De plus en plus, on appelle à faire des emballages plus économes, voire à se passer de certains d’entre eux. C’est notamment très sensible au regard des législations européennes en cours de structuration.

Oui, mais on distingue deux grandes typologies de produits : les emballages de grande consommation, qui sont les premiers concernés par une réduction des volumes, et les niches haut de gamme à propos desquelles on se pose beaucoup plus de questions. Parce que – à l’image du disque, dont on a beaucoup parlé – le bel objet aura toujours besoin d’être matérialisé et d’être mis en valeur. J’ai du mal à imaginer qu’on aille acheter demain du parfum haut de gamme en vrac : quand on paye cent euros un petit flacon, difficile de se passer d’un bel écrin. Si on parle d’un CA global de 850 milliards d’euros pour le packaging – tous marchés confondus – les segments prémium pèsent 17 milliards, dont 2,6 milliards pour le seul sous-segment du packaging secondaire. 35 % dudit marché est européen et il est difficile d’évaluer le poids de la France. On peut imaginer que les produits européens ont plutôt tendance à être fabriqués en Europe, avec une part non négligeable d’exportations. Et si je suis un fabricant français, il y a quand même plus de sens à solliciter Autajon à Montélimar qu’un lointain prestataire peut-être un peu moins cher, même pour des campagnes qui partent dans des pays voisins. Pour autant, il est très difficile d’avoir des chiffres fiables sur lesquels se reposer : on est obligé d’analyser le marché au regard de ce que l’on observe et des quelques éléments à notre disposition.

Imprim’Luxe a toujours revendiqué une forme d’élitisme, en imposant notamment un plafond de labellisés autour de la cinquantaine d’entreprises. Est-ce toujours le cas ?

Oui, mais en même temps, il faut se méfier de la notion d’élitisme : on peut tout à fait avoir des entreprises détentrices de merveilleux savoir-faire, qui ne travaillent pas pour des grandes marques de luxe et qui se positionnent peut-être encore de façon un peu modeste.

Dans un monde graphique très varié, on a besoin d’entreprises qui ont envie d’exceller dans ce qu’elles font. Et j’ai presque envie de dire, peu importe ce qu’elles font : on a besoin de cuisine moderne et de cuisine traditionnelle.

A l’échelle des Industries Graphiques, il y a aussi nombre d’acteurs majeurs qui pourraient se sentir exclus du message ‘élitiste’ porté par le label, a fortiori lorsqu’ils sont positionnés sur des produits à l’image moins ‘noble’ et particulièrement attaqués ces dernières années : pensons notamment à l’imprimé publicitaire…

Pourtant, il faut les deux ! Je ne sais pas si l’analogie est très pertinente, mais je comparerais ça au guide Michelin : il y a le prestige tout en haut avec les restaurants étoilés, mais avant ça, il y a une myriade de distinctions plus modestes qui font aussi la richesse de la restauration française. On peut être à Paris ou en province, spécialisé dans le poisson ou le végétal etc. Mais dans tous les cas, on représente le savoir-faire à la française. L’excellence, par ailleurs, ce n’est pas que le produit : c’est aussi la qualité du service, la propreté des locaux etc. Parfois, on veut d’ailleurs juste manger vite, d’où les fast-foods, qui ont leur légitimité aussi. L’important, c’est de pouvoir répondre à des besoins différents, du mieux que l’on peut. Imprim’Luxe, c’est un peu la même chose : dans un monde graphique très varié, on a besoin d’entreprises qui ont envie d’exceller dans ce qu’elles font. Et j’ai presque envie de dire, peu importe ce qu’elles font : on a besoin de cuisine moderne et de cuisine traditionnelle. Pour l’instant, on plafonne le nombre de labellisés autour d’une cinquantaine, mais tant mieux si demain on s’autorise à être plus nombreux. Après, Imprim’Luxe ne peut évidemment pas répondre à tout, il est certain que les entreprises positionnées aujourd’hui sur de l’imprimé publicitaire n’ont pas les mêmes problématiques ni les mêmes perspectives que celles qui font de l’emballage haut de gamme, mais je reste persuadé que même face aux pires difficultés, il vaut toujours mieux essayer d’exceller dans ce qu’on fait. Inversement, être labellisé imprim’Luxe ne suffit pas, ça ne fait pas apparaître des clients et du business par magie. Le label crée effectivement des attentes et nous savons que nous devons l’imposer auprès des grandes marques, notamment auprès des contacts au profil plus opérationnel : des chefs de fabrication, des directeurs d’achat etc. En soi, les marques de luxe ont des besoins variés, d’où le fait que le label peut accueillir des entreprises aux profils très différents. C’est pour cela que nous pouvons d’une certaine façon « outiller » des entreprises sur le plan marketing & commercial, lesquelles ne savent pas forcément comment aborder certains clients, alors qu’elles répondent pourtant à des besoins importants avec un haut niveau de savoir-faire. Au point d’ailleurs que ce sont parfois les entreprises elles-mêmes qui viennent nous solliciter, conscientes de ce que nous pourrions leur apporter en termes de visibilité et d’opportunités.

L’année 2024 était une année drupa, un événement qui met évidemment la focale sur des aspects plus techniques : est-ce que les labellisés ou partenaires Imprim’Luxe expriment aussi des attentes liées à la technologie au sens large ? Y a-t-il des problématiques formulées autour de la rentabilité, la productivité ou la fiabilité des écosystèmes matériels, dans un contexte de contraction des volumes ?

Nous ne sommes pas un label technique mais nous avons des partenaires techniques. C’est par leur biais que ces enjeux pourraient être abordés et même si ce n’est pas notre raison d’être, j’espère qu’ils le seront de plus en plus. Ce qui moi m’a frappé en tant que client jadis auprès des imprimeurs, c’est de constater la course aux volumes qui a eu lieu pendant si longtemps, en sacrifiant au passage les prix sur les petites séries. Le but était de se refaire une santé sur les grosses commandes. Malheureusement, aujourd’hui les volumes baissent et on voit à quel point cette stratégie était mortifère. J’ai aussi pu constater une tendance à ne pas intégrer le coût des futurs investissements, dès lors qu’une machine était payée : là encore, le but est d’être moins cher que le voisin, mais ce faisant, on se coupe un pied à moyen et long terme, parce qu’on n’anticipe pas les investissements à venir. Il n’empêche que le métier a changé : il était auparavant très technique et ancré dans la production, il correspond plutôt à un métier de service aujourd’hui. Nous vendons de plus en plus du temps humain, davantage qu’un simple produit imprimé. Les machines numériques sont par ailleurs de plus en plus opaques et laissées aux mains des fournisseurs et à ce titre, les marges de manœuvre de l’industriel s’orientent de plus en plus vers la gestion de projet, la capacité à intégrer un maximum d’étapes dans la chaîne de fabrication, la réactivité commerciale, le développement du lien relationnel etc.

Si l’environnement est important partout, tout le temps, c’est certainement plus encore le cas dans l’univers du luxe. (…) C’est aussi un élément clé aujourd’hui pour faciliter le recrutement dans l’industrie, qui est un vrai problème. Nos jeunes souhaitent donner du sens à leur travail et protéger la planète pour le futur de leurs enfants.

Un marqueur de l’époque est évidemment la dimension environnementale et plus globalement RSE, qui redessine entre autres nos obligations règlementaires ainsi que nos façons de produire et de consommer. Comment analysez-vous le phénomène, du point de vue d’Imprim’Luxe ?

Je suis en train de faire une formation en parallèle à l’école des Mines sur la gestion environnementale et l’écologie et je ne sais pas si on réalise à quel point le sujet est central pour les marques de luxe. Elles s’adressent au consommateur final et elles ont cette obsession de répondre aux exigences croissantes en la matière des gens qui achètent leurs produits, tant sur le plan de la traçabilité que de la réduction des impacts de fabrication et d’utilisation. Elles sont tout à fait conscientes qu’un bad buzz peut leur porter un coup quasi-fatal. Nous insistons ainsi particulièrement sur ce point auprès de nos labellisés parce que si l’environnement est important partout, tout le temps, c’est certainement plus encore le cas dans l’univers du luxe, les marques ayant une image à préserver. C’est aussi un élément clé aujourd’hui pour faciliter le recrutement dans l’industrie, qui est un vrai problème. Nos jeunes souhaitent donner du sens à leur travail et protéger la planète pour le futur de leurs enfants.

Pourtant, on mesure là aussi déjà une forme de lassitude, certaines entreprises ayant dans le même temps identifié cette urgence, tout en ayant l’impression de subir des injonctions qui ne tiennent pas compte d’une forme de réalité industrielle…

Oui, c’est le cas parce que dans un univers à forte dominance de TPE/PME, la mise en application des démarches normatives est à elle seule extrêmement lourde et parfois très compliquée à saisir. On est passé d’un triptyque Prix/Qualité/Délais à une équation à quatre critères Prix/Qualité/Délais/Environnement. Sur ce point, à nous de porter la bonne parole parce qu’encore une fois, quand les entreprises sont focalisées sur la production, leurs priorités font que la partie RSE passe souvent au second plan. On en parle énormément, mais cette unité de valeur n’est – je pense – pas encore suffisamment prise en compte dans l’industrie. Les dirigeants de ma génération et des précédentes n’ont pas eu cette sensibilisation aux enjeux écologiques, il y a donc un effort à fournir pour se ‘mettre à niveau’, d’où la formation que je suis moi-même. Le piège, c’est de ne voir là-dedans que des contraintes, d’autant que les solutions manquent souvent et qu’on a par conséquent tendance à se dire qu’on nous demande l’impossible. Mais tout ceci est en train de se construire et il ne faut surtout pas y faire obstacle, bien au contraire. Pour ma part, j’essaierai de mettre cette thématique au centre d’un colloque à venir pour Imprim’Luxe, en mettant autour de la table des donneurs d’ordre et des industriels. Il faut bien être conscient que les marques vont chercher à s’appuyer sur nous : mieux on pourra les aider, mieux on prépare l’avenir de nos métiers. Encore une fois, ce n’est pas idéologique : il suffit d’entendre parler les donneurs d’ordre, de penser à qui seront les jeunes acheteurs de demain, eux-mêmes formés à ces enjeux, pour comprendre que nous n’y couperons pas. Si nous ne les aidons pas à progresser sur ces sujets, nous allons dans le mur.

Pousser les murs jusqu’à… Gand

Les 17 et 18 septembre, l’UNIIC vous donne rendez-vous pour des journées techniques et créatives dédiée à la décoration et à l’automatisation des flux de production en partenariat avec ESKO.

“Imprimé en France” – Les bonnes volontés s’affichent

Si les bien nommés “circuits courts” destinés à rapprocher les acteurs de la fabrication des metteurs sur le marché ne recueillent guère que des commentaires bienveillants, le livre peine encore à en profiter. Quoique des “signaux faibles” tendent enfin à affleurer, puisqu’un label “Imprimé en France” est d’ores et déjà arboré en quatrième de couvertures de ses livres par les éditions Calmann-Lévy, ces derniers appelant même leurs confrères à faire de même…

En moyenne, 30 à 40% des livres français sont réalisés à l’étranger.

Made in France : à l’État de montrer l’exemple ?

Certainement faut-il commencer par rappeler une évidence : le localisme ne saurait être imposé, dans la mesure où le code des marchés publics l’interdit. Plus précisément, la commande publique ne pourrait incliner à solliciter des prestataires locaux – ou même nationaux – qu’à la condition de mettre en avant des critères d’exception liés par exemple à la nécessaire rapidité d’exécution (l’urgence pouvant alors justifier alors d’aller au plus près), ou indirectement en faisant la démonstration que les exigences environnementales spécifiques d’une commande conduisent à solliciter des entreprises de proximité. Des solutions qui n’ont toutefois rien de systématique et qui, mal justifiées, peuvent être rapidement taxées de délit de favoritisme et contrevenir à la fois aux principes communautaires (défendus par la CJUE) et constitutionnels (défendus par le Conseil Constitutionnel) de la liberté d’accès à la commande publique. La chose est toutefois difficile à entendre, dans la mesure où l’époque semble réclamer de l’écoresponsabilité en circuits courts, pour des raisons tant strictement environnementales que plus globalement sociales, sociétales et économiques. C’est ainsi que l’on s’émeut parfois de constater que les budgets publics manquent de nourrir le tissu industriel local, au profit de concurrents étrangers par ailleurs possiblement éligibles à des subventions européennes d’investissement qui distordent plus encore un équilibre concurrentiel déjà malmené par les différentiels sociaux qui distinguent les coûts d’une impression en Europe de l’Est (Pologne, Estonie, Lituanie etc.) de ceux d’une impression en France. Il ne faudrait toutefois pas grossir le phénomène : pour le cas du livre, la commande publique se maintient en France dans 90% des cas (source : “Imprimer en France : l’avenir de la filière Livre” – DGE/UNIIC, 2015). C’est la balance commerciale du livre dans sa globalité qui pose question : “En moyenne, 30 à 40% des livres français sont réalisés à l’étranger” pouvait-on lire au sein dudit rapport. Une proportion qui est restée peu ou prou la même, neuf ans plus tard, même si des pistes d’amélioration sont engagées et prometteuses…

Au-delà des seuls engagements RSE qui inclinent nombre d’éditeurs à faire rimer “responsabilité” avec “proximité”, les circuits courts semblent asseoir leurs bienfaits économiques.

Relocalisations : les raisons d’y croire

Les raisons de cet exode partiel, si elles sont connues, n’offrent pas toutes des solutions directes : reconstruire l’outil industriel adéquat – notamment sur les activités de reliure et de façonnage – pour traiter un volume supérieur de livres complexes et semi-complexes prendra du temps (l’Atelier Partagé du Livre Complexe est à cette fin un projet industriel collectif de rapatriement de travaux de façonnages semi-complexes, appelé à sortir de terre ces prochaines années), alors que les arbitrages moins-disant conduisant à imprimer moins cher mènent soit vers l’Europe de l’Est, soit à nos principaux concurrents frontaliers que sont l’Allemagne, l’Italie, la Belgique et l’Espagne. Impossible en effet pour un industriel français de s’aligner sur des prix cassés sans sacrifier sa marge, ni même toujours de rivaliser – sur des segments de marché hors livre noir, où la compétitivité française n’est pas mise à mal – avec la puissance graphique allemande qui, bien qu’en deçà de la productivité française, a su s’armer (et sous-traiter) pour optimiser ses coûts. Les raisons en relevant pour partie de disharmonies fiscales et sociales, de telles distorsions concurrentielles appellent des ajustements politico-économiques sur lesquels une filière industrielle n’a de fait que peu d’emprise. En pareil cas, les meilleurs réflexes sont donc toujours les mêmes : miser sur l’innovation, travailler la qualité de ses services pour mieux accompagner la demande et faire émerger de nouvelles capacités de production par le co-développement. C’est ce qui a été notamment entrepris pour le livre complexe et semi-complexe, mais cela ne dispense ni de promouvoir le savoir-faire français pour sensibiliser le grand public, ni de rappeler que de relocalisations il ne pourra y avoir qu’avec le concours actif des donneurs d’ordre, qu’il ne s’agit pas de contraindre, mais bien de convaincre. Un objectif à vrai dire déjà bien engagé : au-delà des seuls engagements RSE qui inclinent nombre d’éditeurs à faire rimer “responsabilité” avec “proximité”, les circuits courts semblent asseoir leurs bienfaits économiques (réduction drastique des délais, échanges facilités avec l’imprimeur et meilleure gestion des flux) pour finir de rendre la chose profitable – et déjà observable – au-delà de sa stricte dimension éthique.

Structurer des outils collectifs destinés à valoriser une fabrication du livre qui soit ‘locale’, ou à tout le moins, ‘nationale’.

Vers un label “Imprimé en France” ?

Preuve que les lignes bougent, l’éditeur Calmann-Lévy a pris l’initiative d’imprimer en quatrième de couverture de ses livres un label “Imprimé en France”, sous des traits nettement visibles, dans le but d’afficher une volonté proactive de défendre l’industrie française. Avec l’ambition aussi de promouvoir – c’est de bonne guerre – ses propres bonnes pratiques, sans pour autant chercher à tirer la couverture à soi. “Il souhaiterait que tous les autres éditeurs adhèrent à ce label, avec l’aide de tous les imprimeurs français de livres, afin que tous les livres faits en France portent cette marque” s’enthousiasme en effet Jean-Paul Maury (Maury Imprimeur), relatant ici une rencontre avec le Président des éditions Calmann-Lévy, dans un courrier adressé à l’UNIIC. “Nous sommes nous-mêmes sur une réflexion portant sur ‘l’achevé d’imprimer’ pour lui donner plus de force, mais dans le cas présent, il s’agit de valoriser la production française et ce, certes à la demande de nombreux imprimeurs, mais également d’acteurs majeurs du Syndicat National de l’Edition (SNE)” ajoute Pascal Bovéro, Délégué général de l’UNIIC, dans un courrier cette fois adressé au SNE. L’objectif : “trouver ensemble les formes les plus appropriées pour mettre en avant cette ‘signature’ appelée en fait à devenir une marque collective”, précise-t-il. En somme : montrer l’exemple et généraliser les bonnes pratiques, pour enfin structurer des outils collectifs destinés à valoriser une fabrication du livre qui soit ‘locale’, ou à tout le moins, ‘nationale’ : un combat qui se réclame d’un idéal socioéconomique fort et qui trouverait là une précieuse première avancée…

Législatives anticipées : comment assurer la livraison du matériel électoral imprimé ?

A l’heure où nous écrivons ces lignes, dans un contexte extrêmement précipité, le délai exigé entre la fin du dépôt des candidatures (dimanche 16 juin) et la livraison du matériel électoral imprimé (le mardi 18 juin à 18 h) apparaît trop court. L’UNIIC œuvre à obtenir un temps supplémentaire…

Les élections législatives
 sont des élections certes nationales, mais qui relèvent aussi d’un ancrage territorial fort, au travers notamment des rapports de confiance existant entre les candidats et leurs imprimeurs de proximité.

Ces élections, sauf exception, sont programmées et laissent ainsi le temps aux acteurs de la fabrication des documents de propagande électorale (imprimeurs et routeurs) de travailler sereinement dans le cadre des dispositifs prévus par le code électoral, des échanges avec le ministère de l’intérieur portant sur les tarifs de remboursement, l’agenda de livraison des documents, ainsi que les lieux notamment.
L’UNIIC qui participe depuis de longues années (depuis que la gestion est centralisée) à ces travaux techniques avec plusieurs imprimeurs, œuvre à leurs côtés pour remonter les contraintes rencontrées dans les circonscriptions.

Le cas de figure que nous rencontrons cette fois-ci est inédit tant la précipitation déstabilise les imprimeurs, confrontés en outre à une offre papetière contrainte et aux prix qui peuvent en découler, avec un agenda tellement serré qu’il peut nuire à la qualité de la mission confiée aux professionnels graphiques.
L’UNIIC, consciente de ce que représente le bouleversement des modes opératoires lié à l’urgence, met tout en œuvre pour attirer l’attention de l’Etat sur les risques que nous prenons collectivement à ne pas intégrer les contraintes productives des imprimeurs, les surcouts générés, les difficultés qui peuvent naitre dans certaines circonscriptions qui peuvent ne pas être livrées conformément au cahier des charges et engendrer des annulations.

Alors que les tarifs de remboursement sont ceux de 2022 (et que les évolutions des coûts de matières et de production sont hélas au rendez-vous), l’UNIIC insiste pour qu’un délai de 24 heures supplémentaires nous soit accordé pour remplir cette mission essentielle.

Consulter les tarifs de remboursement

Pousser les murs… vers la décoration imprimée

Le 4 juillet, l’UNIIC vous donne rendez-vous pour une journée technique et créative dédiée à la décoration et à l’agencement.

Multisigne – “L’imprimerie, ce n’est plus un simple travail d’exécution”

Nous nous sommes rendus chez Multisigne à Joué-lès-Tours en Indre-et-Loire, un spécialiste de l’impression grand format qui s’attache à affiner un positionnement en constante réflexion. Nouveaux marchés, ajustements techniques et approches innovantes, Emily Pornet – sa dirigeante – montre une volonté forte de ne pas scléroser l’activité d’une entreprise qui, dit-elle, s‘est toujours employée à devancer les tendances. « On essaie d’anticiper le plus possible, voire d’être avant-gardiste. C’est quelque chose que m’a inculqué mon père : il faut essayer d’être visionnaire » résume-t-elle…

Emily Pornet, Présidente de Multisigne & Pixpano.

C’est en 2018 que l’entreprise, jusqu’alors dirigée par Guy-Pascal Pornet, est reprise par sa fille. Et c’est peu dire qu’en six années, Emily Pornet a d’ores et déjà inscrit sa griffe et repositionné l’entreprise au gré de choix stratégiques muris. « Il faut bien se dire qu’en 2005, nous avions aménagé un bâtiment pour faire rentrer une quatre couleurs en sérigraphie. Autour, il n’y avait que des machines de sérigraphie. Nous avions 800 mètres carrés dédiés à cette technologie. Aujourd’hui, ce n’est plus qu’une offre mineure chez nous. Malheureusement, c’est un procédé qui a beaucoup souffert, l’offset est venu lui manger quelques parts de marché, en plus de l’impression numérique. Or, la sérigraphie réclame beaucoup de main d’œuvre, beaucoup de technicité et les compétences sont de plus en plus difficiles à trouver. La maintenance devenait difficile également, avec des pièces de plus en plus difficiles à trouver » éclaire Emily Pornet, pour illustrer un phénomène somme toute observable à l’échelle du tissu industriel français tout entier : alors que la sérigraphie décline pour devenir une (précieuse) technologie d’appoint, c’est l’impression numérique qui se taille la part du lion.

“Le fait est qu’on pratique à peu près tous les mêmes prix, avec des cadences machines et des niveaux de qualité similaires. Notre valeur ajoutée, c’est ce que l’on offre en plus.”

Viser large pour affiner au mieux

Affichage, signalétique, enseignes, panneaux, PLV (packaging, totems, kakémonos, banderoles et bâches, stop rayons, frontons, présentoirs), structures d’exposition (stands, roll up et enrouleurs, portes brochures, enseignes, drapeaux), décoration et agencements (papiers peints, stickers, toiles, tableaux, meubles)… Si Multisigne a fait des choix – technologiques, notamment – on ne peut pas dire que son offre se soit concentrée autour d’un nombre plus restreint de produits. Une variété de possibilités qui fut une chance, notamment lors de la crise sanitaire. « Notre avantage, c’est d’être très généralistes et de pouvoir à répondre à tout type de demande, ou presque. Pendant le Covid, on est arrivés à être flexible en prenant des choses par-ci, par-là : des banderoles, des stickers etc. Cela nous a permis de ne pas fermer. Paradoxalement, cette espèce d’improvisation constante a créé de la solidarité et de la cohésion dans l’équipe. La fidélité de nos fournisseurs a également été d’une grande aide, leur présence nous a permis d’anticiper en surstockant » se remémore-t-elle, même s’il reste à préciser les équilibres sur lesquels l’entreprise a décidé de miser. « La part de notre chiffre d’affaires consacrée aux affiches a été en baisse pendant des années, parce que nous produisions avec d’anciennes machines et que les prix avaient sensiblement baissé. Dans le même temps, nous avons développé l’activité PLV pour compenser au moins en partie. Là, nous avons racheté de nouvelles Aleph à encres aqueuses, ce qui nous permis de réenclencher une dynamique très positive sur l’affiche » précise Emily Pornet, qui ne cache cependant pas combien la réorientation de l’activité sur la PLV aura constitué un virage stratégique majeur, pour partie contraint, mais bel et bien salutaire. Un virage qui aura en effet notamment conduit l’entreprise à flexibiliser tant son organisation, par l’instauration d’un planning en 3/8, que son amplitude de production, Emily Pornet se faisant ainsi fort de souligner que Multisigne s’attache à produire à partir d’un seul exemplaire, jusqu’à imprimer de hauts volumes si nécessaire, pour servir des marchés plus massifiés. Là encore, l’objectif est clair : répondre à un maximum de demandes, de toute nature.

Être à l’affut de nouveaux marchés : une adaptation qui passe par un élargissement de services

« Il a fallu trouver d’autres leviers lorsque le marché de l’affiche a commencé à baisser et dans le même temps nous constations une hausse sensible des demandes en PLV. Des gros faiseurs nous ont fait confiance et au fur et à mesure, on en est arrivé à faire 75 % de PLV. Alors que dix ans plus tôt, près des trois quarts de notre activité était consacré à l’affiche. On a complètement basculé, presque changé de métier, mais nous n’avions pas le choix » explique-t-elle. Un contexte qui explique en partie cette volonté d’ouverture sur les opportunités qui peuvent se faire jour dans le domaine de la communication visuelle au sens large, l’entreprise se montrant particulièrement soucieuse de ne pas s’enfermer dans une offre rigide. Et pour cause : « On est presque devenus une agence de communication. Il faut accompagner les clients sur l’idée, parfois même sur la créa’, sur le prix, sur le cahier des charges, notre bureau d’étude les accompagne sur la conception etc. L’imprimerie, ce n’est plus un simple travail d’exécution ‘Je vous envoie un fichier et vous l’imprimez sur un bout de PVC’. Pour moi la valeur n’est plus tant sur l’impression que sur ce que l’on est capables de proposer. Le fait est qu’on pratique à peu près tous les mêmes prix, avec des cadences machines et des niveaux de qualité similaires. Notre valeur ajoutée, c’est ce que l’on offre en plus » résume Emily Pornet. Or, ces ‘plus’ nécessitent fatalement de couvrir davantage de services, notamment dans ce qui se situe en aval de l’impression : finition, conditionnement, expédition… « On a recruté parce que c’est une transformation qui a demandé beaucoup de main d’œuvre, surtout sur la partie finition et conditionnement. Auparavant, nous ne nous occupions pas de tout ce qui concerne la répartition des expéditions, aujourd’hui c’est géré en interne, en travaillant notamment avec des ESAT. On fait venir des gens ponctuellement sur certains dossiers » confirme la dirigeante.

“En soi, on fait de l’ultra-personnalisation, mais il faut marketer ce que l’on fait et accompagner les gens, sinon ça ne marche pas.”

Production mutualisée, marketing ciblé

« En fonction des commandes, nous avons des machines petites, moyennes et grandes quantités. Sur certains nouveaux équipements, nous pouvons maintenant faire du roll-to-roll, alors que nous imprimions uniquement en aplat auparavant. L’idée, c’est donc d’aller creuser d’autres marchés » poursuit Emily Pornet, même si lorsqu’on lui demande comment ces arbitrages de volumes sont concrètement traités, les critères d’appréciation s’éloignent beaucoup de ce que diraient nombre d’offsettistes dits ‘traditionnels’ : « C’est compliqué parce que si on parle de plaques de 3 par 2, dès la centaine d’exemplaires on imprime une quantité importante en m². Alors qu’à l’inverse, 2000 petits stickers, c’est un petit dossier. On arbitre les quantités en fonction du nombre de plateaux que l’on passe, sur tout type de matières : supports rigides, souples, du carton, du plexiglas, du PVC, du bois etc. Mais on fait de plus en plus de PLV durables, donc pas mal de bois. On s’appuie sur des machines plutôt typées haute qualité qui impriment en petites séries à 40 m² de l’heure. C’est justement typiquement avec ces machines que l’on imprime du bois pour des enseignes durables » développe-t-elle en effet. Cette volonté de souplesse ne transparaît toutefois pas qu’au travers de choix d’investissements techniques, puisque l’on découvre chemin faisant que Multisigne cache d’autres atouts dans sa manche, hébergeant un matériel de production en réalité partiellement dédié à des entités satellites, bénéficiant de leur propre identité et d’un marketing singulier. « J’ai une deuxième entreprise qui est Pixpano. Multisigne, c’est une cinquantaine de salariés, Pixpano c’est vingt salariés. On fait exclusivement de la crédence de cuisine, des parois de douche, de la verrière personnalisée etc. On vise donc clairement les marchés de la décoration intérieure, ce qui est un positionnement bien spécifique. Les deux entreprises sont donc managées à part, parce qu’elles n’ont pas du tout la même façon de fonctionner. Néanmoins, l’équipement est partagé » explique-t-elle, avec une volonté manifeste d’adapter la communication au produit, le plus possible. « Les marchés de la décoration sont très porteurs et je pense qu’aujourd’hui, c’est un axe de développement à fort potentiel. Sur de la crédence, je travaille pour des professionnels qui sont des cuisinistes, des architectes, des décorateurs d’intérieur etc. Ces marchés sont peut-être encore un peu complexes quand on cherche à s’adresser directement au consommateur final. De mon point de vue, ça fonctionne mieux quand on crée des gammes standardisées. En soi, on fait de l’ultra-personnalisation, mais il faut marketer ce que l’on fait et accompagner les gens, sinon ça ne marche pas » prend-elle soin de préciser, décrivant un écosystème industriel mutualisé, mais des approches marketing volontairement plus éclatées, de sorte à maximiser les chances de toucher des cibles diverses, lesquelles n’auraient pas forcément l’idée d’aller solliciter un imprimeur grand format, ou à tout le moins identifié comme tel. Il aura souvent fallu se signaler autrement. Mais plus encore, Multisigne & Pixpano – qui génèrent respectivement 8 et 4 millions d’euros de chiffre d’affaires – s’inscrivent dans une philosophie consistant à mêler production industrielle, offre de services élargie et marketing ciblé : une triple approche qui fait presque figure aujourd’hui de seule stratégie viable, pour sortir le print d’une ornière strictement industrielle de plus en plus restrictive.

Lire également : Sérigraphie, impression numérique connexe & Labeur : comment acter de la fusion des conventions collectives ?

L’enfer numérique est encore devant nous

Culture Papier recevait Guillaume Pitron, journaliste et auteur notamment de « La guerre des métaux rares, la face cachée de la transition énergétique et numérique » en 2018, puis de « L’enfer numérique : voyage au bout d’un like » en 2021, aux éditions Les liens qui libèrent. Retour sur un échange aussi passionnant que glaçant, tant l’hégémonie numérique porte des externalités négatives croissantes (c’est un euphémisme), qu’il semble extrêmement difficile – sinon de défaire – seulement de contenir.

 

Il le reconnaît volontiers : s’il n’avait pas acquiescé aux desideratas de son éditeur, le dernier ouvrage signé Guillaume Pitron n’aurait gardé que son sous-titre pour s’intituler plus volontiers « Voyage au bout d’un like ». A la fois parce que la formule lui semblait plus fidèle à l’esprit du livre et surtout parce que loin d’être un technophobe patenté, Guillaume Pitron refuse d’être vu comme l’anti-numérique qu’il n’est pas. Car il s’agit bien de décrypter la machinerie numérique pour en comprendre chaque rouage et, dit-il, « développer une perception sensorielle d’Internet ». C’est-à-dire donner à voir la matérialité de ce qui est supposément immatériel, dans des proportions à ce point vertigineuses qu’elles ramènent à un constat implacable : sauf à imposer des garde-fous d’urgence, l’enfer numérique est bel et bien devant nous.

Personne n‘envoie une lettre papier pour dire à un ami ‘j’arrive’. On ne remplace pas une lettre par un email, mais par des centaines d’emails. Il s’envoie 163 milliards de mails par jour, l’effet rebond c’est ça.

« Plus c’est petit, plus c’est gros »

« Nous allons consommer plus de métaux ces 3 prochaines années qu’en cumul depuis 70 000 ans. Et il faut se figurer qu’en 2060, le niveau global de consommation de ressources sur la planète aura été multiplié par 2,5 par rapport à 2011 » assène Guillaume Pitron, désireux de démontrer combien « l’infrastructure numérique est en passe de devenir la plus grande infrastructure jamais constituée par l’être humain ». Rien de moins, sans qu’il ne soit même seulement concevable que pareille prophétie n’advienne pas. Car le terme ‘infrastructure’ n’est pas choisi au hasard : si un smartphone contient déjà une cinquantaine de métaux rares, il n’est rien sans l’immense écosystème qui lui permet d’être continument connecté, sans la masse exponentielle de données hébergées dans des data centers, sans les centrales électriques spécifiquement dédiées à ces serveurs ou encore sans les câbles qui font transiter la bande-passante au travers des mers (99 % du trafic Internet passe en effet par des câbles, très marginalement via des satellites). De sorte que nous sommes évidemment loin des contenus prétendument « dématérialisés » qui voyageraient de façon fluide par terminaux numériques interposés, avec des appellations marketing flatteuses tels que le « cloud », qui porte en réalité très mal son nom. « On estime, selon le concept du sac à dos écologique, qu’en moyenne un objet manufacturé – comme une tasse par exemple – pèse 40 fois son poids, au vu des ressources, directes et indirectes, qu’il a fallu mobiliser. Le smartphone a un des ratios les plus élevés au monde : c’est comme s’il pesait 1200 fois son poids » illustre Guillaume Pitron, insistant sur l’extraordinaire complexité d’une technologique pourtant ultra-compacte. « Les puces électroniques sont un peu l’emblème de cette matérialité cachée. C’est quelque chose de minuscule, qui aura nécessité l’apport de nombreux sous-traitants et engagé énormément de matières dans le processus de fabrication. Une puce pèse ainsi en moyenne 16 000 fois son poids, c’est le ratio le plus élevé jamais mesuré. Qu’est-ce que ça veut dire ? Que souvent, avec le numérique, plus c’est petit, plus c’est gros ».

L’obsession des acteurs du numérique aujourd’hui, c’est la continuité de service. L’enfer du numérique vient précisément se nicher ici. Parce qu’on ne peut pas arrêter Internet, jamais.

Continuité et redondances : les traits de l’enfer numérique

Bien que connu et largement documenté, « l’effet rebond » peine encore à intégrer les réflexions et autres calculs d’impacts dès qu’il s’agit de s’appuyer sur des comparatifs. « Le Figaro m’avait interrogé l’été dernier en me demandant s’il valait mieux envoyer une lettre ou un email. Je leur ai répondu que la question était passionnante mais surtout très mal posée. Bien sûr qu’à première vue, il vaut mieux envoyer un email. Mais personne n‘envoie une lettre papier pour dire à un ami ‘j’arrive’. On ne remplace pas une lettre par un email, mais par des centaines d’emails. Il s’envoie 163 milliards de mails par jour, l’effet rebond c’est ça » illustre Guillaume Pitron pour rappeler une évidence qui pourtant, instinctivement, s’impose rarement comme telle. Mais là n’est pas l’entier du problème que nous pose la mesure des impacts numériques, tant nous sommes désormais massivement incapables de tolérer une panne ou des déconnexions intempestives. « L’obsession des acteurs du numérique aujourd’hui, c’est la continuité de service. L’enfer du numérique vient précisément se nicher ici. Parce qu’on ne peut pas arrêter Internet, jamais. Si Facebook vous dit ‘veuillez vous reconnecter dans deux minutes’, vous ne l’acceptez pas. Pour remédier à ça, on redonde l’infrastructure de sorte que si un centre de données tombe en panne, un autre prend immédiatement le relais. Il existe ainsi des centres de données qui ne seront certainement jamais utilisés, parce qu’on veut prévoir ce qui n’arrive jamais » se désole-t-il, décrivant un surdimensionnement d’infrastructures d’autant plus gloutonnes qu’elles répondent à un niveau de précaution quasi-paranoïaque. Davantage que des pannes, c’est même seulement la latence numérique qui est honnie par l’immense majorité des utilisateurs : on ne supporte plus de voir une application ‘ramer’ et tarder à nous répondre. Là encore, pour réduire la latence, on multiplie les relais. A tel point que se sont donc constituées des infrastructures à l’avenant, bel et bien matérielles en effet, très au-delà même de ce qu’un usage raisonné réclamerait.

L’IA, ou la peur du pire

Raisonner les usages, c’est justement ce qui a valu un bad buzz cinglant à Najat Vallaud-Belkacem, l’ex-Ministre de l’Education nationale proposant notamment dans une Tribune parue dans les pages du Figaro, de « rationner Internet ». Ainsi s’est-elle-même risquée à y attacher un ordre de grandeur : trois gigas de données par utilisateur et par semaine. Suscitant l’hilarité moqueuse des uns, mais aussi l’appui bienveillant de quelques autres, cette tentative visant à poser une limite à ce qui semble ne plus devoir en avoir, illustre toutefois combien la problématique soulevée ici est sensible. Peut-on seulement concevoir un retour en arrière ? Probablement pas encore. « Open AI ne communique pas encore sur les chiffres de ChatGPT4, mais on connaît ceux de ChatGPT3. Pour la phase d’entraînement, c’est de l’ordre de 150 tonnes d’équivalent CO2, soit environ 200 allers/retours Paris/New York, ce qui est en soi assez peu. En revanche, la phase d’utilisation, pour environ 13 millions d’utilisateurs par an, on considère que l’impact est 200 fois plus élevé que pour  la phase d’entraînement », sachant que la dernière mesure du nombre d’utilisateurs du désormais célèbre agent conversationnel d’Open AI culmine à plus de 180 millions (décembre 2023), loin des 13 millions servant ici de base de calcul. « Mais on conjecture que ChatGPT 4, c’est encore 100 fois supérieur aux impacts de ChatGPT3 », précise Guillaume Pitron. Des ratios qui donnent le vertige, alors que loin d’agir pour une sobriété numérique sérieuse, les pouvoirs publics poussent pour voir naître un champion français en la matière, parce que les priorités sont celles-là : il s’agit de tirer profit d’une manne économique majeure, sans se voir aspiré par les géants américains ou chinois. « On ne veut pas être dépendants d’infrastructures qui, potentiellement, nous espionnent. Dans un monde qui, géopolitiquement, se tend, je ne vois pas comment on va s’arrêter. On sait que dominer le cyberespace est un levier de puissance » estime-t-il, dans un mélange contraint de fatalisme et de lucidité. Pourtant, les signes faisant état d’un trop-plein numérique ne manquent pas. Et ils sont annonciateurs du fait qu’immanquablement, un jour, il faudra freiner des quatre fers.

Il ne faut pas attendre de limites de ressources à l’expansion numérique : il y aura toujours quelque part du métal à extraire et des substituts seront créés pour les besoins du marché.

L’espoir, malgré tout

 « Il faut peut-être aussi redire à quel point le numérique est archi-nécessaire. Qu’aurait-on fait sans lui pendant le Covid ? Les conséquences économiques et sociales auraient été bien plus lourdes encore. C’est aussi un outil de connaissances incroyable : grâce à lui, on sait en temps réel comment se porte la barrière de corail par exemple. Il ne faut pas attendre de limites de ressources à l’expansion numérique : il y aura toujours quelque part du métal à extraire et des substituts seront créés pour les besoins du marché. Les limites sont plus sûrement psychologiques, on a vu le sujet surgir ces dernières années pour des raisons de santé physique et mentale. Une autre limite, c’est la démocratie, raison pour laquelle nous sommes en train d’essayer de réguler les réseaux sociaux. Et l’autre limite, la plus évidente, est environnementale, même si le niveau de conscience est très hétérogène selon les pays. Il est assez élevé en France, pas du tout aux Etats-Unis par exemple » tient à conclure Guillaume Pitron, pour laisser enfin entrevoir l’espoir d’un revirement salvateur. Car si l’enfer numérique est devant nous, il faudra se rappeler que rien ne nous oblige à nous y rendre sans réagir collectivement. La matérialité imprimée est certainement une réponse – modeste – parmi tant d’autres, pour offrir des alternatives à un tout-numérique dont on sait aujourd’hui à quel point il s’avèrera néfaste. Et à ce stade, toutes les alternatives – a fortiori quand elles ont fait leurs preuves – sont bonnes à prendre.

La Drupa 2024 dévoile ses cartes

Exceptionnelle à plus d’un titre, après huit ans d’absence sous son format “physique”, cette Drupa 2024 s’est présentée, au gré d’une récente conférence de presse, sous des traits plus internationaux que jamais : avec une forte percée des marchés dits “émergents” et des tendances très favorables au packaging dans les régions du monde où les croissances démographiques sont les plus fortes, l’industrie du print montre des dynamiques globalement positives, bien que très hétérogènes à l’échelle mondiale. Dans pareil contexte, qu’attendre du salon de Düsseldorf ?

On ne cesse de le rappeler, mais alors que le Covid est encore frais dans les mémoires, “nous vivons des temps agités, il s’est passé plus d’événements en quatre ans qu’en des décennies entières” résume Sabine Geldermann, Directrice du salon. Une façon de faire référence certes à la fois à la crise sanitaire, mais aussi à des phénomènes sectoriels (crise du papier, manque de main d’œuvre), plus communément industriels et/ou économiques (crise logistique, inflation, règlementations environnementales), voire géopolitiques (guerre en Ukraine et au Proche-Orient). De quoi en être assuré : cette Drupa ne sera pas comme les autres et les enjeux qu’elle renferme excèdent la seule dimension technologique des matériels, hardware et software.

Les marchés émergents omniprésents

Certainement plus qu’aucune autre édition avant elle, cette Drupa sera à l’image de ce qu’est aujourd’hui le marché mondial du print, dans toutes ses dimensions. “Selon la Smithers Pira Limited, le chiffre d’affaires global du print dans le monde atteint désormais les 950 milliards de dollars” rappelle Sabine Geldermann : un record qui cache évidemment des situations extrêmement disparates, selon les sous-marchés considérés. Car s’ils sont très majoritairement matures en Europe – avec des surcapacités de production qui induisent des tensions inévitables chez les industriels – la demande demeure globalement croissante, tirée par les marchés émergents. “Entre 2015 et 2030, la classe moyenne croit nettement à l’échelle internationale, notamment en Asie, où il y a par ailleurs beaucoup moins de problèmes de main d’œuvre” résume la Directrice du salon, qui donne déjà là quelques éclairages quant à l’omniprésence remarquée des fournisseurs chinois. Sur les 50 pays représentés à cette Drupa, ils occupent en effet la deuxième place en termes de mètres carrés occupés (23 652 m²), derrière l’Allemagne (40 761 m²) et devant l’Italie (13 339 m²), qui complète le podium. A titre de comparaison, avec 25 stands confirmés à l’heure actuelle (30 sont attendus à terme), la France occupe 1843 m². Il faudrait par ailleurs ajouter que le Japon, s’il affiche “seulement” 4276 m² d’exposition, dépasse probablement virtuellement les 20 000 m², au travers d’une présence qui se fait majoritairement via ses filiales européennes. De nouveaux équilibres qui ne sont pas sans conséquences sur les produits imprimés eux-mêmes, puisque ce sont le packaging, l’étiquette et l’impression numérique qui tirent la couverture à eux, tandis que l’impression dite “commerciale” reste globalement stable à l’échelle mondiale, avec un déclin entamé sur les marchés matures – européens, notamment – évoqués plus tôt.

Vers une reconfiguration de l’offre ?

Même si des absences notoires se sont fait jour (citons notamment Xerox, Agfa, Manroland ou Domino), le plateau de fournisseurs présent à Düsseldorf est donc copieusement garni, loin des inquiétudes qui avaient pu être exprimées en 2020, lorsque certains redoutaient un ‘monde d’après’ délesté de ces grands salon physiques, au profit d’une communication numérique plus segmentée. Comme en 2016, c’est HP qui fera figure de premier exposant, avec environ 6000 m² et un hall entièrement dédié à ses solutions, même si l’impression dite “conventionnelle” est loin d’être en reste : poussé par le marché feuille, l’offset devrait en effet abattre des cartes intéressantes, avec notamment une présence renforcée d’Heidelberg, Koeing & Bauer ou encore Komori. Le salon inaugurera pour l’occasion de nouveaux espaces, dédiés à se faire l’écho de tendances sectorielles fortes :

  • Un Drupa Cube qui accueillera les conférences et autres keynotes thématiques.
  • Un Forum des solutions spécifiquement dédié aux approches environnementales et éco-friendly.
  • Un Forum spécifiquement dédié au packaging innovant (preuve, s’il fallait encore insister, de la percée confirmée des marchés de l’emballage).
  • Une “Drupa Next Age” davantage destinée à présenter de nouvelles visions, de nouveaux talents, au gré notamment d’une plongée dans des thématiques de veille technologique (fabrication avancée, bio-impression, IA & robotique etc.).
  • Une Drupa Touchpoint dédiée à l’impression textile.

Avec plus de 1 800 exposants et plus de 260 000 visiteurs attendus, cette Drupa sera peut-être bien celle des grands écarts, se faisant tout à la fois l’écho d’une croissance mondiale très liée à de purs aspects démographiques, ainsi que d’un plafonnement des marchés dans des régions du monde où les ajustements stratégiques réclameront une connaissance pointue des tendances à l’œuvre, sur des marchés moins attachés que jamais à des logiques de massification.

L’UNIIC et ses partenaires vous donneront l’occasion d’en juger sur place : les forfaits proposés, pour des voyages qui s’effectueront – au choix – du 28 au 30 mai, ou du 4 au 6 juin (de possibles aménagements peuvent, le cas échéant, être discutés), sont consultables sur notre page de préinscription. Les places partent vite, ne tardez pas !

 

Sérigraphie, impression numérique connexe & Labeur : comment acter de la fusion des conventions collectives ?

En application des dispositions de l’article L2261-32 du code du travail, les pouvoirs publics ont procédé à la fusion de la convention collective des industries de la sérigraphie et des procédés d’impression numérique connexes (IDCC 614), avec la convention nationale de l’imprimerie de Labeur et des industries graphiques (IDCC 184). Un rattachement devenu opérant le 1er février 2024, généralisant de fait sur les bulletins de salaire le code d’identification CCN 0184.

Si la convention collective de la sérigraphie et des procédés d’impression numériques connexes ressemble pour l’essentiel de ses dispositions à celle du Labeur, la classification des emplois, la structuration d’une couverture de prévoyance collective et – dans certains cas – les aspects Formation (certificats de qualification et diplômes notamment), nécessitent quelques ajustements. De façon à faciliter le basculement, il a ainsi été décidé :

– Que les entreprises relevant de l’ex-champ de la sérigraphie n’auraient pas, au titre de l’année 2024, à contribuer aux collectes conventionnelles IDCC 184.
– Que la politique salariale portant sur les minimas conventionnels devait être repensée pour tenir compte des spécificités des industries créatives.
– Que nous devions construire des emplois repères dédiés à la spécificité des sérigraphes et imprimeurs numériques grand format, jusque sur les fonctions support. Un travail qui relève d’une phase d’accompagnement des entreprises sur des classifications encore sujettes à réflexion, au vu des demandes qui parviennent à l’UNIIC.
– De proposer une couverture de prévoyance collective, sous l’égide du Groupe Lourmel, dédiée à la spécificité des métiers anciennement rattachés à l’IDCC 614.

Nos services sont mobilisés pour vous accompagner sur ces sujets, n’hésitez pas à vous rapprocher de nous.

Huiles minérales – où en est-on ?

Indésirables dans le packaging alimentaire, les hydrocarbures aromatiques d’huiles minérales (MOAH) sont suspectés d’être des perturbateurs endocriniens cancérigènes. Exclues à cette fin des procédés d’impression d’emballage, ces MOAH demeuraient toutefois potentiellement présentes dans les encres offset (heatset et coldset), risquant de contaminer les packagings (primaires et secondaires) recyclés.
Sur demande de la DGPR, un groupe de travail lancé par Citeo avec les différentes parties prenantes, a vu l’UNIIC s’engager, depuis 2017, à travailler sur des encres alternatives : les imprimeurs et acteurs amont/aval (producteurs d’encres, fournisseurs et transformateurs d’emballages, éditeurs, industriels de recyclage etc.) ont ainsi travaillé sur des solutions alternatives techniquement disponibles et économiquement supportables. Depuis 2022, de nouvelles formulations ont résulté de ces travaux, avec un taux d’appropriation de 97 % par les industriels français. Mais, comme nous le mentionnions avec la FIPEC dans un communiqué commun en décembre 2022, “l’arrêté du 13 avril 2022 précisant les substances contenues dans les huiles minérales dont l’utilisation est interdite sur les emballages et pour les impressions à destination du public (…) provoque une déstabilisation de toute la filière puisque les modalités de contrôle rendent impossible la mise en œuvre de la loi : toutes les encres, dont les encres à base végétale, seront de fait interdites, à échéance 2025, sur le marché français, si les seuils limites restent sous les capacités de détection de l’industrie et des laboratoires.

Travaillant tant auprès de l’Etat que de l’ANSES, l’UNIIC poursuit son travail d’information, en portant notamment à la connaissance de nos interlocuteurs les réalités suivantes :

– Limiter les contaminations de MOAH à la source via une réglementation française apparaît d’autant plus inenvisageable que les flux de matières imprimées sont à minima européens, voire mondiaux. La traçabilité des papiers récupérés – lesquels sont envoyés par balles à l’étranger pour une production recyclée qui n’existe, hélas, quasiment plus en France – est ainsi en l’état impossible à assurer. L’autre solution, qui consisterait à revoir le schéma de collecte des déchets pour éviter tout mélange problématique, se heurte (entre autres) au fait que ce sont les collectivités elles-mêmes qui en déterminent les propriétés de façon indépendante et – donc – hétérogène.
Où effectue-t-on les contrôles ? Si ce sont les encres d’imprimerie qui ont concentré l’attention du législateur, les dérivés d’huiles minérales – à l’état de traces – peuvent tout à fait provenir du substrat lui-même, des colles & adhésifs ou d’une contamination croisée via les aliments eux-mêmes. Elles peuvent également être présentes dans les camions et conteneurs dédiés à assurer le transport des marchandises imprimées.
– Si le secteur s’est déjà attaché à produire de nouvelles formulations d’encres largement exemptes de dérivés d’huiles minérales, aller plus loin – jusqu’à en éliminer toute trace – suppose des travaux d’identification des problématiques, puis de recherche & développement, qui nécessitent 3 à 5 ans de travail supplémentaire. Un temps qui nous met déjà hors-délai vis-à-vis de la règlementation, telle que définie à ce jour.

Pour rappel, la nouvelle législation relative aux seuils maximum tolérés de dérivés d’huiles minérales dans les produits imprimés est appelée à s’appliquer au 1er janvier 2025.