Chez Diamant Graphic (Groupe Prenant), la nanographie à l’épreuve du réel
Inaugurée voilà plus de trois ans – fin 2019 – sur le site de Diamant Graphic (Groupe Prenant) à Choisy-le-Roi (94), la presse Landa S10P demeure à ce jour la seule machine dite « nanographique » installée sur le sol français. Machine feuille recto/verso de format 75×105, elle s’exposait encore en 2023 aux yeux de la profession, au gré de deux journées ‘portes ouvertes’ organisées les 18 et 19 janvier derniers, accueillant à la fois une quarantaine d’imprimeurs européens venus observer la presse en conditions de production, ainsi qu’une trentaine de donneurs d’ordre curieux des possibilités offertes par la machine. Un intérêt palpable donc, en dépit de mouvements sociaux qui ont certainement fait jusqu’à deux tiers d’absents.
« Nous sommes avant tout des concepteurs d’encres à nano-pigments »
Dernier cheval de bataille porté par Benny Landa, dont il fit la promotion dès la Drupa 2012, la nanographie se veut être ce procédé intermédiaire, idéal pour les moyennes séries qui ne conviennent ni vraiment aux procédés numériques jet d’encre (tant pour des raisons qualitatives que de plafond de rentabilité de production), ni vraiment aux tirages offset (plus indiqués pour des volumes supérieurs). Par la voix de Jean-Baptiste Bardinet (Global Segment Manager), Landa pourrait ainsi davantage se définir comme « un concepteur et vendeur d’encres à nano-pigments » que comme un véritable constructeur de machines d’impression. Une révélation de prime abord étonnante, qu’il faut en réalité comprendre comme la résultante d’un focus assumé sur les nanotechnologies, l’impression n’étant somme toute qu’une de ses applications possibles. « La nanographie commence par la projection de milliards de gouttelettes de nanoInk sur un blanchet spécial qui transfère l’image. Chaque rangée d’éjecteurs projette sa propre couleur. Chaque gouttelette atterrit à un endroit précis et, en se mêlant à d’autres, finit par créer l’image colorée finale. Lorsque chaque gouttelette atteint le blanchet chauffé, elle commence à s’étaler et perdre son eau, ce qui réduit son épaisseur. Lorsque toute l’eau est évaporée, l’encre est devenue un film polymère ultrafin. Le film de NanoInk ne garde une épaisseur que de 500 nanomètres, soit l’image d’encre la plus mince de tous les processus d’impression existants à ce jour » définissait Benny Landa lui-même, dès 2016 dans les travées de la Drupa. Une technologie qui a ainsi le mérite de déposer très peu d’encres et ce donc sans pénétrer le substrat, avec un séchage quasi-immédiat et la possibilité d’imprimer sur tout type de papier. Si la technique est fluide, reposant d’ailleurs pour partie sur les bâtis d’une machine Komori, des questions pouvaient légitimement être posées quant à ses implications écoresponsables… Qu’en est-il en effet de la désencrabilité du procédé ? « Nous sommes certifiés Ingede11 avec un score de désencrabilité de 98/100 » nous assure-t-on pourtant, Landa ne manquant d’ailleurs pas d’ajouter que ses nanoInk sont des encres aqueuses, dénuées d’huiles minérales. Une précision qui n’est pas anodine, tant les restrictions règlementaires en cours à son sujet invitent à la plus grande prudence (relire notre communiqué : Interdiction d’utilisation des huiles minérales : l’Etat doit jouer son rôle).
Au-delà des choix d’investissement, quelle vision stratégique ?
Ingénieusement positionnée sur des produits à moyens tirages, la nanographie affiche des seuils qualitatifs proches de l’offset, avec une souplesse digne des procédés numériques. C’est à minima ce qui fait de la Landa S10P une machine versatile capable de répondre à des commandes variées, alors que les marchés de la communication massifiée apparaissent fragilisés… Un atout sur lequel compte le groupe Prenant, dont le positionnement est pourtant d’ores et déjà multiformes : « Nous avons 49 500 m² sur trois sites de production et un peu plus de 400 collaborateurs à ce jour, environ 500 clients et un chiffres d’affaires en 2021 de 65 millions d’euros à l’échelle du groupe. Nous avons 3 rotatives, 6 machines feuilles, 24 moteurs d’impression numérique, des lignes jet d’encre, des plieuses, des encarteuses, des chaînes de dos carré/collé, des lignes de mise sous enveloppe, une cellule postale intégrée, des chaînes de finition, de la découpe, des lignes de mise sous film etc. » brosse rapidement Philippe Vanheste, Directeur Général Adjoint. « Mais pour continuer de croire au papier, nous devons respecter trois conditions » prévient-il… « Il faut monter en gamme, il faut ajouter de la donnée variable et personnaliser le document et enfin il faut essayer de connecter le papier » poursuit-il, travaillant sur ce dernier point de concert avec Argo, solution de réalité augmentée permettant d’enrichir ses documents, qu’ils soient physiques ou PDF. Une philosophie au sein de laquelle la nanographie a donc trouvé à s’épanouir, sans évidemment épuiser à elle seule les stratégies de diversification et/ou de réorientation stratégique vers lesquelles les imprimeurs peuvent aujourd’hui être tentés – à juste titre – de se tourner. « Il faut accepter de voir que certains marchés standards se sont effondrés en dix ans, alors que dans le même temps, les beaux supports non-éphémères font plus que résister. Nous tâchons d’automatiser sur la partie de notre production la plus standard, pour être le plus productif possible, mais notre maxime est la même depuis des années : tout le monde peut proposer des prix bas, dans un contexte de développement de l’entreprise, moins nombreux sont ceux qui risquent l’innovation, l’investissement et la différenciation technologique » conclue-t-il.
Photographies : David Marmier