Chez Diamant Graphic (Groupe Prenant), la nanographie à l’épreuve du réel

Inaugurée voilà plus de trois ans – fin 2019 – sur le site de Diamant Graphic (Groupe Prenant) à Choisy-le-Roi (94), la presse Landa S10P demeure à ce jour la seule machine dite « nanographique » installée sur le sol français. Machine feuille recto/verso de format 75×105, elle s’exposait encore en 2023 aux yeux de la profession, au gré de deux journées ‘portes ouvertes’ organisées les 18 et 19 janvier derniers, accueillant à la fois une quarantaine d’imprimeurs européens venus observer la presse en conditions de production, ainsi qu’une trentaine de donneurs d’ordre curieux des possibilités offertes par la machine. Un intérêt palpable donc, en dépit de mouvements sociaux qui ont certainement fait jusqu’à deux tiers d’absents.

« Nous sommes avant tout des concepteurs d’encres à nano-pigments »

Dernier cheval de bataille porté par Benny Landa, dont il fit la promotion dès la Drupa 2012, la nanographie se veut être ce procédé intermédiaire, idéal pour les moyennes séries qui ne conviennent ni vraiment aux procédés numériques jet d’encre (tant pour des raisons qualitatives que de plafond de rentabilité de production), ni vraiment aux tirages offset (plus indiqués pour des volumes supérieurs). Par la voix de Jean-Baptiste Bardinet (Global Segment Manager), Landa pourrait ainsi davantage se définir comme « un concepteur et vendeur d’encres à nano-pigments » que comme un véritable constructeur de machines d’impression. Une révélation de prime abord étonnante, qu’il faut en réalité comprendre comme la résultante d’un focus assumé sur les nanotechnologies, l’impression n’étant somme toute qu’une de ses applications possibles. « La nanographie commence par la projection de milliards de gouttelettes de nanoInk sur un blanchet spécial qui transfère l’image. Chaque rangée d’éjecteurs projette sa propre couleur. Chaque gouttelette atterrit à un endroit précis et, en se mêlant à d’autres, finit par créer l’image colorée finale. Lorsque chaque gouttelette atteint le blanchet chauffé, elle commence à s’étaler et perdre son eau, ce qui réduit son épaisseur. Lorsque toute l’eau est évaporée, l’encre est devenue un film polymère ultrafin. Le film de NanoInk ne garde une épaisseur que de 500 nanomètres, soit l’image d’encre la plus mince de tous les processus d’impression existants à ce jour » définissait Benny Landa lui-même, dès 2016 dans les travées de la Drupa. Une technologie qui a ainsi le mérite de déposer très peu d’encres et ce donc sans pénétrer le substrat, avec un séchage quasi-immédiat et la possibilité d’imprimer sur tout type de papier. Si la technique est fluide, reposant d’ailleurs pour partie sur les bâtis d’une machine Komori, des questions pouvaient légitimement être posées quant à ses implications écoresponsables… Qu’en est-il en effet de la désencrabilité du procédé ? « Nous sommes certifiés Ingede11 avec un score de désencrabilité de 98/100 » nous assure-t-on pourtant, Landa ne manquant d’ailleurs pas d’ajouter que ses nanoInk sont des encres aqueuses, dénuées d’huiles minérales. Une précision qui n’est pas anodine, tant les restrictions règlementaires en cours à son sujet invitent à la plus grande prudence (relire notre communiqué : Interdiction d’utilisation des huiles minérales : l’Etat doit jouer son rôle).

Au-delà des choix d’investissement, quelle vision stratégique ?

Ingénieusement positionnée sur des produits à moyens tirages, la nanographie affiche des seuils qualitatifs proches de l’offset, avec une souplesse digne des procédés numériques. C’est à minima ce qui fait de la Landa S10P une machine versatile capable de répondre à des commandes variées, alors que les marchés de la communication massifiée apparaissent fragilisés… Un atout sur lequel compte le groupe Prenant, dont le positionnement est pourtant d’ores et déjà multiformes : « Nous avons 49 500 m² sur trois sites de production et un peu plus de 400 collaborateurs à ce jour, environ 500 clients et un chiffres d’affaires en 2021 de 65 millions d’euros à l’échelle du groupe. Nous avons 3 rotatives, 6 machines feuilles, 24 moteurs d’impression numérique, des lignes jet d’encre, des plieuses, des encarteuses, des chaînes de dos carré/collé, des lignes de mise sous enveloppe, une cellule postale intégrée, des chaînes de finition, de la découpe, des lignes de mise sous film etc. » brosse rapidement Philippe Vanheste, Directeur Général Adjoint. « Mais pour continuer de croire au papier, nous devons respecter trois conditions » prévient-il… « Il faut monter en gamme, il faut ajouter de la donnée variable et personnaliser le document et enfin il faut essayer de connecter le papier » poursuit-il, travaillant sur ce dernier point de concert avec Argo, solution de réalité augmentée permettant d’enrichir ses documents, qu’ils soient physiques ou PDF. Une philosophie au sein de laquelle la nanographie a donc trouvé à s’épanouir, sans évidemment épuiser à elle seule les stratégies de diversification et/ou de réorientation stratégique vers lesquelles les imprimeurs peuvent aujourd’hui être tentés – à juste titre – de se tourner. « Il faut accepter de voir que certains marchés standards se sont effondrés en dix ans, alors que dans le même temps, les beaux supports non-éphémères font plus que résister. Nous tâchons d’automatiser sur la partie de notre production la plus standard, pour être le plus productif possible, mais notre maxime est la même depuis des années : tout le monde peut proposer des prix bas, dans un contexte de développement de l’entreprise, moins nombreux sont ceux qui risquent l’innovation, l’investissement et la différenciation technologique » conclue-t-il.

Photographies : David Marmier

La Fogra nous a ouvert ses portes

La Fogra est un nom qui pèse dans les Industries Graphiques : connue et reconnue pour être un lieu de recherche, test & certification référent où se joue notamment l’élaboration des normes ISO destinées au secteur, l’association à but non-lucratif compte non moins de 900 membres dans 50 pays. L’UNIIC s’est rendue en terres bavaroises pour juger sur place – et sur pièce – de ses nombreux atouts…

Si le rayonnement de la Fogra n’est évidemment plus à prouver, Eduard Neufeld (son Directeur Général) s’attache à nous rappeler combien « l’institut s’investit dans un maximum de certifications internationales ». Des certifications qu’il contribue à développer, porter et diffuser, à la manière de ce que propose également l’Ugra, basée en Suisse. Elle s’appuie à cette fin sur des travaux qui en font un tiers de confiance essentiel sur des thématiques techniques à la fois extrêmement larges et pointues. La précision n’est pas anodine tant des exigences montantes, notamment sur le plan réglementaire, imposent justement d’intensifier les efforts de R&D.

Plus qu’un luxe, la R&D est une nécessité grandissante

S’il s’est longtemps « simplement » agi d’assurer un degré de qualité supérieur dans la production imprimée, de manière éprouvée et réplicable, la R&D fait aujourd’hui figure d’outil précieux pour répondre aux attentes écoresponsables et/ou sanitaires qui marquent l’instabilité du cadre réglementaire européen. Dans un contexte de simili-pénuries papetière et d’explosion des coûts de fonctionnement, l’innovation technique peut même offrir des solutions d’économies tangibles en répondant à des questions simples : comment consommer moins d’énergie ? Comment optimiser la matière et/ou aborder d’autres substrats ? Etc. Des chantiers qu’il serait présomptueux de prétendre investir sans être décemment armé. « Depuis 1951, nous travaillons à la même chose : rechercher, tester et certifier. Les travaux issus de nos quatre départements – prépresse, impression, applications sécurité et matériels & environnement – eux-mêmes subdivisés en commissions techniques, n’ont pas vocation à rester entre nos murs. Tout notre savoir doit être transféré à l’industrie » tient à clarifier Eduard Neufeld. Et c’est peu dire que l’association s’y emploie avec succès, soucieuse d’être une structure ouverte à l’international et fière de « couvrir à peu près toutes les régions du monde » se félicite en effet son directeur général. Un positionnement qui n’empêche pas la structure d’être un outil particulièrement mis à profit par les pouvoirs publics allemands, qui la missionnent sur des tests & recherches pointus, à vertu de plus en plus environnementale. Pour conduire ses travaux, l’association peut ainsi compter sur une cinquantaine de collaborateurs permanents, principalement des ingénieurs, des chimistes et des physiciens.

Préparer l’avenir tout en consolidant les bases

Pour autant, le profil type d’un membre de la Fogra demeure caractéristique de ce qui a fait la renommée de la structure. « Parmi nos 900 membres, il y a évidemment beaucoup d’imprimeurs qui visent de hauts standards de qualité. Il y en a d’autres qui sont spécialisés dans la fabrication de documents sécurisés. Mais il y a aussi un nombre important de constructeurs et fournisseurs de matériels qui ont besoin d’une expertise solide » précise Eduard Neufeld. Si la Fogra n’hésite pas à facturer ses prestations à la manière d’une plateforme de services, et ce au titre de l’association à but non-lucratif qu’elle est bel et bien,  les 900 membres qu’elle revendique sont d’une certaine façon les dépositaires d’un savoir-faire qu’ils contribuent à déployer. C’est donc à travers eux que la structure rayonne autant à l’international, leur promettant en échange des remises sur ses services & événements, l’accès gratuit à des conseils ou rapports techniques, ou bien encore leur offre-t-on la possibilité de proposer leurs propres problématiques comme potentiels sujets de recherche. Un fonctionnement donnant/donnant dont la Fogra ne se cache pas, attribuant à ses membres une sorte de double-statut de client et d’ambassadeur. « Nos sujets de recherche se doivent à la fois de couvrir les fondamentaux de nos métiers, raison pour laquelle nous continuons de travailler sur les procédés dits ‘conventionnels’, mais aussi de défricher l’avenir » précise Eduard Neufeld. Démonstration en sera faite lors de la visite des bâtiments de la Fogra, qui abritent tant des laboratoires et/ou ateliers dédiés à analyser les substrats, les encres, les procédés d’impression historiques, que des lieux d’expérimentation sur l’impression 3D (on y trouve même un studio de modélisation 3D pour constituer sur place des fichiers imprimables), l’intelligence artificielle ou encore les nouvelles technologies de sécurisation des documents. « Chaque année, la Fogra travaille en moyenne sur vingt sujets de recherche et en traduit la moitié en rapports aboutis et consultables » souligne Eduard Neufeld, ne manquant donc pas de rappeler au passage que les connaissances qui en émergent doivent servir l’industrie au sens le plus global du terme. Une main tendue avec insistance dont nous aurions tort de nous priver et dont il faut aussi certainement s’inspirer…

Le mot de l’UNIIC

Pourquoi s’être rapproché aujourd’hui de la Fogra ? Quels liens tisser avec l’association allemande ?

Pascal Bovéro, délégué général de l’UNIIC

« En adhérant à la Fogra, en jetant les bases d’un partenariat permettant aux adhérents de l’UNIIC de bénéficier des cours de la Web Academy dispensés par cet organisme de référence, l’UNIIC  pose la première pierre du centre d’appui/conseil du secteur. Assembleurs de briques technologiques au carrefour de nombreuses disciplines, notre futur centre constituera pour les TPE/PME du secteur graphique un outil capable d’analyser, d’adapter, mais surtout de transférer des technologies  indispensables à la conception de nouveaux produits & services, ainsi qu’à l’évolution des nouveaux modes de production. En étant la charnière entre la recherche et l’industrie graphique, le centre d’appui/conseil fait le pari de la mutualisation des moyens et des compétences afin que nous devenions un pôle d’expertise en recherche appliquée, apportant aux TPE/PME des moyens et des résultats de tests que ces entreprises ne pourraient acquérir seules. S’associer à la Fogra c’est aussi s’inscrire dans les programmes européens d’innovation qu’une organisation professionnelle ne pourrait mobiliser seule. Le centre d’appui/conseil résultera donc d’un maillage pluridisciplinaire associant des pôles d’excellence spécialisés matériau, des pôles orientés « comportements et propriété des encres » des pôles spécialisés méthodes et organisations industrielles, des centres dédiés aux procédés. Les fondations du centre dont Fogra sera le partenaire, peuvent se résumer de la façon suivante :

– Anticiper : une norme, une nouvelle technologie, une révolution sur les substrats etc.

– Innover : en recherchant des solutions alternatives, des combinaisons durables par exemple.

– Diffuser : pour que les tests conçus selon des méthodes scientifiques (avec l’aide de Fogra) soient réappropriables par tous.

– Accompagner les entreprises en construisant des boites à outils.

Autant d’objectifs assignés à notre contrat de performance qui doit nous permettre d’’installer dans la durée notre réseau national de recherche appliquée ».

Drupa 2021 – En attendant de se retrouver…

Cet article est livré en avant-première. Il est à paraître dans Acteurs de la Filière Graphique n°134 (juin 2021).


Malgré un effort manifeste en termes de contenus délivrés en ligne, cette Drupa « virtuelle » – la première du genre, mais peut-être pas la dernière – n’aura évidemment pas fait oublier les circonstances difficiles dans lesquelles elle s’est tenue. Annonçant 170 exposants, la Drupa n’évite pas quelques absences notables (Agfa, Ricoh, Manroland, Xerox), ni n’échappe à un relatif manque de grandes nouveautés, dans un contexte où quelques grands noms avaient décidé de réserver leurs principales annonces à des événements propriétaires, également tenus en ligne. En attendant le retour d’un format physique annoncé pour 2024, que retenir de cette édition de transition ?

Qu’elle semble loin, cette image d’une manifestation bondée, qui revendiquait encore 19 halls, 1870 exposants et 314 000 visiteurs en 2016. A juste titre considérée comme la Drupa de l’impression numérique – une tendance symbolisée par la place qu’y avait occupé HP, alors devenu le plus gros exposant du salon, pour la première fois devant Heidelberg –, l’édition 2016 avait marqué un sursaut de positivisme et une relative confiance retrouvée en l’avenir. Il sera plus difficile d’adjoindre une thématique aussi claire à cette édition 2021, qui est en soi le résultat d’une somme inédite de contraintes, qu’elles soient sanitaires ou tendancielles, les restrictions radicales visant les foires et salons étant surplombées d’une inévitable accélération des pratiques digitales. Autant dire que les vents contraires soufflaient très fort… Mais, si c’était donc dans l’adversité que le print révélait pour de bon les meilleures cartes qui lui restent à jouer ? Retour sur l’événement en quelques grandes tendances.

« La prochaine étape consiste à faire cohabiter une intelligence artificielle en temps réel directement intégrée aux machines, avec une intelligence artificielle issue du ‘Cloud computing’ capable de mettre en relation des données plus globales tirées de l’ensemble de nos systèmes d’impression. » – Dennis Rossmannek (Senior program Manager chez Heidelberg)

L’impression numérique a définitivement imposé ses logiques à toute l’industrie

De ce point de vue, la Drupa 2021 ne s’est toutefois pas contentée de répéter la partition de 2016, puisque ce sont moins les matériels d’impression numérique qui ont accaparé le propos que ce par quoi ils peuvent donner leur pleine mesure : la data ! Sur toutes les lèvres, le terme « data » fait notamment dire à Dennis Rossmannek (Senior program Manager chez Heidelberg) que « la prochaine étape consiste à faire cohabiter une intelligence artificielle en temps réel directement intégrée aux machines, avec une intelligence artificielle issue du ‘Cloud computing’ capable de mettre en relation des données plus globales tirées de l’ensemble de nos systèmes d’impression »… Un argumentaire tenu – vous l’aurez noté – par un ténor de l’offset, qui a donc complètement épousé le discours de la flexibilité numérique. Le basculement n’est pas anodin et traduit combien ce sont les mêmes tendances qui nourrissent de façon transversale toute l’industrie, tous procédés d’impression confondus. « Nous sommes en capacité de croiser, via l’ensemble de notre parc machines installé, les données de plus de 60 millions de jobs » insiste Dennis Rossmanek pour vanter les mérites d’une data de qualité interne à Heidelberg, pour servir l’ensemble des clients de la marque. Que reste-t-il alors aux porte-voix de l’impression numérique en tant que telle ? Probablement déjà l’assurance de dicter le cap tenu par l’industrie, et plus encore l’avantage de contenir en son sein l’essentiel de la croissance observable dans un secteur globalement saturé. Une position renforcée par l’épisode pandémique de Covid-19, comme le souligne Alon Schnitzer (Strategic Business Development – HP Indigo) : « Les imprimeurs équipés de machines HP Indigo ont rapidement pu se repositionner sur des marchés plus adaptés à la demande, en temps de crise », citant notamment des segments de marché en croissance dans le domaine du packaging flexible, de l’étiquette ou du carton pliant. Mais plus encore, HP voit en cette période extrêmement contrainte une accélération de tendances déjà engagées, qui renforcera durablement l’omniprésence des technologies numériques. Et selon le fabricant Israélien, l’impression ne fera pas exception : « L’explosion du e-commerce s’est accompagnée d’une volonté encore plus forte de personnalisation chez les consommateurs. Les marques, de leur côté, ont compris qu’elles devaient s’engager et créer des dynamiques de communauté autour de leurs actions » insiste Alon Schnitzer, dans un rapport ambivalent à la crise sanitaire : car si personne ne saurait évidemment s’en réjouir, il demeure tentant d’y voir des opportunités et d’y lire la confirmation d’une stratégie portée de longue date. Une stratégie ainsi légitimée, quitte à à en retraduire les arguments centraux dans des discours ouvertement commerciaux.

« Le papier/carton est encore à ce jour le meilleur substitut « green friendly » auquel les marques peuvent se rattacher pour mettre le plastique sur la touche. »

L’environnement n’est plus une variable verte, mais une priorité

Qu’il s’agisse de minimiser les consommations (de substrat, d’encres, d’énergie…) ou qu’il s’agisse d’ajuster au mieux les flux productifs selon une demande évaluée en temps réel, n’importe quelle optimisation technique en la matière est d’emblée vue sous un angle dit « écoresponsable ». De sorte que là où beaucoup auraient insisté sur une réduction des coûts et donc un avantage concurrentiel et économique, l’accent est aujourd’hui prioritairement mis sur les gains environnementaux permis par des progrès logiciels et/ou hardware. « Le packaging est nécessaire, mais pas n’importe lequel » résume par exemple Comexi, qui aura dédié une large part de sa présentation à exposer des solutions dite « durables ». Hendrik Fritsch (Comexi Group Industries) assure ainsi que tant dans les domaines de la flexographie, que de l’offset ou de l’impression numérique, la marque oriente prioritairement ses efforts vers des innovations « vertes » capables de s’inscrire dans un « phénomène englobant qui modifiera profondément le marché ». Car les exigences viennent désormais de l’extérieur (souvent sous les traits d’une injonction réglementaire) et elles ne laissent guère le choix : il faut faire la chasse aux gaspillages. Un défi industriel qui se traduit jusque dans l’ingénierie des systèmes d’impression, pensés – ou en tout cas vendus – comme des garde-fous permettant de produire mieux, sans surconsommer. Reste toutefois – et entre autres – à s’arranger d’une contradiction apparente, entre d’un côté les attentes « responsables » largement manifestées par les consommateurs et les donneurs d’ordre, et de l’autre les attentes tout aussi élevées en termes de qualité d’impression, voire d’ennoblissement. Deux exigences parfois irréconciliables, quoique selon Linda Gröhn (Business Development Manager Global Brands & Sustainability – Kurz Graphics) il ne faille pas renoncer à embellir, dès lors que des efforts compensatoires sont portés pour « accompagner chaque étape de production d’une exigence d’optimisation ». Car il faudrait certainement commencer par là : optimiser pour minimiser les impacts environnementaux ne doit pas consister à appauvrir l’imprimé lui-même.

Les habitués auront reconnu le hall d’entrée de la manifestation à Düsseldorf, qui aura donc servi de décorum aux lancements digitaux des keynotes et autres e-conférences.

Le segment du packaging réaffirme sa bonne santé

S’il est un segment de marché qui n’a pas connu la crise – sinon en étant au contraire sur-sollicité – c’est celui de l’emballage. Tiré par le haut par l’explosion du e-commerce, où il faut ré-emballer des produits qui doivent vous arriver en état de parfaite intégrité, le packaging papier/carton aura autant fait la preuve de son caractère « essentiel » qu’il aura répondu aux attentes (encore certes relativement naissantes) de sobriété que l’époque réclame. Car de « sobriété » il est en l’état surtout question pour déplastifier. Non pas que le papier/carton soit exempté d’exemplarité en la matière – et à terme, lui aussi sera tenu de faire sa cure d’amaigrissement – mais c’est encore à ce jour le meilleur substitut « green friendly » auquel les marques peuvent se rattacher pour mettre le plastique sur la touche. Par ailleurs, les « modèles gagnants » autour du packaging semblent suffisamment nombreux pour valider différentes approches : des petites séries personnalisées en impression numérique, aux tirages plus volumiques assurés par des procédés plus traditionnels, la demande est solide et justifie à ce jour des positionnements stratégiques divers. Ainsi cette « Drupa light » a-t-elle donné à voir les exigences de réduction de matière attendues (il faudrait d’ailleurs ici évoquer les efforts fournis en ce sens via des design éco-concçus de plus en plus minimalistes), sans condamner un marché trop protéiforme pour être résumé à ce seul aspect.

Les effets de la pandémie sur les usages et pratiques ont forcément fait l’objet d’une réflexion particulière.

De l’impression 3D à l’intelligence artificielle, la Drupa en pointe sur la veille technologique

La chose tiendrait presque de la menace : « Les 15 % d’entreprises qui s’investiront le plus dans les logiques d’intelligence artificielle capteront 65 % du ROI qui y est lié » prévient dans sa keynote Michael Gale, spécialiste décrété de la transformation numérique et auteur notamment du best seller « The Digital Helix : Transforming Your Organization’s DNA to Thrive in the Digital Age ». De la même manière, il s’attache à faire comprendre que les moins enclins à embrasser le phénomène le subiront, avec le risque de disparaître. Difficile de s’emparer d’une telle généralité sans nuancer, mais il est certain que les industries graphiques ne seront pas un secteur étranger à cette (r)évolution. Il y a même déjà pris sa part, développant des systèmes de pilotage de production plus automatisés et « intelligents » que jamais. Pas seulement d’ailleurs en impression numérique, la chose valant tout autant – notamment – en offset, via des progrès logiciels continus depuis près d’une dizaine d’années. A celles et ceux qui argueront que l’automatisation n’est pas stricto sensu de l’IA, c’en est toutefois incontestablement la première marche. De fait, si le vocabulaire a sensiblement changé depuis l’édition 2016, passant de celui de l’automatisation des flux à celui du machine learning et des analyses prédictives, la logique est restée la même : aller aussi loin que possible dans l’absorption des imprévus et la volonté grandissante de produire des « justes volumes » personnalisés, sans contretemps. Tous font ainsi le constat qu’à condition de nourrir les systèmes d’une data pertinente, les machines sauront désormais automatiser des tâches qui nécessitaient jadis des interventions humaines traduites en interruptions des flux de production.

De façon concomitante, l’impression additive occupe une place grandissante dans le champ des sujets abordés au sein du salon – tout virtuel qu’il soit – comme si la perspective d’une industrialisation des « niches de marché » qu’elle abrite semblait (enfin!) se préciser. Peut-être faudra-t-il attendre 2024 pour en avoir le cœur net, car si cette « Virtual Drupa » s’est avérée généreuse en contenus, difficile de prendre le pouls d’une industrie au travers d’un événement ainsi amputé de sa dimension physique, délesté d’une part substantielle de ses exposants habituels et attaché à faire bonne figure, dans un contexte économico-sanitaire encore très incertain. Alors saluons cet avant-goût, mais malgré tout : vivement notre revanche !

Gutenberg One s’expose à l’Elysée

On nous en promettait 101, il y en eut finalement 120 : soit des produits innovants et/ou de pointe « fabriqués en France » érigés en vitrine d’un savoir-faire et porteurs d’une volonté politique (souhaitons-le) de relocalisation industrielle. Car si « consommer local » est devenu un acte quasi-militant, encore faut-il s’en donner les moyens. C’était là le sens de la « Grande exposition du Fabriqué en France » – la première du genre – qui s’est tenue les 18 et 19 janvier derniers à l’Elysée.

Parmi ces 120 propositions, le robot Gutenberg One – dont la première présentation date de l’édition 2019 du salon Livre Paris – s’est appliqué à rappeler qu’en des temps où les écrans sont rois, la matérialité (imprimée ici, en l’occurrence) est toujours vectrice d’innovation et d’ambition. « Gutenberg One, conçu dans la Nièvre et fabriqué à Saverne, propose aux éditeurs d’intégrer les titres de leurs fonds, aux imprimeurs de gérer le parc machine de robots connectés en EDI, par une simple extension de leurs métiers et services. Le tout pour des livres produits à l’unité, en circuit court chez les libraires partenaires dans toute la France et dans la francophonie » développe Hubert Pédurand, Président de ce qu’il dit être « la plus petite imprimerie au monde ».

La 3ème édition du « Gutenberg » de Alphonse de Lamartine, édité par la librairie Hachette en 1867, numérisée à la Bibliothèque de Catalogne par Google Book en 2009 et imprimée en trois minutes par Gutenberg One pour L’Elysée, dédicacée par le Président la République le 17 janvier 2020 lors de la première grande exposition du « Fabriqué en France ».

Mais plus encore, il s’agit de proposer “une alternative à Amazon qui soit à la fois innovante, collective, écologique et brevetée au niveau mondial” nous promet-il, sur des ouvrages à faibles rotations issus de l’offre dite “de longue traîne”, soit des titres devenus rarissimes, à la fois difficiles à stocker et à réimprimer par des voies conventionnelles, moyennant ce faisant des temps d’attente en librairies qui mènent trop souvent les consommateurs vers une plateforme d’e-commerce quasi-hégémonique bien connue, qui a toutefois le mérite de proposer tout (ou presque) et de livrer vite. Or, aller plus vite qu’Amazon est un combat assumé comme tel par Hubert Pédurand, assurant être « entré en résistance », avec des ambitions claires : « déployer mille robots sur l’ensemble du territoire ces dix prochaines années et générer 3000 emplois » détaille-t-il.

A noter que les prochaines démonstrations Gutenberg One se feront au Salon du Livre Paris du 20 au 23 mars 2020, puis à Düsseldorf du 16 au 26 juin 2020 à la Drupa, le robot prenant place sur le pavillon français “La Frenchprint” dans le cadre de l’opération portée par l’UNIIC bien nommée « Exposez votre savoir-faire ». Une vitrine ouverte aux bonnes volontés qui verra notamment “la commercialisation en première mondiale de la version Pro de Gutenberg One” conclut Hubert Pédurand.

L’insoutenable usage de la vidéo en ligne ?

Nous évoquions déjà, quelques mois plus tôt, les écueils liés à la “surconsommation numérique” dénoncés par le think tank The Shift Project, au sein d’un rapport dédié. Il y était question de nécessaire “sobriété numérique”, face à la progression galopante des dépenses énergétiques qui y sont associées : à ce rythme en effet, le numérique pèserait jusqu’à 8 % des émissions mondiales de GES dès 2025. Soit autant que l’ensemble du parc automobile.

Mais voilà que The Shift Project remet le couvert, en pointant du doigt plus spécifiquement le poids colossal du format vidéo, via notamment Netflix, ou Youtube, mais également les vidéos courtes hébergées par les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram…) ou encore liées à des usages pornographiques, dont on apprend qu’il pèsent à eux seuls 27 % des flux vidéo mondiaux mesurés. C’est la VOD qui reste en tête desdits impacts, avec 34 % des flux mesurés (rappelons par exemple que Netflix occupe à lui seul un quart de la bande passante sur le Net français). Nous vous recommandons à ce titre la lecture du rapport “Climat : l’insoutenable usage de la vidéo en ligne”, tant les chiffres qui y sont révélés donnent le tournis. Parmi tant d’autres illustrations effarantes, citions ceci : “Le visionnage de vidéos en ligne, qui représente 60 % du trafic de données dans le monde, a ainsi généré plus de 300 MtCO2e au cours de l’année 2018, soit une empreinte carbonée comparable aux émissions annuelles de l’Espagne” établit en effet le rapport.

Non sans ironie, The Shift Project propose alors, via la vidéo pédagogique ci-dessous, de prendre conscience des conséquences de ses propres usages, pour les ajuster de façon responsable…

… Pour autant, difficile de ne pas relever combien la seule responsabilisation individuelle porte ici quelque chose de dérisoire. Car s’il n’est jamais blâmable d’interroger ses propres usages, ce sont bien en amont, par des effets systémiques, que les normes se font et se défont. Par des appels dogmatiques à la “dématérialisation”, mensonges écologiques à l’appui, nous voici au terme d’une décennie et demi de glorification outrancière du “numérique”, trop souvent au détriment de la matérialité (notamment imprimée). Nous en mesurons aujourd’hui – sans surprise – les effets désastreux, mais ne nous trompons pas de solution : les fameux petits pas de “Julia”, mis en scène dans cette vidéo, relèvent d’ajustements certes encourageants, mais isolés. Encore faudrait-il proposer à “Julia” des contenus (médiatiques, artistiques…) eux-mêmes compatibles avec nos objectifs écologiques et climatiques. Et là encore, le rapport de The Shift Project mentionne pourtant clairement la nature des enjeux et des défis qui nous font désormais face : “Selon la Commission Nationale Informatique et Liberté (CNIL), la réflexion sur la responsabilité éthique des systèmes numériques n’est viable que si elle s’appuie sur trois piliers indispensables : le socle juridique, le socle technique et le design (CNIL, 2019). La Commission considère en effet qu’il est essentiel de définir un cadre réglementaire clair. Ce cadre est nécessaire pour construire un outil numérique qui corresponde aux impératifs éthiques en vigueur en France et en Europe. La CNIL confirme que les comportements numériques sont déterminés en grande partie par la conformation des outils de diffusion et qu’il est nécessaire de les réguler si l’on souhaite assurer la compatibilité des plateformes et de leur usage avec le cadre éthique en vigueur.”

Suramortissement fiscal 2019, quels investissements éligibles ?

Dans l’attente de l’édition d’un guide – à paraître fin juillet – bien plus complet sur la question, Pascal Bovéro, Délégué général de l’UNIIC, s’attachait à définir les contours du dispositif de suramortissement fiscal 2019, sans manquer d’alerter sur les points de tension et d’arbitrages qui décideront de l’éligibilité – ou non – des investissements envisagés…

“Le guide que nous vous proposerons et qui sera destiné à tous, se présentera sous la forme d’une foire aux questions, qui concernent tant les fournisseurs que les imprimeurs. Certaines questions nécessitent en effet un arbitrage avec l’Etat, qui n’a défini les dispositifs éligibles que de façon générique, au sein de l’article 55 de la loi de finance et dans le décret associé, de sorte à couvrir un champ important… Mais également pour pouvoir refuser certaines prises en charge” pose-t-il pour premier constat, regrettant au passage que “Le travail de fond mené par l’UNIIC depuis novembre 2018 n’a été qu’à moitié profitable. L’Etat n’a pas entendu toutes les demandes de notre secteur, pas plus que celles de la mécanique, de l’emballage, du textile ou de la plasturgie. Et ce pour une raison simple : les budgets affectés au suramortissement tels que définis par l’article 55 de la Loi de finance n’ont rien à voir avec les budgets qui avaient été décidés sur l’ancien dispositif, qui s’arrêtait le 14 avril 2017 et qui a provoqué une flambée des investissements”.

Des leviers d’éligibilité arbitraires

« Leur obsession, c’est la robotique et la cobotique. Dès qu’on identifie des procédés un peu plus conventionnels, c’est beaucoup plus compliqué » prévient-il, avant de mettre en garde : « J’attire l’attention des imprimeurs et des fournisseurs : s’il y a des projets d’investissement bloqués du fait d’incertitudes sur l’éligibilité au dispositif, soyez prudents et n’hésitez pas à solliciter l’UNIIC pour jouer ce rôle de relais pointu avec l’Etat, sur d’éventuels points de divergence ». Car les choses sont effectivement plus complexes – et arbitraires – qu’il n’y paraît, s’agissant de savoir concrètement quels types d’investissement satisfont aux conditions et leviers d’éligibilité schématiquement définis par l’Etat. « La direction de la législation fiscale a publié un décret d’application, pas une circulaire » précise le Délégué général de l’UNIIC. “Il ne s’agit donc pas d’un document interprétatif mais normatif. De fait, la question qui nous obsède est celle-ci : que peut-on mettre dans les nouveaux flux tels que définis par l’article 55 de la Loi de finance ? Et qu’est-ce qu’on en exclut ? Est-ce que les chaines de production numériques aperçues aux Hunkeler Days sont automatiquement éligibles ? La réponse est non. Est-ce qu’une chaîne à composants multiples serait forcément partiellement éligible, de manière univoque ? La réponse est non… Y a-t-il alors des thématiques qui seraient éligibles sans discussion possible ? La réponse est oui : la fabrication additive et notamment la 3D, les logiciels de GPAO et de pilotage de la gestion de production, mais aussi tout ce qui relève de la logique robotique, assistance et cobotique” développe-t-il. “Sur tout ce qui est machines d’assemblage et de finition, à condition d’être dans une logique de flux amont/aval, ils disent également oui” poursuit Pascal Bovéro, pour qui il s’agit de “faire la preuve que le cerveau de la machine est entre les mains des systèmes d’information créés par les fournisseurs pour les imprimeurs”. Or, si la notion de « numérique » est facile à définir dans beaucoup de secteurs, c’est un peu plus complexe dans celui des industries graphiques, “d’autant que les montants concernés ne sont pas les mêmes qu’ailleurs” ne manque-t-il pas d’ajouter… “On pourrait défendre le fait que tout chez nous a rompu avec l’analogique et que sans pilotage intégré, il n’y aurait plus de machines, y compris offset de dernière génération. Mais à cela, l’état nous demande de comparer, composant par composant, ce qui relève du hi-tech de ce qui relève de l’électrotechnique et de la mécanique. Les arbitrages que j’évoquais sont là et il est important que vous nous fassiez remonter, fournisseurs et imprimeurs, ce qui vous pose problème”.

Des gains… Et des pièges

“En moyenne, sur toutes les machines identifiées, logiciels compris, c’est 11 à 13 % de la valeur en gain d’impôts, cumulables avec d’autres aides en région sur la robotique” souligne Pascal Bovéro, persuadé de l’indéniable profitabilité du dispositif, tout en appelant à ne pas tomber dans des “pièges” expressément qualifiés comme tels. “Vous pourrez lire que les biens qui ouvrent droit à la déduction exceptionnelle doivent être utilisés pour la fabrication et la transformation de biens corporels mobiliers et que le rôle du matériel et de l’outillage doit être prépondérant dans le process. Faîtes attention, c’est un piège ! L’administration fiscale, selon les circonstances, nous qualifie de prestataire de services ou d’industriels… Lorsqu’il s’agit de demander aux imprimeurs de faire l’avance de la TVA à l’Etat, parce qu’ils sont livreurs de biens meubles corporels, là nous sommes des industriels. Mais ça n’a rien de systématique” ironise le Délégué général de l’UNIIC, qui conclut en insistant sur le fait que “l’analyse technique et fiscale menée par l’UNIIC a largement tourné dans les services de Bercy, avec l’appui de la DGE”. Refusant cependant de considérer que l’affaire est entendue, il rappelle que “de nombreuses interrogations demeurent”, lesquelles méritent à la fois des arbitrages au cas par cas et des pistes aussi précises que possible, au sein d’un guide que l’UNIIC se dit prête à partager avec tout le monde. Rendez-vous est pris d’ici quelques semaines (sa diffusion est estimée à fin juillet) pour juger sur pièce…

Clic.EDIt : des tests concluants

Conçu et porté par le SNE (Syndicat National de l’Edition) et l’UNIIC, Clic.Edit a pour objectif de mettre en place un langage commun visant à faciliter, accélérer, standardiser et sécuriser les échanges de données informatisées entre tous les acteurs de la chaîne de fabrication du livre.

La version expérimentale testée par douze binômes (éditeur-imprimeur) couvrait trois grands modèles d’échange de commande : prépresse, impression et papier. Les résultats de ces tests ont été riches d’enseignements sur le langage, mais également sur l’organisation à mettre en place dans les entreprises pour utiliser ces nouvelles fonctionnalités.

La V1 est en préparation et permettra de tester la commande mais aussi la facturation et la livraison.

Pour en savoir plus lire le communiqué de presse Clic.EDIt.

Laballery 2, un pas décisif vers le futur du livre ?

L’imprimerie Clamecycoise inaugurait mercredi 26 juin son nouvel atelier numérique, bien nommé “Laballery 2”, devant un parterre foisonnant d’invités mêlant professionnels de l’impression et des industries graphiques, éditeurs, élus et représentants institutionnels… Toutes nos félicitations à notre adhérent pour cette superbe installation !

 

“Ceci est une ligne automatique dédiée à un continuum de production qui, un jour, dans cette unité de 2000 mètres carré, fonctionnera 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Cela veut dire que vos commandes du vendredi soir pourront vous être livrées le lundi matin” annonce fièrement Hubert Pédurand, Directeur général de Laballery, à la foule réunie dans les locaux de l’imprimerie, s’adressant ici évidemment plus particulièrement aux éditeurs et clients de l’entreprise, en recherche permanente de solutions. “Nous fêtions hier le départ en retraite de Renelle Setton, cheffe de fabrication chez Hachette après 56 ans d’expérience. Je lui demandais quels étaient les marqueurs de sa vie professionnelle et même si elle en a eu de nombreux, elle m’a notamment répondu qu’au début de sa carrière, alors qu’elle avait 23 ans, il fallait environ 20 jours pour fabriquer un livre de 300 pages en 16×24 à mille exemplaires. Nous n’étions pas encore à l’époque – en 1970 – sur le procédé offset, il s’agissait encore de plomb et de typographie. Il fallait toutefois encore 15 jours en 1990, 10 jours en 2010 et en 2019, on annonce une nouveauté en 5 jours. La vérité, c’est même que nous serions capables de la produire en 2 heures avec l’outil que nous inaugurons aujourd’hui, moyennant ensuite les temps de conditionnement et livraison” s’amuse-t-il de noter, conscient que les règles d’hier ne sont plus celles d’aujourd’hui, et encore moins celles de demain. “Nous constatons que les stocks deviennent des flux et vous nous demandez, bien souvent, des premiers tirages avec des réassorts déjà anticipés, le tout alors que la nouveauté n’est même pas encore sortie ! Cet outil rend possible ce niveau de service et de réactivité” assure-t-il, grâce à une ligne de production qu’il dit pensée, jusque dans les moindres détails, pour être “interrompue le moins possible”. Or, si la technologie autorise effectivement les stratégies les plus ambitieuses, il a fallu 2 ans aux architectes du projet – le conseil d’administration de Laballery, en contact évidemment étroit avec les fournisseurs de matériel – pour construire une ligne de production calibrée telle qu’ils l’imaginaient…

“Cette stratégie existe parce que j’ai du monde derrière moi. C’est une vision partagée, celle d’une SCOP unie, qui fait que l’on est capable de s’adapter pour se tenir à notre feuille de route. C’est aussi grâce aux apports d’HP, Muller Martini, Contiweb et notre roboticien français, Recmi” détaille Hubert Pédurand, avant de préciser : “La complexité, c’est l’assemblage. Entre le double débobineur, les groupes d’impression, les fours sécheurs qui montent à 5 mètres de haut de façon à ce que nous produisions à pleine vitesse y compris en quadrichromie, les ré-humidificateurs qui vont recharger le papier en humidité après en avoir malmené la fibre, puis les machines de pliage, d’assemblage, d’encollage etc. Il s’agit d’un travail patient et minutieux de construction. Même dans la colle nous avons mis du « Laballery », c’est-à-dire des petites astuces qui nous permettent d’être plus performants”. De quoi prendre la mesure de la réalité selon laquelle l’automatisation hyper optimisée présentée ici n’existe pas de série et clés en mains. Il faut en réfléchir les contours, y apporter les ajustements nécessaires et en tester l’efficience jusqu’à optimiser les capacités de production. “Une SCOP doit aussi être un laboratoire. J’ai souhaité mettre Laballery dans une perspective de recherche et développement. Que sera le livre dans 10 ans, dans 20 ans ? Si on ne se pose pas ces questions aujourd’hui, nous n’aurons pas les bonnes réponses à temps” conclut-il enfin, comme pour mieux souligner qu’il se jouait peut-être à Clamecy un peu plus que la simple présentation d’un plan d’investissement. Sans doute une piste sérieuse de l’avenir du livre “made in France”, les réflexions qui y sont associées ayant sans conteste besoin de tests grandeur nature…

“Le groupe Laballery, suite aux opérations de croissance externe de ces dernières années (rachat de Floch en 2016 et la Source d’Or en 2018, ndlr), c’est 180 personnes et 22 millions d’euros de chiffre d’affaires, uniquement sur le livre” rappelait Hubert Pédurand. L’imprimerie Laballery emploie quant à elle 78 personnes et vise une très forte hausse de sa capacité productive, à la faveur de l’inauguration de son nouvel atelier numérique. Un projet qui représente un investissement de plus de 5 millions d’euros, soutenu notamment par la région et la communauté de communes.

 

“Les idées une peu folles que nous avions pour construire cet outil hyper réactif pensé pour une production de livres en flux, un outil unique me semble-t-il en Europe, ont été rendues possible grâce à HP, qui est le manufacturier de la partie nanotechnologies. Car c’est aussi ça l’imprimerie aujourd’hui : on dépose des milliards de gouttelettes à la demande sur du papier” expliquait notamment Hubert Pédurand.

 

L’affluence, tout à fait remarquable, n’a pas manqué de conférer un caractère festif à l’événement, marqué notamment par un concert largement apprécié par l’auditoire.

 

Jean-François Colas (à gauche), frère du célèbre navigateur Alain Colas, figure de l’Histoire locale disparu en mer en 1978, évoque les souvenirs d’un frère féru de livres et “capable d’écrire d’une main pendant qu’il vous tenait une conversation”. A sa droite, Eric le Seney, auteur d’un documentaire consacré au navigateur Clamecycois, “Rêves d’Océan”.

Au bout des lignes de finition Muller Martini, même la palettisation se voit automatisée. Un choix qui n’affecte pas l’emploi, nous assure Hubert Pédurand : « Les hommes qui faisaient les palettes jusqu’à présent sont devenus conducteurs de cet outil. Nous avons valorisé leurs compétences et nous les avons accompagnés vers plus de formation, pour qu’ils aient plus d’engagement ».

 

Entouré de ses collaborateurs membres du conseil d’administration, Hubert Pédurand a tenu à saluer “le travail formidable d’une équipe engagée”.