Imprimerie Frazier – un industriel à Paris

C’est à l’occasion d’une formation de plusieurs référents Imprim’Vert qu’une visite était organisée au sein de l’imprimerie Frazier. Au programme : une révision sur site du cahier des charges du label (bonne gestion des déchets dangereux, sécurisation de stockage des liquides dangereux, non-utilisation de certains produits CMR, sensibilisation environnementale des salariés et de la clientèle et suivi des consommations énergétiques du site), de sorte à confronter les prescriptions écrites à la réalité du terrain. L’échange sera toutefois bien plus riche encore, tant l’imprimeur parisien – niché intra-muros dans le 10ème arrondissement – conjugue ses engagements au pluriel…

Didier Martin, Président de l’imprimerie Frazier.

On est plus contrôlés à Paris que n’importe où ailleurs.

Un imprimeur parisien qui tient à le rester

C’est peu dire que l’imprimerie Frazier a une vision large de son métier, qu’elle traduit dans des engagements aussi divers que complémentaires. Qu’il s’agisse de RSE (Print’Ethic, Imprim’Vert, ClimateCalc, Ecovadis, FSC, PEFC), d’exigences qualitatives & techniques (ISO 12 647-2, Imprim’Luxe) ou plus globalement d’un souci de défense des intérêts des Industries Graphiques (via Culture Papier, une adhésion à l’UNIIC ou encore à ImpriClub), l’imprimerie Frazier a un pied partout. Une réminiscence, peut-être, de son ADN hyper-urbain. « Nous sommes ici depuis 127 ans, à la même adresse. C’est notre vocation que d’être ancrés à Paris et nous voulons y rester. Cela suppose de fondre notre identité industrielle au sein d’une copropriété, à proximité des habitants » développe Didier Martin, Président de l’entreprise. On devine alors que cette promiscuité relativement inhabituelle doit s’appuyer sur une exemplarité absolument irréprochable, de sorte à ne pas créer de nuisances et de tensions. L’imprimerie Frazier veut en effet épouser le décor, quand les industriels sont par défaut souvent relégués en périphérie des villes, dans des zones éponymes tenues à l’écart des habitations. Là se joue d’ailleurs probablement une part du déficit d’image dont souffre l’industrie, cantonnée qu’elle est loin des « lieux de vie » pour des raisons évidemment pratiques, parfois sanitaires et sécuritaires, sans que l’on ne se demande toujours toutefois si la chose n’est pas trop systématique. Reste que les clients, eux, sont évidemment plus enjoints à se rendre sur site pour assister à des calages ou des BAT, Paris étant la ville éminemment attractive que l’on sait. « Imprim’Vert ce n’était même pas négociable pour nous. On est plus contrôlés à Paris que n’importe où ailleurs » ajoute-t-il cependant, décrivant un contexte à la fois enviable et difficile. « La ville de Paris veut se débarrasser des entreprises et les livraisons sont parfois compliquées, mais on gère ça très bien » glisse-t-il dans un sourire.

Faire au mieux : une démarche d’amélioration continue

Si l’imprimerie Frazier a déjà entamé un travail exemplaire de transparence et de progrès, son Président est conscient que le chemin est encore long : « On parle de démarches qui en soi nous poussent à expérimenter et à aller plus loin. Les sujets liés à la décarbonation nous ont par exemple amenés vers ClimateCalc et nous nous sommes engagées sur dix ans avec Print’Ethic ». Un parcours qui n’a rien du long fleuve tranquille que fantasment certains, tant la complexité des problématiques approchées contraint parfois à tâtonner. « Il arrive que les formulations d’encres changent en raison de nouvelles obligations légales. On n’est pas toujours prévenus et c’est à la faveur de problèmes en production que l’on s’en aperçoit, au travers de soucis d’imprimabilité notamment » illustre-t-il, ce qui est d’autant plus inconfortable qu’un imprimeur soucieux de maîtriser ses impacts – ainsi que la qualité de son travail – aime évidemment savoir de quoi il retourne. « Dans l’impression numérique, l’encre est devenue un consommable fourni avec la machine. Nous n’avons pas le loisir de les choisir, ce sont des encres propriétaires et il faut pousser les marques à nous en dire plus, si l’on veut savoir ce qu’elles contiennent », alors qu’en impression offset, il reconnait avoir dû faire marche arrière… « On est revenu au développement de plaques avec chimie, parce qu’on s’est aperçu que la qualité n’était pas au rendez-vous en impression offset UV » regrette-t-il notamment, non sans laisser entendre que les choses devraient évoluer dans le bon sens, pour demain imposer des CTP sans chimie et ce sans altérer la qualité d’impression, qui doit évidemment demeurer une priorité non négociable. Et il y a ce qui est encore moins directement à portée, comme le poids de l’énergie dans ses impacts, au gré de l’explosion des coûts que les industriels ont subie l’an dernier. « Le photovoltaïque est interdit à Paris. Il nous est impossible d’avoir notre propre transformateur et les offres d’énergie verte sont rares, sans par ailleurs être une solution suffisante. Il y a beaucoup à faire sur ce point, mais les bonnes volontés sont souvent stoppées par l’augmentation drastique des prix que nous avons connue » se désole-t-il, ne voyant guère d’autres solutions que de « recourir aux groupements d’achat comme ImpriClub pour être plus forts face aux fournisseurs d’énergie », même s’il ne manque pas de souligner que bien des machines récentes s’attachent – avec succès – à réduire leurs consommations électriques.

Les clients impriment moins, mais ils adoptent une autre démarche : ils sont prêts à payer plus cher pour se différencier.

Qualité & créativité : plus que des incantations, de vraies valeurs de résilience

« Sur huit millions d’euros de chiffre d’affaires, six vont à nos activités offset et deux à l’impression numérique. Nous sommes positionnés depuis deux ans sur du numérique grand format et c’est au global quelque chose qui tend à progresser » précise Didier Martin, qui répond à des typologies de clients variés, de l’annonceur traditionnel aux marques de luxe, « avec de fait une attention particulière portée à la colorimétrie ». S’il constate une réduction indéniable des volumes de production – tous procédés confondus – via une baisse objective du nombre d’exemplaires demandés et une diminution continue des paginations associées, les effets n’en sont encore que faibles sur le chiffre d’affaires de l’entreprise. « Les clients impriment moins, mais ils adoptent une autre démarche : ils sont prêts à payer plus cher pour se différencier » explique-t-il, ce qui implique de savoir motiver ces positionnements différenciants, depuis son expertise d’industriel/fabricant. Une capacité d’accompagnement qui se valorise d’autant mieux lorsque l’on se veut être un imprimeur à la recherche constante d’optimisations, de progrès et d’innovations, au regard d’un marché qu’il faut prendre le temps d’analyser. « Il y a une appétence pour les papiers texturés de création ou les façonnages complexes et ce n’est que de cette façon – en misant sur une différenciation par la qualité et la créativité – que l’on peut faire face à des réalités économiques qui sont celles d’une baisse des volumes sur les marchés graphiques » analyse-t-il de façon lucide, alors que dans le même temps, Didier Martin dit observer « une prise en compte grandissante des impacts du numérique » dans les causes identifiées du réchauffement climatique. De sorte qu’un point d’équilibre finira par affleurer. Un point d’équilibre qui porte un réajustement de raison, dont les imprimeurs sont et resteront un modeste maillon.