Alban Pingeot – “Il y a toujours ce besoin en France de faire briller cette industrie”

Le récent nouveau Président d’Imprim’Luxe, passé notamment par Moulages Plastiques de l’Ouest (MPO) – une entreprise au profil atypique, à la fois fabricant de supports optiques pour l’industrie du disque et imprimeur pour répondre à des besoins connexes notamment dans le domaine du packaging – nous répond sur les nouvelles orientations d’un label destiné à « faire briller » notre industrie, tout en revenant sur une carrière riche, menée tambour battant. Et sans fausse note.

Est-ce que vous pouvez nous retracer votre parcours avant cette nomination à la Présidence d’Imprim’Luxe ?

Cela fait plus de trente ans que je suis dans la fabrication industrielle, avant cela j’étais coopérant à la chambre de commerce française de Barcelone pour aider les entreprises françaises – surtout des PME – à exporter localement. J’ai fait ça pendant quasiment deux ans. Ensuite, toujours en Espagne, j’ai créé une  entreprise de services pour le compte des éditeurs de logiciels. Je fabriquais leurs produits. Pour cela, J’achetais des disquettes vierges (supports magnétiques) que je dupliquais en série grâce à des copieurs et je concevais des packages pour les imprimeurs. Je travaillais notamment avec Toshiba, Epson et d’autres. A l’époque l’industrie était très locale, même pour des gros comme Apple ou Microsoft et ces marques avaient besoin de supports de communication magnétiques. Au bout de six à sept ans, j’ai vendu cette société à MPO [Moulages Plastiques de l’Ouest – NDLR], qui à l’époque avait une entreprise à Madrid pour fabriquer les premiers CD-Rom. Il fallait donc passer sur un support autre que le magnétique, ce qui constituait un défi important et a permis à MPO de rentrer dans un marché autre que celui de la musique. Pendant quelques mois, j’ai pris en charge le développement commercial du segment multimédias en Europe de l’entreprise : très vite, j’ai estimé que si nous voulions être forts dans la duplication de logiciels, il fallait aller en Irlande, puisque c’est la tête de pont de ces marchés à l’échelle mondiale, pour des raisons fiscales. En l’occurrence, exporter en Irlande est compliqué, donc il fallait vraiment travailler localement. J’y suis resté cinq ans à la recherche de gros clients, c’est comme ça que nous avons travaillé avec des sociétés comme Microsoft ou Dell, toujours selon le même principe : leur proposer des packages complets sur disques optiques, en nouant au passage des deals avec des imprimeurs. Car on l’oublie souvent, mais autour du disque il y a l’habillage et l’impression. Pour le disque lui-même, nous utilisions deux typologies en l’occurrence : l’impression sérigraphique sur CD et ensuite l’offset quand le DVD est arrivé, pour des questions de poids d’encres sur les disques. Il fallait aussi bien sûr packager soit de la musique, des jeux vidéo, de la vidéo, des contenus informatiques etc.

Proposer dans notre offre globale ce que les anglo-saxons appellent du service intégré. Pour l’éditeur, cela signifie avoir un seul prestataire capable d’aller jusqu’au magasin en flux tirés, avec le rêve de pouvoir fabriquer à la commande.

Il y a eu un âge d’or des supports optiques mais eux les premiers ont été touchés par la dématérialisation, bien avant le papier…

En effet ! C’est pourquoi, suite à ça, j’ai rejoint le groupe à Paris pour essayer de diversifier les activités et réfléchir à ce que la révolution numérique allait remettre en cause dans nos métiers. Nous avons donc développé deux activités dites ‘connexes’ pour vendre plus de produits : faire de la gestion de projets autour du packaging ; et de la logistique pour proposer dans notre offre globale ce que les anglo-saxons appellent du service intégré. Pour l’éditeur, cela signifie avoir un seul prestataire capable d’aller jusqu’au magasin en flux tirés, avec le rêve de pouvoir fabriquer à la commande, plus rapidement et en plus petites quantités et ainsi limiter les stocks. Pour notre activité packaging, il y a un moment clé avec le rachat de BDMO, né de Montreuil Offset [en mars 2011, NDLR] qui était un fournisseur historique dans le secteur des biens culturels en France. Elle était en difficulté financière et nous l’avions rachetée à la barre du tribunal à l’époque, cela nous a permis de faire un pas décisif vers l’impression et la fabrication de packaging, sachant que nous étions déjà imprimeur papier avec du matériel offset, mais uniquement pour nos besoins propres sur des produits plus basiques : livrets, jaquettes etc. Nous étions conscients que nos métiers allaient vers encore plus de digitalisation, cependant nous étions convaincus que l’objet allait résister sur des segments plus haut de gamme. Il faudra toujours de beaux produits pour les fans, pour les collectionneurs ou pour celles et ceux qui veulent faire des cadeaux. Ce ne sont plus des achats utilitaires en ce sens que s’il ne s’agissait que d’écouter de la musique, le streaming se suffirait à lui-même. L’intérêt, c’est bien d’acquérir un bel objet vecteur d’émotions. Pour autant, il fallait trouver d’autres marchés pour compenser la baisse de volume des ventes. Nous avons évidemment essayé d’emprunter le chemin du numérique, via l’encodage/transcodage de titres mis à disposition sur des plateformes marchandes, mais sans succès. Le fait est que lorsque l’on vient du monde industriel et de la fabrication, on ne se transforme pas d’un claquement de doigts en geeks. D’autant qu’il y a aussi une réalité sociale et économique : pour cent personnes qui travaillent dans la production physique, en digital il n’en faut plus que deux. Donc, on ne parle ni des mêmes échelles, ni des mêmes prestations. Enfin, dernier point : pour exister dans le monde digital, il faut soit être propriétaire des contenus et donc en quelque sorte être éditeur soi-même – ce qui n’était pas notre métier – soit être maître des tuyaux numériques. Ce n’est pas notre métier non plus… La seule solution pour nous, c’était donc de pousser des activités connexes et industrielles, notamment dans le packaging : nous savions que nous nous engagions sur des métiers techniques qui correspondaient à ce que nos employés pouvaient faire et nous savions que ces segments allaient grossir pour devenir petit à petit notre activité principale. Quand nous avons repris BDMO avec une vingtaine de salariés, nous avons lancé un programme de formation pour accompagner nos opérateurs vers l’impression et le façonnage, quand beaucoup venaient du disque. Ainsi nous avons pu sauvegarder 50 emplois. L’idée, c’était de pouvoir attaquer les marchés du haut de gamme, tout en poursuivant un développement logique puisque nous étions déjà positionnés sur de l’impression/fabrication de packaging.

Le packaging est un monde varié en soi, comment avez-vous affiné votre positionnement ?

Au départ, nous nous posions la question : fallait-il aller vers le packaging de luxe, la pharmacie, la cosmétique ou l’impression commerciale ? Nous nous sommes fait accompagner par un consultant sur ces questions, pour une analyse plus stratégique. Et nous avons rapidement constaté qu’il y avait davantage d’accointances entre notre histoire, notre culture, nos savoir-faire et les marchés du luxe. Il valait clairement mieux nous diriger vers des produits ‘prestige’ et prémium, que vers de la pharmacie par exemple, déjà pour des raisons d’accessibilité immédiate : nous n’avions pas les machines ou les capacités d’aller vers des produits exigeant une autre approche technique. Je prends souvent cet exemple : si nous savons fabriquer un coffret musical pour Lady Gaga et le livrer à la Fnac, on pourrait alors le faire sur un flacon de parfum pour le livrer chez Sephora, avec cette même exigence de qualité.

Les compétences techniques ont-elles immédiatement suffi ? Quels efforts de transformation avez-vous dû fournir ?

Dans le luxe, les marques cherchent souvent à se singulariser pour exister dans les linéaires des magasins. Il faut donc avoir un vrai département R&D et leur apporter du conseil sur des projets particuliers et être capable de sortir des moutons à cinq pattes. C’est ce qui faisait notre force en tant que fabricant de disques : quand on fabrique un disque, il faut forcément une boite et un habillage avec un vrai travail de créa’, de conception, de design etc. Sur des projets multi-matériels, il faut aussi parfois savoir gérer de la sous-traitance, tout en restant soi-même acteur de la fabrication. Du vinyle au CD, on n’a pas recours aux mêmes matières : d’un côté on a du polycarbonate et de l’autre côté du PVC. Quant à la dimension packaging, il fallait être capable de travailler à la fois sur des papiers de création et du carton, du textile, etc. Nous avons réinvesti à la fois en numérique et en offset après le rachat de BDMO, pour pouvoir développer notre business en nous ouvrant de nouveaux marchés. C’est comme ça que j’ai connu Imprim’Luxe, en 2015. Notre positionnement prémium a permis cette rencontre.

Les maisons de disques possèdent des catalogues avec des milliers de références. Et chaque référence peut exister en différentes éditions et différents formats. De fait, même s’il y a moins de volume, les tirages petits et moyens se sont multipliés.

Quelle amplitude de tirages assuriez-vous dans ce monde-là ? Qu’est-ce qu’un gros ou un court tirage, lorsque l’on parle de disques ?

Il y a beaucoup de métiers dans le disque, même si cela a beaucoup changé aujourd’hui. Mais nous assurions à la fois des tirages monstrueux, à millions d’exemplaires, notamment lors d’opérations partenaires avec McDonald’s par exemple ou pour accompagner différentes revues. Cependant pour  le segment de l’édition dite ‘classique’ que ce soit dans le monde la musique, de l’informatique ou du cinéma, on se situait entre 5000 et 200 000 exemplaires pour une nouveauté, avec des retirages entre 200 et 1000 unités. Aujourd’hui, le marché a bien évidemment beaucoup changé sous l’effet de la dématérialisation, mais il y a une profusion de titres disponibles : les maisons de disques possèdent des catalogues avec des milliers de références. Et chaque référence peut exister en différentes éditions et différents formats. De fait, même s’il y a moins de volume, les tirages petits et moyens se sont multipliés.

Cela ressemble à ce que, dans le print, on appelle le ‘versioning’…

Oui, exactement, il y a du versioning partout. Et je ne vais pas revenir sur les produits informatiques sur lesquels je travaillais à mes débuts, mais ça m’y a forcément préparé puisqu’il ne s’agissait que de logiciels mis à jour et réédités, aves des demandes erratiques : parfois il fallait ultra-réactif et parfois il n’y avait plus rien. On enchaînait les plannings vides et surchargés, selon l’état de la demande. Il fallait donc déjà une approche extrêmement flexible et agile des besoins, sachant que quand les clients sont des troubadours et des saltimbanques, eux les premiers ne savent pas combien ils vont vendre. Et cette obligation d’ultra-réactivité était d’autant plus nécessaire lorsque nous faisions face à la concurrence du piratage avec les CD gravés illégalement.

La flexibilité est toujours un avantage : pour répondre à la demande locale, mais aussi pour ne pas subir la concurrence étrangère et garder l’avantage de la proximité.

Est-ce que MPO a été confrontée, comme l’ont été nombre d’imprimeurs en France, à une concurrence étrangère rude avec des positionnements agressifs sur les prix ? Ou est-ce que le positionnement atypique de l’entreprise l’en a protégé ?

MPO a en effet un profil atypique au regard de ce qu’est l’imprimerie en France, mais ça ne veut pas dire que l’on n’a pas été confrontés à une forme de concurrence, notamment lorsque l’on fabriquait des CD vierges enregistrables : les asiatiques se positionnaient à très bas coût sur ces marchés, sans avoir à respecter les mêmes normes que nous. D’une certaine manière, nous avons donc connu cette problématique de délocalisation de l’activité. Ce qui est certain, c’est que la flexibilité est toujours un avantage : pour répondre à la demande locale, mais aussi pour ne pas subir la concurrence étrangère et garder l’avantage de la proximité. L’évolution du marché a confirmé qu’il ne fallait pas forcément avoir les machines les plus rapides et productives du monde, mais avoir celles qui calent très vite pour limiter les coûts fixes et assurer des demandes de plus en plus fractionnées. Au cours de ma carrière, j’ai toujours prôné l’export et le développement de l’activité à l’international. MPO dans ses beaux jours était une société qui avait des usines aux Etats-Unis, en Asie et en Europe. Sauf qu’avec la fonte du marché, on a fait les ‘petits gaulois’ en fermant les usines américaines, en vendant les unités en Asie et en nous rapatriant sur nos bases en Europe. L’activité s’est donc rabougrie et MPO aujourd’hui, c’est environ 60 % de son chiffre d’affaires qui se fait à l’export et 40 % sur le marché français.

L’important pour Imprim’Luxe, c’est de créer un chemin pour faciliter ces relocalisations, sur la base d’une appétence qui existe en réalité déjà.

Un des points clés de la mission d’Imprim’Luxe, dès sa création, a été la relocalisation des flux d’impression en France. Si le ‘made in France ‘ est attractif, voire gage d’un certain prestige, nombreux sont les donneurs d’ordre qui refusent d’en être prisonnier. Invité par Imprim’Luxe à un Table Ronde il y a maintenant près de quatre ans, Jean-Noël Kapferer (professeur émérite à HEC et sociologue spécialisé sur les thématiques de la communication) avait notamment dit que le ‘made in’ était une « obsession française » qui, selon lui, n’avait pas toujours lieu d’être… Est-ce que les choses sont malgré tout en train de changer ?

Si le client veut un produit peu cher, il mettra forcément les entreprises françaises en concurrence et je doute que l’argument du ‘made in France’ entrera vraiment en ligne de compte. Et de toute façon, la France ne pourra pas devenir demain l’usine du monde entier, ce n’est pas possible. En revanche, si dans sa réflexion le prix ne fait pas tout et qu’il veut aussi de la réactivité et de la qualité, alors même à quelques pourcents plus chers, le ‘made in France’ pourra lui apporter davantage de sérénité et recueillir sa préférence. C’est d’autant plus vrai aujourd’hui que toute la dimension RSE (de l’écoconception à la seconde vie du produit) est devenue hyper importante. En général, un donneur d’ordre met en balance l’ensemble de ces critères pour fonder son choix et de ce point de vue, nous avons des arguments à faire valoir. Mais ayons conscience qu’il y a des choses que la Chine par exemple fait extrêmement bien, parce qu’ils ont développé des savoir-faire structurés autour d’une industrie maîtrisée et de technologies pointues. Il ne faut pas croire que leur seul argument serait le prix. C’est bien pour cela que même si l’on essayait de rapatrier certaines activités en France, à ce jour nous avons encore des années de retard. Cela étant, regardons ce qu’ont fait Louis Vuitton ou Hermès : ils ont relocalisé des ateliers de fabrication, notamment en France, alors que d’un point de vue économique, il n’y avait aucun bénéfice direct à le faire ici plutôt que dans des pays à bas coûts de main-d’œuvre. Mais je pense qu’ils ont compris qu’ils vendent des produits destinés à faire rêver. Or, souvent, cela implique de s’appuyer sur un imaginaire qui fait par exemple que le champagne a des attaches culturelles et géographiques françaises. Même chose pour les vins : il en existe qui sont australiens ou californiens et qui sont de très bonne qualité. Mais sur le très haut de gamme, il y a cet imaginaire à respecter qui dépasse de loin la seule logique des prix. L’important pour Imprim’Luxe, c’est de créer un chemin pour faciliter ces relocalisations, sur la base d’une appétence qui existe en réalité déjà. Notre mission consiste évidemment aussi à valoriser et faire fructifier nos savoir-faire, chose qui passe à mon avis nécessairement par l’export : on ne doit pas rester recroquevillés sur nos marchés locaux.

Il ne se passe pas une semaine sans que l’on ne reçoive des demandes très spécifiques de fournisseurs ou de donneurs d’ordre sur notre site Internet, lorsqu’ils cherchent des prestataires capables d’assurer des opérations un peu pointues.

Vous avez récemment rappelé les objectifs prioritaires du label, en insistant notamment sur la nécessité d’être en contact plus direct avec les donneurs d’ordre. Est-ce à dire que certains de vos membres regrettent un manque de chiffre d’affaires additionnel, lié à leur appartenance à Imprim’Luxe ?

Il y a toujours ce questionnement entre, d’un côté, la volonté de rentabiliser une labellisation avec l’objectif comptable d’enregistrer un volume d’affaire supplémentaire, et l’utilité de faire partie d’un collectif destiné à valoriser ce qu’on est. Les mêmes questions se posent souvent à propos des salons professionnels : faut-il y aller ? Est-ce que ça rapporte ? Le fait est que souvent, les entreprises reviennent. Parce que je pense qu’au-delà des éventuelles frustrations liées à la difficulté de générer du business additionnel, du moins à première vue, on peut difficilement se permettre de ne pas se signaler. Et souvent, un label apporte des bénéfices qui ne sont pas immédiatement visibles : cela peut rassurer un donneur d’ordre quand il arbitre ses choix, mais rien ne l’oblige à le dire comme ça. Ce que je peux vous dire, c’est qu’il ne se passe pas une semaine sans que l’on ne reçoive des demandes très spécifiques de fournisseurs ou de donneurs d’ordre sur notre site Internet, lorsqu’ils cherchent des prestataires capables d’assurer des opérations un peu pointues. A minima, cela prouve que l’on est identifiés comme un garant qualitatif et c’est bien là aussi l’essence d’Imprim’Luxe. Cela étant, oui c’est notre prochain objectif : être davantage reconnu chez les donneurs d’ordre. A nous de marketer notre action, à minima pour qu’ils sachent quels services nous sommes en mesure de leur rendre.

Imprim’Luxe peut déjà s’enorgueillir d’une longévité qui est une victoire en soi : le label a en effet fêté ses dix ans l’an dernier, preuve qu’il a une légitimité de fait. A quoi cela tient, selon vous ?

Imprim’Luxe n’est pas une association technique qui aurait pour objectif de fédérer des entreprises ayant les mêmes profils et les mêmes problématiques, mais elle fédère des entreprises qui ont un point commun : une passion pour l’excellence. Et toutes nourrissent la volonté de conquérir des marchés haut de gamme, en France et ailleurs. Or, le monde de l’imprimerie est assez diffus, avec énormément de TPE et PME. Il y a toujours ce besoin en France de faire briller cette industrie, dont on ne parle hélas pas toujours positivement. Une industrie qui doit lutter pour son image, contre la digitalisation des pratiques, tout en faisant face à des difficultés socioéconomiques. On renvoie parfois l’image d’un monde qui sent la poussière, alors que nous avons de très belles entreprises, à la fois garantes de savoir-faire historiques mais aussi très modernes, avec des technologies qui évoluent sans cesse. Il nous faut aussi rappeler combien notre écosystème fait vivre une filière aux intérêts interconnectés, avec derrière tout ça des hommes et des femmes passionnés. Nos labellisés sont les fiers représentants de l’excellence de cette filière et je pense que c’est en soi assez rare. D’ordinaire, on parle de labels d’expertise technique, mais avec Imprim’Luxe, il s’agit d’une autre forme de reconnaissance liée encore une fois à l’excellence.

Pour revenir aux objectifs que porte Imprim’Luxe aujourd’hui, le packaging en général – et notamment le packaging secondaire – est omniprésent dans vos projections stratégiques. De fait, il apparaît comme une priorité claire…

On assiste à une dématérialisation des supports et donc à une baisse d’impression sur tout ce qui n’est pas stratégique pour la marque : tout ce qui peut être digitalisé sans perte directe de visibilité aura tendance à l’être. Or, pour une marque de luxe, l’emballage est extrêmement stratégique. C’est pour ça que je pense qu’Imprim’Luxe doit être particulièrement attentive à ce qui se fait dans le pack’.

J’ai du mal à imaginer qu’on aille acheter demain du parfum haut de gamme en vrac : quand on paye cent euros un petit flacon, difficile de se passer d’un bel écrin.

Pourtant, le packaging n’échappe pas à des injonctions à la sobriété. De plus en plus, on appelle à faire des emballages plus économes, voire à se passer de certains d’entre eux. C’est notamment très sensible au regard des législations européennes en cours de structuration.

Oui, mais on distingue deux grandes typologies de produits : les emballages de grande consommation, qui sont les premiers concernés par une réduction des volumes, et les niches haut de gamme à propos desquelles on se pose beaucoup plus de questions. Parce que – à l’image du disque, dont on a beaucoup parlé – le bel objet aura toujours besoin d’être matérialisé et d’être mis en valeur. J’ai du mal à imaginer qu’on aille acheter demain du parfum haut de gamme en vrac : quand on paye cent euros un petit flacon, difficile de se passer d’un bel écrin. Si on parle d’un CA global de 850 milliards d’euros pour le packaging – tous marchés confondus – les segments prémium pèsent 17 milliards, dont 2,6 milliards pour le seul sous-segment du packaging secondaire. 35 % dudit marché est européen et il est difficile d’évaluer le poids de la France. On peut imaginer que les produits européens ont plutôt tendance à être fabriqués en Europe, avec une part non négligeable d’exportations. Et si je suis un fabricant français, il y a quand même plus de sens à solliciter Autajon à Montélimar qu’un lointain prestataire peut-être un peu moins cher, même pour des campagnes qui partent dans des pays voisins. Pour autant, il est très difficile d’avoir des chiffres fiables sur lesquels se reposer : on est obligé d’analyser le marché au regard de ce que l’on observe et des quelques éléments à notre disposition.

Imprim’Luxe a toujours revendiqué une forme d’élitisme, en imposant notamment un plafond de labellisés autour de la cinquantaine d’entreprises. Est-ce toujours le cas ?

Oui, mais en même temps, il faut se méfier de la notion d’élitisme : on peut tout à fait avoir des entreprises détentrices de merveilleux savoir-faire, qui ne travaillent pas pour des grandes marques de luxe et qui se positionnent peut-être encore de façon un peu modeste.

Dans un monde graphique très varié, on a besoin d’entreprises qui ont envie d’exceller dans ce qu’elles font. Et j’ai presque envie de dire, peu importe ce qu’elles font : on a besoin de cuisine moderne et de cuisine traditionnelle.

A l’échelle des Industries Graphiques, il y a aussi nombre d’acteurs majeurs qui pourraient se sentir exclus du message ‘élitiste’ porté par le label, a fortiori lorsqu’ils sont positionnés sur des produits à l’image moins ‘noble’ et particulièrement attaqués ces dernières années : pensons notamment à l’imprimé publicitaire…

Pourtant, il faut les deux ! Je ne sais pas si l’analogie est très pertinente, mais je comparerais ça au guide Michelin : il y a le prestige tout en haut avec les restaurants étoilés, mais avant ça, il y a une myriade de distinctions plus modestes qui font aussi la richesse de la restauration française. On peut être à Paris ou en province, spécialisé dans le poisson ou le végétal etc. Mais dans tous les cas, on représente le savoir-faire à la française. L’excellence, par ailleurs, ce n’est pas que le produit : c’est aussi la qualité du service, la propreté des locaux etc. Parfois, on veut d’ailleurs juste manger vite, d’où les fast-foods, qui ont leur légitimité aussi. L’important, c’est de pouvoir répondre à des besoins différents, du mieux que l’on peut. Imprim’Luxe, c’est un peu la même chose : dans un monde graphique très varié, on a besoin d’entreprises qui ont envie d’exceller dans ce qu’elles font. Et j’ai presque envie de dire, peu importe ce qu’elles font : on a besoin de cuisine moderne et de cuisine traditionnelle. Pour l’instant, on plafonne le nombre de labellisés autour d’une cinquantaine, mais tant mieux si demain on s’autorise à être plus nombreux. Après, Imprim’Luxe ne peut évidemment pas répondre à tout, il est certain que les entreprises positionnées aujourd’hui sur de l’imprimé publicitaire n’ont pas les mêmes problématiques ni les mêmes perspectives que celles qui font de l’emballage haut de gamme, mais je reste persuadé que même face aux pires difficultés, il vaut toujours mieux essayer d’exceller dans ce qu’on fait. Inversement, être labellisé imprim’Luxe ne suffit pas, ça ne fait pas apparaître des clients et du business par magie. Le label crée effectivement des attentes et nous savons que nous devons l’imposer auprès des grandes marques, notamment auprès des contacts au profil plus opérationnel : des chefs de fabrication, des directeurs d’achat etc. En soi, les marques de luxe ont des besoins variés, d’où le fait que le label peut accueillir des entreprises aux profils très différents. C’est pour cela que nous pouvons d’une certaine façon « outiller » des entreprises sur le plan marketing & commercial, lesquelles ne savent pas forcément comment aborder certains clients, alors qu’elles répondent pourtant à des besoins importants avec un haut niveau de savoir-faire. Au point d’ailleurs que ce sont parfois les entreprises elles-mêmes qui viennent nous solliciter, conscientes de ce que nous pourrions leur apporter en termes de visibilité et d’opportunités.

L’année 2024 était une année drupa, un événement qui met évidemment la focale sur des aspects plus techniques : est-ce que les labellisés ou partenaires Imprim’Luxe expriment aussi des attentes liées à la technologie au sens large ? Y a-t-il des problématiques formulées autour de la rentabilité, la productivité ou la fiabilité des écosystèmes matériels, dans un contexte de contraction des volumes ?

Nous ne sommes pas un label technique mais nous avons des partenaires techniques. C’est par leur biais que ces enjeux pourraient être abordés et même si ce n’est pas notre raison d’être, j’espère qu’ils le seront de plus en plus. Ce qui moi m’a frappé en tant que client jadis auprès des imprimeurs, c’est de constater la course aux volumes qui a eu lieu pendant si longtemps, en sacrifiant au passage les prix sur les petites séries. Le but était de se refaire une santé sur les grosses commandes. Malheureusement, aujourd’hui les volumes baissent et on voit à quel point cette stratégie était mortifère. J’ai aussi pu constater une tendance à ne pas intégrer le coût des futurs investissements, dès lors qu’une machine était payée : là encore, le but est d’être moins cher que le voisin, mais ce faisant, on se coupe un pied à moyen et long terme, parce qu’on n’anticipe pas les investissements à venir. Il n’empêche que le métier a changé : il était auparavant très technique et ancré dans la production, il correspond plutôt à un métier de service aujourd’hui. Nous vendons de plus en plus du temps humain, davantage qu’un simple produit imprimé. Les machines numériques sont par ailleurs de plus en plus opaques et laissées aux mains des fournisseurs et à ce titre, les marges de manœuvre de l’industriel s’orientent de plus en plus vers la gestion de projet, la capacité à intégrer un maximum d’étapes dans la chaîne de fabrication, la réactivité commerciale, le développement du lien relationnel etc.

Si l’environnement est important partout, tout le temps, c’est certainement plus encore le cas dans l’univers du luxe. (…) C’est aussi un élément clé aujourd’hui pour faciliter le recrutement dans l’industrie, qui est un vrai problème. Nos jeunes souhaitent donner du sens à leur travail et protéger la planète pour le futur de leurs enfants.

Un marqueur de l’époque est évidemment la dimension environnementale et plus globalement RSE, qui redessine entre autres nos obligations règlementaires ainsi que nos façons de produire et de consommer. Comment analysez-vous le phénomène, du point de vue d’Imprim’Luxe ?

Je suis en train de faire une formation en parallèle à l’école des Mines sur la gestion environnementale et l’écologie et je ne sais pas si on réalise à quel point le sujet est central pour les marques de luxe. Elles s’adressent au consommateur final et elles ont cette obsession de répondre aux exigences croissantes en la matière des gens qui achètent leurs produits, tant sur le plan de la traçabilité que de la réduction des impacts de fabrication et d’utilisation. Elles sont tout à fait conscientes qu’un bad buzz peut leur porter un coup quasi-fatal. Nous insistons ainsi particulièrement sur ce point auprès de nos labellisés parce que si l’environnement est important partout, tout le temps, c’est certainement plus encore le cas dans l’univers du luxe, les marques ayant une image à préserver. C’est aussi un élément clé aujourd’hui pour faciliter le recrutement dans l’industrie, qui est un vrai problème. Nos jeunes souhaitent donner du sens à leur travail et protéger la planète pour le futur de leurs enfants.

Pourtant, on mesure là aussi déjà une forme de lassitude, certaines entreprises ayant dans le même temps identifié cette urgence, tout en ayant l’impression de subir des injonctions qui ne tiennent pas compte d’une forme de réalité industrielle…

Oui, c’est le cas parce que dans un univers à forte dominance de TPE/PME, la mise en application des démarches normatives est à elle seule extrêmement lourde et parfois très compliquée à saisir. On est passé d’un triptyque Prix/Qualité/Délais à une équation à quatre critères Prix/Qualité/Délais/Environnement. Sur ce point, à nous de porter la bonne parole parce qu’encore une fois, quand les entreprises sont focalisées sur la production, leurs priorités font que la partie RSE passe souvent au second plan. On en parle énormément, mais cette unité de valeur n’est – je pense – pas encore suffisamment prise en compte dans l’industrie. Les dirigeants de ma génération et des précédentes n’ont pas eu cette sensibilisation aux enjeux écologiques, il y a donc un effort à fournir pour se ‘mettre à niveau’, d’où la formation que je suis moi-même. Le piège, c’est de ne voir là-dedans que des contraintes, d’autant que les solutions manquent souvent et qu’on a par conséquent tendance à se dire qu’on nous demande l’impossible. Mais tout ceci est en train de se construire et il ne faut surtout pas y faire obstacle, bien au contraire. Pour ma part, j’essaierai de mettre cette thématique au centre d’un colloque à venir pour Imprim’Luxe, en mettant autour de la table des donneurs d’ordre et des industriels. Il faut bien être conscient que les marques vont chercher à s’appuyer sur nous : mieux on pourra les aider, mieux on prépare l’avenir de nos métiers. Encore une fois, ce n’est pas idéologique : il suffit d’entendre parler les donneurs d’ordre, de penser à qui seront les jeunes acheteurs de demain, eux-mêmes formés à ces enjeux, pour comprendre que nous n’y couperons pas. Si nous ne les aidons pas à progresser sur ces sujets, nous allons dans le mur.

“Imprimé en France” – Les bonnes volontés s’affichent

Si les bien nommés “circuits courts” destinés à rapprocher les acteurs de la fabrication des metteurs sur le marché ne recueillent guère que des commentaires bienveillants, le livre peine encore à en profiter. Quoique des “signaux faibles” tendent enfin à affleurer, puisqu’un label “Imprimé en France” est d’ores et déjà arboré en quatrième de couvertures de ses livres par les éditions Calmann-Lévy, ces derniers appelant même leurs confrères à faire de même…

En moyenne, 30 à 40% des livres français sont réalisés à l’étranger.

Made in France : à l’État de montrer l’exemple ?

Certainement faut-il commencer par rappeler une évidence : le localisme ne saurait être imposé, dans la mesure où le code des marchés publics l’interdit. Plus précisément, la commande publique ne pourrait incliner à solliciter des prestataires locaux – ou même nationaux – qu’à la condition de mettre en avant des critères d’exception liés par exemple à la nécessaire rapidité d’exécution (l’urgence pouvant alors justifier alors d’aller au plus près), ou indirectement en faisant la démonstration que les exigences environnementales spécifiques d’une commande conduisent à solliciter des entreprises de proximité. Des solutions qui n’ont toutefois rien de systématique et qui, mal justifiées, peuvent être rapidement taxées de délit de favoritisme et contrevenir à la fois aux principes communautaires (défendus par la CJUE) et constitutionnels (défendus par le Conseil Constitutionnel) de la liberté d’accès à la commande publique. La chose est toutefois difficile à entendre, dans la mesure où l’époque semble réclamer de l’écoresponsabilité en circuits courts, pour des raisons tant strictement environnementales que plus globalement sociales, sociétales et économiques. C’est ainsi que l’on s’émeut parfois de constater que les budgets publics manquent de nourrir le tissu industriel local, au profit de concurrents étrangers par ailleurs possiblement éligibles à des subventions européennes d’investissement qui distordent plus encore un équilibre concurrentiel déjà malmené par les différentiels sociaux qui distinguent les coûts d’une impression en Europe de l’Est (Pologne, Estonie, Lituanie etc.) de ceux d’une impression en France. Il ne faudrait toutefois pas grossir le phénomène : pour le cas du livre, la commande publique se maintient en France dans 90% des cas (source : “Imprimer en France : l’avenir de la filière Livre” – DGE/UNIIC, 2015). C’est la balance commerciale du livre dans sa globalité qui pose question : “En moyenne, 30 à 40% des livres français sont réalisés à l’étranger” pouvait-on lire au sein dudit rapport. Une proportion qui est restée peu ou prou la même, neuf ans plus tard, même si des pistes d’amélioration sont engagées et prometteuses…

Au-delà des seuls engagements RSE qui inclinent nombre d’éditeurs à faire rimer “responsabilité” avec “proximité”, les circuits courts semblent asseoir leurs bienfaits économiques.

Relocalisations : les raisons d’y croire

Les raisons de cet exode partiel, si elles sont connues, n’offrent pas toutes des solutions directes : reconstruire l’outil industriel adéquat – notamment sur les activités de reliure et de façonnage – pour traiter un volume supérieur de livres complexes et semi-complexes prendra du temps (l’Atelier Partagé du Livre Complexe est à cette fin un projet industriel collectif de rapatriement de travaux de façonnages semi-complexes, appelé à sortir de terre ces prochaines années), alors que les arbitrages moins-disant conduisant à imprimer moins cher mènent soit vers l’Europe de l’Est, soit à nos principaux concurrents frontaliers que sont l’Allemagne, l’Italie, la Belgique et l’Espagne. Impossible en effet pour un industriel français de s’aligner sur des prix cassés sans sacrifier sa marge, ni même toujours de rivaliser – sur des segments de marché hors livre noir, où la compétitivité française n’est pas mise à mal – avec la puissance graphique allemande qui, bien qu’en deçà de la productivité française, a su s’armer (et sous-traiter) pour optimiser ses coûts. Les raisons en relevant pour partie de disharmonies fiscales et sociales, de telles distorsions concurrentielles appellent des ajustements politico-économiques sur lesquels une filière industrielle n’a de fait que peu d’emprise. En pareil cas, les meilleurs réflexes sont donc toujours les mêmes : miser sur l’innovation, travailler la qualité de ses services pour mieux accompagner la demande et faire émerger de nouvelles capacités de production par le co-développement. C’est ce qui a été notamment entrepris pour le livre complexe et semi-complexe, mais cela ne dispense ni de promouvoir le savoir-faire français pour sensibiliser le grand public, ni de rappeler que de relocalisations il ne pourra y avoir qu’avec le concours actif des donneurs d’ordre, qu’il ne s’agit pas de contraindre, mais bien de convaincre. Un objectif à vrai dire déjà bien engagé : au-delà des seuls engagements RSE qui inclinent nombre d’éditeurs à faire rimer “responsabilité” avec “proximité”, les circuits courts semblent asseoir leurs bienfaits économiques (réduction drastique des délais, échanges facilités avec l’imprimeur et meilleure gestion des flux) pour finir de rendre la chose profitable – et déjà observable – au-delà de sa stricte dimension éthique.

Structurer des outils collectifs destinés à valoriser une fabrication du livre qui soit ‘locale’, ou à tout le moins, ‘nationale’.

Vers un label “Imprimé en France” ?

Preuve que les lignes bougent, l’éditeur Calmann-Lévy a pris l’initiative d’imprimer en quatrième de couverture de ses livres un label “Imprimé en France”, sous des traits nettement visibles, dans le but d’afficher une volonté proactive de défendre l’industrie française. Avec l’ambition aussi de promouvoir – c’est de bonne guerre – ses propres bonnes pratiques, sans pour autant chercher à tirer la couverture à soi. “Il souhaiterait que tous les autres éditeurs adhèrent à ce label, avec l’aide de tous les imprimeurs français de livres, afin que tous les livres faits en France portent cette marque” s’enthousiasme en effet Jean-Paul Maury (Maury Imprimeur), relatant ici une rencontre avec le Président des éditions Calmann-Lévy, dans un courrier adressé à l’UNIIC. “Nous sommes nous-mêmes sur une réflexion portant sur ‘l’achevé d’imprimer’ pour lui donner plus de force, mais dans le cas présent, il s’agit de valoriser la production française et ce, certes à la demande de nombreux imprimeurs, mais également d’acteurs majeurs du Syndicat National de l’Edition (SNE)” ajoute Pascal Bovéro, Délégué général de l’UNIIC, dans un courrier cette fois adressé au SNE. L’objectif : “trouver ensemble les formes les plus appropriées pour mettre en avant cette ‘signature’ appelée en fait à devenir une marque collective”, précise-t-il. En somme : montrer l’exemple et généraliser les bonnes pratiques, pour enfin structurer des outils collectifs destinés à valoriser une fabrication du livre qui soit ‘locale’, ou à tout le moins, ‘nationale’ : un combat qui se réclame d’un idéal socioéconomique fort et qui trouverait là une précieuse première avancée…

Sérigraphie, impression numérique connexe & Labeur : comment acter de la fusion des conventions collectives ?

En application des dispositions de l’article L2261-32 du code du travail, les pouvoirs publics ont procédé à la fusion de la convention collective des industries de la sérigraphie et des procédés d’impression numérique connexes (IDCC 614), avec la convention nationale de l’imprimerie de Labeur et des industries graphiques (IDCC 184). Un rattachement devenu opérant le 1er février 2024, généralisant de fait sur les bulletins de salaire le code d’identification CCN 0184.

Si la convention collective de la sérigraphie et des procédés d’impression numériques connexes ressemble pour l’essentiel de ses dispositions à celle du Labeur, la classification des emplois, la structuration d’une couverture de prévoyance collective et – dans certains cas – les aspects Formation (certificats de qualification et diplômes notamment), nécessitent quelques ajustements. De façon à faciliter le basculement, il a ainsi été décidé :

– Que les entreprises relevant de l’ex-champ de la sérigraphie n’auraient pas, au titre de l’année 2024, à contribuer aux collectes conventionnelles IDCC 184.
– Que la politique salariale portant sur les minimas conventionnels devait être repensée pour tenir compte des spécificités des industries créatives.
– Que nous devions construire des emplois repères dédiés à la spécificité des sérigraphes et imprimeurs numériques grand format, jusque sur les fonctions support. Un travail qui relève d’une phase d’accompagnement des entreprises sur des classifications encore sujettes à réflexion, au vu des demandes qui parviennent à l’UNIIC.
– De proposer une couverture de prévoyance collective, sous l’égide du Groupe Lourmel, dédiée à la spécificité des métiers anciennement rattachés à l’IDCC 614.

Nos services sont mobilisés pour vous accompagner sur ces sujets, n’hésitez pas à vous rapprocher de nous.

Huiles minérales – où en est-on ?

Indésirables dans le packaging alimentaire, les hydrocarbures aromatiques d’huiles minérales (MOAH) sont suspectés d’être des perturbateurs endocriniens cancérigènes. Exclues à cette fin des procédés d’impression d’emballage, ces MOAH demeuraient toutefois potentiellement présentes dans les encres offset (heatset et coldset), risquant de contaminer les packagings (primaires et secondaires) recyclés.
Sur demande de la DGPR, un groupe de travail lancé par Citeo avec les différentes parties prenantes, a vu l’UNIIC s’engager, depuis 2017, à travailler sur des encres alternatives : les imprimeurs et acteurs amont/aval (producteurs d’encres, fournisseurs et transformateurs d’emballages, éditeurs, industriels de recyclage etc.) ont ainsi travaillé sur des solutions alternatives techniquement disponibles et économiquement supportables. Depuis 2022, de nouvelles formulations ont résulté de ces travaux, avec un taux d’appropriation de 97 % par les industriels français. Mais, comme nous le mentionnions avec la FIPEC dans un communiqué commun en décembre 2022, “l’arrêté du 13 avril 2022 précisant les substances contenues dans les huiles minérales dont l’utilisation est interdite sur les emballages et pour les impressions à destination du public (…) provoque une déstabilisation de toute la filière puisque les modalités de contrôle rendent impossible la mise en œuvre de la loi : toutes les encres, dont les encres à base végétale, seront de fait interdites, à échéance 2025, sur le marché français, si les seuils limites restent sous les capacités de détection de l’industrie et des laboratoires.

Travaillant tant auprès de l’Etat que de l’ANSES, l’UNIIC poursuit son travail d’information, en portant notamment à la connaissance de nos interlocuteurs les réalités suivantes :

– Limiter les contaminations de MOAH à la source via une réglementation française apparaît d’autant plus inenvisageable que les flux de matières imprimées sont à minima européens, voire mondiaux. La traçabilité des papiers récupérés – lesquels sont envoyés par balles à l’étranger pour une production recyclée qui n’existe, hélas, quasiment plus en France – est ainsi en l’état impossible à assurer. L’autre solution, qui consisterait à revoir le schéma de collecte des déchets pour éviter tout mélange problématique, se heurte (entre autres) au fait que ce sont les collectivités elles-mêmes qui en déterminent les propriétés de façon indépendante et – donc – hétérogène.
Où effectue-t-on les contrôles ? Si ce sont les encres d’imprimerie qui ont concentré l’attention du législateur, les dérivés d’huiles minérales – à l’état de traces – peuvent tout à fait provenir du substrat lui-même, des colles & adhésifs ou d’une contamination croisée via les aliments eux-mêmes. Elles peuvent également être présentes dans les camions et conteneurs dédiés à assurer le transport des marchandises imprimées.
– Si le secteur s’est déjà attaché à produire de nouvelles formulations d’encres largement exemptes de dérivés d’huiles minérales, aller plus loin – jusqu’à en éliminer toute trace – suppose des travaux d’identification des problématiques, puis de recherche & développement, qui nécessitent 3 à 5 ans de travail supplémentaire. Un temps qui nous met déjà hors-délai vis-à-vis de la règlementation, telle que définie à ce jour.

Pour rappel, la nouvelle législation relative aux seuils maximum tolérés de dérivés d’huiles minérales dans les produits imprimés est appelée à s’appliquer au 1er janvier 2025.

 

Quid de la place des femmes dans les Industries Graphiques ?

A l’initiative de la CCFI, une conférence dont le sujet – sensible – apparaît à la fois dans l’air du temps, tout en étant très inhabituel dans le paysage thématique des Industries Graphiques. Et s’il était temps de se poser la question de la place des femmes dans les métiers de l’impression ?

Dans la continuité des travaux qui interrogent l’attractivité de nos métiers, leur féminisation apparaît comme un nécessaire axe de progrès. « Idéalement, nous avons besoin de tous les profils. C’est en soi une bonne raison de se demander si les femmes sont favorablement accueillies » résumait Marion Meekel (CCFI) en ouverture des débats. Car personne ne nie d’évidentes réalités : notre industrie manque de bras, les difficultés de recrutement dont témoignent les chefs d’entreprises en font largement état. Par ailleurs, la diversité des profils est effectivement un atout, les besoins en ateliers ramenant de moins en moins à des stéréotypes de genres – qu’il faudra dépasser pour de bon – supposant qu’il faille être grand et fort pour supporter la pénibilité supposée des tâches. S’il s’agit déjà là d’une idée reçue que le secteur s’attache à combattre pour redorer son attractivité, elle tend encore (de moins en moins, heureusement) à éloigner les femmes des métiers de la production.

On compte 34 % de femmes et 66 % d’hommes dans les effectifs du Labeur en France.

Les femmes se sont déjà historiquement imposées dans l’imprimerie

« La présence des femmes dans les imprimeries est avérée dès le XVIème siècle » souligne Fernande Nicaise, responsable de l’atelier de typographie du musée de l’imprimerie de Lyon. « Il était toutefois beaucoup plus difficile pour elles de s’imposer en tant que femmes dans les ateliers » précise-t-elle sans surprise, rappelant à ce titre que celles-ci étaient donc d’autant plus méritantes. La cohabitation n’a ainsi pas toujours été sans heurts, au point qu’une grève éclata au XIXème siècle pour s’opposer à leur embauche en ateliers, certains hommes n’appréciant pas que cette main d’œuvre moins bien payée obtienne les faveurs de chefs d’entreprises qui « les trouvaient souvent plus habiles dans les métiers de la typographie ». Si la Justice tranchera en faveur des femmes sur ce conflit, elles ne pouvaient toutefois à l’époque pas travailler de nuit. Et aujourd’hui ? « On compte 34 % de femmes et 66 % d’hommes dans les effectifs du Labeur en France » indique Pierre Barki, Président de Culture Papier et à la tête de Barki Agency. Un ratio inférieur à celui de l’Industrie en général, puisque la parité – même si elle cache encore des assignations à des postes particuliers, en fonction du genre – est quasi-atteinte : les femmes occupent en effet 48 % des postes en Industrie. Quant aux salaires, les femmes sont en moyenne rétribuées à 13 % de moins que les hommes, en raison d’une légère surreprésentation de ces dernières dans les catégories ouvrières.

En fin d’année 2022 a eu lieu la présentation du guide pour favoriser la mixité dans les métiers de l’industrie de l’imprimerie et de la communication graphique. Ce guide a vocation à sensibiliser le grand public et les entreprises sur la mixité au sein du personnel des industries tout en répondant concrètement aux différents préjugés de la branche. L’UNIIC HAUTS-DE-FRANCE, MARNE ET ARDENNES est partenaire et solidaire de cette action, initiée par l’AMIGRAF, le CORIF, le Département du Nord et la Région Hauts-de-France. Pour obtenir le guide, complétez le formulaire suivant.

La peur de s’exprimer encore ancrée

« Il a été très difficile de faire parler de jeunes professionnelles. La peur d’un préjudice dans l’exercice de leur fonction est très net » pose pour premier constat Isabelle Erb-Polouchine, vice-présidente de la CCFI. Un questionnaire sur les comportements sexistes vécus ou constatés en entreprises, avec toutes les conséquences qui peuvent y être liées, a en effet vu la CCFI obtenir 150 réponses : destiné prioritairement aux jeunes entrants (avec 52 % d’hommes ce qui est une indication en soi), lesdites réponses traduisent l’existence persistante de discriminations à l’embauche, de comportements problématiques (remarques déplacées, harcèlement etc.), de critiques plus dures à l’attention des femmes, de surreprésentation féminine dans les bureaux de fabrication ou encore de rémunération négociées à la baisse. « Seuls 10 % des répondants estiment que tous ces problèmes sont derrière nous » synthétise Isabelle Erb-Polouchine, comme pour nous exhorter à ne pas relâcher l’effort et rester vigilant. Si Virginie Hamm-Boulard, directrice de Brodard & Taupin (groupe CPI), témoigne d’une trajectoire professionnelle plutôt sereine où la bienveillance a toujours primé, elle le reconnaît : « J’ai commencé avec un statut cadre et c’est probablement ce qui m’a protégée », elle qui ne compte que « 17 % de femmes » dans son effectif et dont le bagage technique lui aura épargné les jugements suspicieux. De là à dire que tout fut rose… « Dans les années 90, on m’a reproché un management trop… féminin. On a jugé que je manquais de fermeté » ajoute-t-elle, s’agissant ici de stéréotypes de genre qui, bien que sur le reculoir, ont encore aujourd’hui la dent dure.

Les femmes qui ont ‘réussi’ ont dû, plus que les hommes, ‘faire leurs preuves’, imposer leur vision et, davantage que leurs homologues masculins, faire la démonstration qu’elles méritaient d’être là.

Pour une meilleure inclusivité, lutter contre les stéréotypes de genres

Les stéréotypes de genre ont cela de problématique qu’ils prennent souvent les traits de maladresses involontaires, drapés dans des « compliments » qui se veulent bienveillants. Dire des femmes qu’elles sont plus douces et meilleures intermédiaires que les hommes avec les clients, fait à ce titre figure d’exemple particulièrement parlant. De ces comportements anodins – souvent acceptés pour ne pas générer de conflits – découlent des catégorisations dont les écueils sont plus concrets, en cela qu’ils se traduisent en inégalités de traitement mesurables. « La RSE couvre un très large champ de thématiques. L’enjeu 7 du label Print’Ethic a ainsi pour but de faire un bilan chiffré, en se basant sur l’index Egapro » souligne Valérie Bobin-Ciekala (Responsable RSE chez Ambition Graphique, créatrice du label Print’Ethic), soit, entre autres : calculer et publier les écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants, estimer déjà leur simple capacité à y accéder, notamment par le biais de la formation. Une mise à plat nécessaire, alors que les témoignages recueillis par la CCFI font état d’un constat assez clair : les femmes qui ont ‘réussi’ ont dû, plus que les hommes, ‘faire leurs preuves’, imposer leur vision et, davantage que leurs homologues masculins, faire la démonstration qu’elles méritaient d’être là. Lorsque Larisa Chatelet, artiste typographe (imprimerie Laville) fait le récit d’une trajectoire qui l’a vue passer des Beaux-Arts aux ateliers d’impression, sans formation technique et – qui plus est – sans parler couramment le français à ses débuts, l’on se doute que le basculement n’a pas été évident. « J’ai été bien accueillie, mais j’ai dû me faire ma place et il a fallu du temps pour que j’impose ma vision » confirme-t-elle, persuadée que « quand on a un profil artistique, on a des idées, y compris dans les domaines techniques liés à la fabrication ». Une ouverture qui a par ailleurs ses mérites, puisque se tourner vers des profils atypiques permet certainement de donner leur chance à des visions neuves, dénuées d’idées préconçues et bénéficiant d’un recul précieux. C’est en tout cas le constat fait par l’imprimerie Laville, qui décrit l’apport de Larisa Chatelet comme une véritable plus-value d’entreprise.

Voir le résumé de la CCFI

Demander le guide de l’UNIIC Hauts-de France

Oui Pub – La messe n’est pas dite

Plusieurs questions nous parviennent sur le devenir de l’expérimentation Oui Pub, qui doit s’achever le 30 avril 2025, après avoir été mise en place dans 14 localités. Explications.

L’UNIIC participe au Comité de Pilotage ‘Oui Pub’, une implication qui court depuis 2020, aux côtés notamment de la Fédération du Commerce Associé (FCA), la Copacel, les acteurs de la distribution (Mediapost et Milee), les grandes enseignes alimentaires, l’Ademe, l’Inspection Générale de l’Emploi et du Développement Durable (IGEDD), des représentants des localités engagées etc. L’objectif : dresser des constats intermédiaires, quantifier de premiers effets, mettre le doigt sur des points de dissension et, le cas échéant, faire entendre nos réserves.

L’UNIIC est intervenue pour souligner différents points (conséquences socioéconomiques attachées au secteur élargi de l’imprimerie, manquements apparents de l’expérimentation etc.). Pour ce faire, nous avons adressé un questionnaire à des imprimeurs directement positionnés sur ces marchés, pour quantifier au mieux les effets de l’expérimentation sur les profils les plus exposés. Etant entendu que les conséquences en sont étendues en cascade, les marchés de la publicité s’en trouvant reconfigurés au-delà des zones-test, affectant l’activité dans son entier.

A ce stade, plusieurs points majeurs sont à souligner :

–              Le taux d’apposition Oui Pub – très irrégulier selon les localités considérées – souligne combien tout le monde n’a pas joué le jeu d’une communication transparente. Quasi-nul dans certaines zones, proche des 50 % dans d’autres : tel différentiel ne semble pouvoir être expliqué que par le fait que l’existence même d’un Oui Pub n’a pas été portée à la connaissance de tous les usagers, dont une part importante ignore toujours qu’elle se trouve en zone d’expérimentation. De son côté, Mediapost indique renoncer à servir les boites aux lettres, en dessous d’un taux d’apposition de 30 %.

–              L’UNIIC s’investit pour alimenter les pouvoirs publics sur la quantification et la qualification des conséquences économiques et sociales de l’expérimentation. C’est dans ce contexte que nous surveillerons avec attention l’indicateur 2, qui porte sur le volume de la production et la diffusion estimées des IPSA (Imprimés Publicitaires Sans Adresse), des IPA (Imprimés Publicitaires Adressés) et des messages numériques, quel que soit le format. Pour mesurer les impacts en termes de gestion des déchets et donc de paralysie de l’économie circulaire, l’UNIIC sera particulièrement vigilante quant aux évolutions des tonnages de déchets.

–              L’UNIIC pousse pour l’élaboration d’une ACV comparative entre les modes de communication imprimés et numériques, de façon à sortir des arguments présumés sur les bienfaits d’une dématérialisation dont on sous-estime encore les impacts. Car il faut le rappeler : les décisions relatives à l’arrêt d’une distribution d’IPSA ne signifient en rien une suppression de la communication associée, les prospectus étant le plus souvent ‘simplement’ réaffectés à d’autres canaux, dotés de leurs propres impacts. En première ligne pour exiger en son temps, y compris auprès des parlementaires, une mesure scientifique de l’évaluation environnementale comparative des campagnes par voie de distribution d’imprimés et par voie numérique, l’UNIIC s’attachera à tirer toutes les conséquences de l’unité dite fonctionnelle puisque l’étude comparative se placera à l’échelle d’un catalogue. Afin qu’il n’y ait aucun biais, nous nous attacherons à ce que soient prises en compte toutes les pratiques actuelles, tant en matière de publicité digitale qu’en matière de formats papier.

–              Il apparaît que le Stop Pub est plus respectueux de la volonté des usagers : 89 % des usagers ayant apposé un ‘Stop Pub’ sur leur boite aux lettres disent être à l’aise avec l’idée de ne plus recevoir aucun prospectus, au risque de rater une information intéressante. A l’inverse, ce même taux n’est plus que de 34 % dans un système ‘Oui Pub’, une nette majorité d’usagers n’apposant pas de macaron ‘Oui Pub’ admettant en effet qu’elle préfèrerait continuer de recevoir les prospectus les plus susceptibles de les intéresser, selon l’enquête menée par Galileo pour l’Ademe.

Les travaux se poursuivent et l’UNIIC s’engage à faire entendre des arguments qui portent suffisamment pour que l’extension de l’expérimentation Oui Pub à l’ensemble du territoire ne soit pas déjà jouée. Un combat qui n’est bien sûr pas anodin, même s’il apparaît clair que les marchés de l’imprimé publicitaire s’en trouveront sévèrement affectés de toute façon, la démassification desdits marchés étant déjà engagée.

Nous ne manquerons pas de vous informer très prochainement sur notre implication au sein du groupe de travail sur l’ACV, qui va désormais constituer un chantier majeur.

Imprim’Luxe – Dix ans et des idées plein la tête

Dix ans, c’est un cap qu’Imprim’Luxe ne s’est pas privé de célébrer, cette longévité marquant la réussite d’un projet qui n’a toutefois pas fait le tour de sa question. Car Pierre Ballet, recevant pour l’occasion Hubert Védrine et Arnaud Montebourg – qu’on ne présente évidemment plus – décrit l’avenir du label dont il est le Président avec un objectif clair : resserrer plus encore les liens avec les donneurs d’ordre.

C’est à L’Automobile Club de France que le label donnait rendez-vous à ses plus fidèles soutiens, avec des invités de prestige. Malheureusement, se sent-on obligé de préciser, la venue d’Hubert Védrine pour cet anniversaire d’Imprim’Luxe survient dans un contexte de tensions géopolitiques à ce point explosif, que son intervention était d’autant plus attendue. « On me demande ce que l’état du monde induit aujourd’hui pour vos activités. Vous pensez bien qu’en quelques minutes, je resterai très général » souligne-t-il alors, lui qui se décrit comme un « réaliste » qui aura été contraint de l’être, fort de sa carrière de diplomate, ancien ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement Jospin et ancien secrétaire général de la présidence de la République sous François Mitterrand.

Hubert Védrine, ancien Ministre des Affaires étrangères entre 1997 et 2002 (Gouvernement Jospin).

Fracturée, la mondialisation tient bon

« Nous vivons une ère de la mondialisation fracturée. C’est parfois difficile à entendre pour les occidentaux, qui ont tendance à se voir comme étant à l’avant-garde de la civilisation, de la morale et du progrès, mais après l’attaque de Poutine en Ukraine, il y a quarante pays – qui pèsent pour les deux tiers de l’Humanité – qui n’ont pas voulu choisir lors de l’assemblée générale des Nations Unies. Parmi ceux-là, certains n’ont aucune sympathie pour la Russie, mais ils se refusent simplement à être dans le camp occidental de façon automatique » commente Hubert Védrine, ajoutant qu’à la lumière de la guerre au Proche-Orient, « Pour un milliard de musulmans, ce que l’occident perçoit comme étant du terrorisme et de l’antisémitisme, est un acte de résistance ». Une fracture ouverte, donc, mais qui ne remet nullement en cause la réalité d’une mondialisation toujours opérante. « Typiquement, les entreprises du luxe ne souffriront pas forcément de ces fractures et continueront de toucher des cibles avec du pouvoir d’achat, en se rendant désirable à l’international » ajoute-t-il en effet, se refusant à confondre une mondialisation fracturée avec un mouvement hypothétique de démondialisation. « Aux entreprises de ne pas trop s’occidentaliser elles-mêmes », pose-t-il toutefois comme condition, revenant ici un peu à ses racines de conseiller diplomatique. Ainsi devine-t-on ici une première forme de divergence avec Arnaud Montebourg, qui avait été l’un des premiers hommes politiques français à se faire porte-étendard de ladite « démondialisation », non sans y aller de sa propre définition d’un concept qu’il ne nomme toutefois plus de la sorte…

Arnaud Montebourg, ancien Ministre de l’Économie, du Redressement productif et du Numérique.

Le made in France comme acte de résistance

Pourtant, de divergences débattues de haute lutte il n’y aura pas : « Dans un rapport qu’il avait rendu au Président Sarkozy sur l’avenir de la mondialisation, Hubert Védrine réhabilitait la nation comme premier outil collectif d’action économique » précise en effet Arnaud Montebourg, qualifiant à cet égard Hubert Védrine de « visionnaire ». S’appuyant ainsi sur ce combat commun, l’ancien Ministre de l’Économie, du Redressement productif et du Numérique de France, le redit en 2023 avec la même verve qu’alors : la construction européenne a selon lui été le théâtre d’une « soumission » autorisant pêle-mêle « le dumping et la concurrence déloyale » et ayant pour conséquence des « destructions économiques », faute d’un cadre protecteur suffisant. Dénonçant les logiques moins-disantes qu’engagent trop souvent les mises en concurrences mondialisées, Arnaud Montebourg voit en l’existence du made in France une forme de résistance nécessaire : non, il ne s’agira pas de s’aligner. « La mondialisation n’était pas un fait contre lequel on ne pouvait rien. C’était un fait politique concerté, décidé, organisé » embraye-t-il, refusant de voir en la désindustrialisation qui s’en est suivie, une fatalité. « Le made in France, c’est la possibilité pour une nation de mettre tous les jours, le pain et le couvert. C’est une vision purement mercantiliste : je dois assurer le pain quotidien de mes concitoyens. Moi ça ne m’intéresse pas de développer la Chine » s’emporte-t-il déjà, appelant de fait chaque nation à se donner les moyens politiques de sa propre survivance économique. « Nous avons le pire déficit extérieur de l’Union Européenne » se désole-t-il ensuite, faisant en creux le constat d’un redressement manqué et d’un endettement progressif. A sa modeste échelle, sur un secteur – celui du luxe – qui bénéficie d’évidents atouts intrinsèques pour s’exporter à bon prix, Imprim’Luxe mène sa part du combat : porter haut l’image de l’industrie française, au profit (car ce n’est pas un gros mot) des entreprises qui adhèrent au label. Pas de triomphalisme pour autant, Pierre Ballet définissant parfaitement les enjeux : « Nous constatons qu’en 2022, certaines grandes maisons – comme Hermès ou Chanel – ont décidé de relocaliser en France la fabrication de nombre de leurs packagings, pour des raisons de stratégie RSE sûrement, mais aussi pour accompagner et soutenir notre industrie ». Evoquant l’action d’Imprim’Luxe davantage à ce jour comme un liant précieux qui aura permis des « fertilisations croisées entre les labellisés » que comme un moteur de relocalisation directe, il ne veut pas s’en tenir là. « Je pense qu’il nous faudra travailler auprès de structures qui ont des contacts avec les donneurs d’ordre que nous n’avons pas à l’heure actuelle, pour aller plus loin et devenir plus encore, un indicateur d’excellence pour les maisons du luxe » formule-t-il comme vœu, évoquant pour ce faire un management repensé, une équipe rajeunie et des objectifs redéfinis. De toute évidence, s’il y avait déjà une brèche il y a dix ans, elle s’est accentuée dans une ère Post-Covid qui a ravivé des manques productifs malheureux, en sus d’un travail de reconsidération des circuits courts, à des fins (notamment) de lutte pour le climat. De telle sorte qu’au moment de souffler sa dixième bougie, Imprim’Luxe fait état d’une vision claire et ambitieuse de son avenir : il faut se signaler face aux donneurs d’ordre comme les porteurs d’une solution vertueuse de relocalisation, avec le prestige intact du made in France. De quoi, c’est certain, s’assurer encore de beaux anniversaires.

Retrouvez les photos de la soirée

Pierre Ballet, Président d’Imprim’Luxe.

Attractivité & consolidation industrielle – Les grands chantiers du secteur graphique

Cet article est paru dans Acteurs de la Filière Graphique n°143 (septembre 2023)


A l’occasion d’une journée organisée par l’UNIIC le 6 juillet dernier dans les locaux de Grafipolis à Nantes, l’heure était à repenser les axes stratégiques par lesquels une reconsolidation industrielle du tissu graphique peut s’envisager, tant à l’échelle collective & régionale (celles des Pays de la Loire), qu’à celle des entreprises elles-mêmes…

Bien sûr, rien d’innocent à ce que soit une école – à savoir Grafipolis – qui accueille l’évènement, tant la double thématique attractivité/formation concerne de près le devenir de nos métiers, en proie à des difficultés de recrutement d’autant plus sensibles que le temps presse : avec une pyramide des âges dans les Industries Graphiques qui suggère un renouvellement urgent du personnel, tant au sein des instances dirigeantes qu’au sein des équipes de production, il importe de renouer des liens rapidement avec les jeunes générations.

« Les jeunes ne connaissent pas assez les métiers de l’impression. » John Podlesnik (Grafipolis)

Attractivité : la nécessité d’efforts conjoints

« Notre travail, c’est d’amener ces jeunes à vous dans les meilleures conditions. Nous sommes une porte d’entrée » rappelle John Podlesnik, Directeur de Grafipolis, à la quarantaine d’imprimeurs ayant fait le déplacement. Une mission que l’école s’attache à assurer de son mieux, même si Daniel Legrier (Responsable du développement commercial) ne tarde pas à reconnaître que la complexité de la tâche nécessite des efforts conjoints, à la fois bien sûr des centres de formation, mais aussi des entreprises et organismes représentatifs : « Nous aurons du mal à remplir nos groupes sans votre aide. Sur l’année écoulée, nous avons couvert 19 salons sur la région Grand Ouest. On capte des apprentis, mais nous avons besoin de votre aide pour faire mieux », développe-t-il. La faute à nombre de phénomènes cumulés qui ternissent l’image du secteur ou l’invisibilise, tandis que les métiers du numérique jouissent d’une omniprésence presque obsessionnelle : plus encore avec l’émergence de l’IA, ce sont les « licornes digitales » qui bénéficient en effet d’un appui quasi-inconditionnel des pouvoirs publics, renvoyant ainsi le print à ses perspectives de déclin, sinon totalement fantasmées (soyons de bonne foi), à tout le moins très surévaluées et teintées d’un fatalisme qu’il faut absolument combattre. « Les jeunes ne connaissent pas assez les métiers de l’impression » se désole John Podlesnik, sans manquer de souligner que « lorsque l’on va contre les idées préconçues et que nous leur montrons qui nous sommes, il y a un intérêt ! Je ne suis absolument pas d’accord avec l’idée que les jeunes ne veulent pas bosser et seraient démotivés » insiste-t-il. Un positivisme assumé, qui ne nous laisse toutefois qu’une marge de manœuvre restreinte : à défaut de rayonner suffisamment par eux-mêmes, les métiers graphiques ont en effet besoin – plus que jamais – d’être portés par les entreprises et par le collectif. « Ouvrez-leur vos portes ! J’entends par là au sens premier : les portes ouvertes en entreprise, c’est une manière d’aller chercher ces jeunes, d’être ambassadeur de son métier » s’enthousiasme le Directeur de Grafipolis, conscient toutefois que ce n’est pas forcément la volonté qui manque à des industriels qui les premiers, regrettent de ne pas attirer assez. Or, l’heure n’est plus à chercher des fautifs, mais bien à unir nos forces.

« Il faut mailler les entreprises entre elles à l’échelle locale. » Hervé Le Chevalier (Médiator organisation)

Des diagnostics individuels pour des enseignements collectifs

Au moyen d’une action collective financée par le fonds territorial, sous l’égide de l’UNIIC, un Diagnostic Stratégique Individuel (DSI) gratuit est accessible à chaque entreprise du secteur qui le souhaiterait, de sorte à porter un regard nouveau sur son activité, sur son positionnement dans un contexte ultra concurrentiel et prendre, en toute connaissance de cause, des décisions stratégiques. Si chaque DSI est unique, en cela qu’il résulte des conclusions relatives à la situation particulière d’une entreprise, en fonction de ses propres problématiques et opportunités, il est un prisme écrasant : « À moins d’un an de la Drupa, nous devons réfléchir à la façon dont nos entreprises doivent se rapprocher : optimisations croisées, croissance externe, outils partagés… Aucune voie n’est à négliger » synthétise Pascal Bovéro, Délégué général de l’UNIIC. Une observation partagée par Hervé Le Chevalier (Médiator organisation), qui intervient au sein des entreprises pour conduire lesdits diagnostics et, souvent, rappeler l’importance de « mailler les entreprises entre elles à l’échelle locale », dans un contexte où l’offre (surcapacitaire sur certains produits) peine parfois à s’aligner avec la demande. « Les Pays de la Loire sont une région qui compte parmi les taux de chômage les plus bas, au point qu’il peut être dit ‘frictionnel’ : dans ces conditions, recruter est encore plus difficile » poursuit-il dans un effort de contextualisation, exhortant les entreprises à se rapprocher au-delà du seul secteur graphique pour considérer le cas des industries connexes, où des synergies pourraient se révéler. « Il faut essayer de le faire à l’échelle locale car on a de plus en plus de mal à bâtir des rapprochements pérennes en cas d’éloignement géographique trop important. Et ce pour une raison simple : les exigences de mobilité sont souvent décourageantes pour la main d’œuvre potentielle »  ajoute-t-il, corroborant les observations de nombre de chefs d’entreprise, qui vivent parfois leur relatif éloignement des grands bassins de population comme une forme d’enclavement. A l’inverse, « certaines zones densément peuplées sont devenues inabordables pour des façonniers » précise-t-il par ailleurs, achevant d’illustrer la complexité d’une dynamique à l’emploi extrêmement dépendante de l’économie locale.

Témoigner & partager

C’est Etienne Chartier (à la tête de Brochage 3000, situé en Mayenne) qui se risquera à l’exercice toujours compliqué du témoignage, vantant les bienfaits d’un DSI qui l’a conduit à y voir plus clair. « Ce que j’ai apprécié avec la venue d’Hervé le Chevalier, c’est qu’il n’est pas là pour nous dire ce qu’on a envie d’entendre. Dire les choses franchement permet de vite déblayer le terrain et en l’occurrence, il faut absolument prendre du recul sur sa situation et sur sa stratégie pour prendre les bonnes décisions » reconnaît-il, lui qui comme tant d’autres dirigeants, se trouve prioritairement focalisé sur les urgences de court terme. « La stratégie n’est pas quelque chose qui s’improvise. C’est exactement l’inverse : elle s’établit à très long terme » prend-il soin de rappeler, sans qu’il faille pour autant tomber dans le piège de mener des réflexions génériques et/ou abstraites, puisqu’il l’assure : « Les diagnostics sont des outils extrêmement personnalisés. Ils sont conduits sur-mesure et c’est aussi ce qui les rend précieux ». Si ces DSI sont évidemment confidentiels, il faut le redire : en tirer des constats globaux et collectifs est primordial, à la fois pour impulser une dynamique solidaire entre des entreprises qui auront besoin les unes des autres, et pour réorienter de manière aussi pertinente que possible la politique industrielle du secteur, à la lumière des opportunités qu’offre chaque région. « Je peux paraître négatif, mais en réalité je pense que les marchés du print ont un véritable avenir. Ce sont les conditions d’exploitation qui, à ce jour, ne sont pas bonnes » conclut Hervé le Chevalier. Sûrement faut-il ainsi redessiner notre offre industrielle pour se rendre plus « attractifs » et révéler aux plus jeunes qu’ils y ont évidemment leur place.

Imprimerie Frazier – un industriel à Paris

C’est à l’occasion d’une formation de plusieurs référents Imprim’Vert qu’une visite était organisée au sein de l’imprimerie Frazier. Au programme : une révision sur site du cahier des charges du label (bonne gestion des déchets dangereux, sécurisation de stockage des liquides dangereux, non-utilisation de certains produits CMR, sensibilisation environnementale des salariés et de la clientèle et suivi des consommations énergétiques du site), de sorte à confronter les prescriptions écrites à la réalité du terrain. L’échange sera toutefois bien plus riche encore, tant l’imprimeur parisien – niché intra-muros dans le 10ème arrondissement – conjugue ses engagements au pluriel…

Didier Martin, Président de l’imprimerie Frazier.

On est plus contrôlés à Paris que n’importe où ailleurs.

Un imprimeur parisien qui tient à le rester

C’est peu dire que l’imprimerie Frazier a une vision large de son métier, qu’elle traduit dans des engagements aussi divers que complémentaires. Qu’il s’agisse de RSE (Print’Ethic, Imprim’Vert, ClimateCalc, Ecovadis, FSC, PEFC), d’exigences qualitatives & techniques (ISO 12 647-2, Imprim’Luxe) ou plus globalement d’un souci de défense des intérêts des Industries Graphiques (via Culture Papier, une adhésion à l’UNIIC ou encore à ImpriClub), l’imprimerie Frazier a un pied partout. Une réminiscence, peut-être, de son ADN hyper-urbain. « Nous sommes ici depuis 127 ans, à la même adresse. C’est notre vocation que d’être ancrés à Paris et nous voulons y rester. Cela suppose de fondre notre identité industrielle au sein d’une copropriété, à proximité des habitants » développe Didier Martin, Président de l’entreprise. On devine alors que cette promiscuité relativement inhabituelle doit s’appuyer sur une exemplarité absolument irréprochable, de sorte à ne pas créer de nuisances et de tensions. L’imprimerie Frazier veut en effet épouser le décor, quand les industriels sont par défaut souvent relégués en périphérie des villes, dans des zones éponymes tenues à l’écart des habitations. Là se joue d’ailleurs probablement une part du déficit d’image dont souffre l’industrie, cantonnée qu’elle est loin des « lieux de vie » pour des raisons évidemment pratiques, parfois sanitaires et sécuritaires, sans que l’on ne se demande toujours toutefois si la chose n’est pas trop systématique. Reste que les clients, eux, sont évidemment plus enjoints à se rendre sur site pour assister à des calages ou des BAT, Paris étant la ville éminemment attractive que l’on sait. « Imprim’Vert ce n’était même pas négociable pour nous. On est plus contrôlés à Paris que n’importe où ailleurs » ajoute-t-il cependant, décrivant un contexte à la fois enviable et difficile. « La ville de Paris veut se débarrasser des entreprises et les livraisons sont parfois compliquées, mais on gère ça très bien » glisse-t-il dans un sourire.

Faire au mieux : une démarche d’amélioration continue

Si l’imprimerie Frazier a déjà entamé un travail exemplaire de transparence et de progrès, son Président est conscient que le chemin est encore long : « On parle de démarches qui en soi nous poussent à expérimenter et à aller plus loin. Les sujets liés à la décarbonation nous ont par exemple amenés vers ClimateCalc et nous nous sommes engagées sur dix ans avec Print’Ethic ». Un parcours qui n’a rien du long fleuve tranquille que fantasment certains, tant la complexité des problématiques approchées contraint parfois à tâtonner. « Il arrive que les formulations d’encres changent en raison de nouvelles obligations légales. On n’est pas toujours prévenus et c’est à la faveur de problèmes en production que l’on s’en aperçoit, au travers de soucis d’imprimabilité notamment » illustre-t-il, ce qui est d’autant plus inconfortable qu’un imprimeur soucieux de maîtriser ses impacts – ainsi que la qualité de son travail – aime évidemment savoir de quoi il retourne. « Dans l’impression numérique, l’encre est devenue un consommable fourni avec la machine. Nous n’avons pas le loisir de les choisir, ce sont des encres propriétaires et il faut pousser les marques à nous en dire plus, si l’on veut savoir ce qu’elles contiennent », alors qu’en impression offset, il reconnait avoir dû faire marche arrière… « On est revenu au développement de plaques avec chimie, parce qu’on s’est aperçu que la qualité n’était pas au rendez-vous en impression offset UV » regrette-t-il notamment, non sans laisser entendre que les choses devraient évoluer dans le bon sens, pour demain imposer des CTP sans chimie et ce sans altérer la qualité d’impression, qui doit évidemment demeurer une priorité non négociable. Et il y a ce qui est encore moins directement à portée, comme le poids de l’énergie dans ses impacts, au gré de l’explosion des coûts que les industriels ont subie l’an dernier. « Le photovoltaïque est interdit à Paris. Il nous est impossible d’avoir notre propre transformateur et les offres d’énergie verte sont rares, sans par ailleurs être une solution suffisante. Il y a beaucoup à faire sur ce point, mais les bonnes volontés sont souvent stoppées par l’augmentation drastique des prix que nous avons connue » se désole-t-il, ne voyant guère d’autres solutions que de « recourir aux groupements d’achat comme ImpriClub pour être plus forts face aux fournisseurs d’énergie », même s’il ne manque pas de souligner que bien des machines récentes s’attachent – avec succès – à réduire leurs consommations électriques.

Les clients impriment moins, mais ils adoptent une autre démarche : ils sont prêts à payer plus cher pour se différencier.

Qualité & créativité : plus que des incantations, de vraies valeurs de résilience

« Sur huit millions d’euros de chiffre d’affaires, six vont à nos activités offset et deux à l’impression numérique. Nous sommes positionnés depuis deux ans sur du numérique grand format et c’est au global quelque chose qui tend à progresser » précise Didier Martin, qui répond à des typologies de clients variés, de l’annonceur traditionnel aux marques de luxe, « avec de fait une attention particulière portée à la colorimétrie ». S’il constate une réduction indéniable des volumes de production – tous procédés confondus – via une baisse objective du nombre d’exemplaires demandés et une diminution continue des paginations associées, les effets n’en sont encore que faibles sur le chiffre d’affaires de l’entreprise. « Les clients impriment moins, mais ils adoptent une autre démarche : ils sont prêts à payer plus cher pour se différencier » explique-t-il, ce qui implique de savoir motiver ces positionnements différenciants, depuis son expertise d’industriel/fabricant. Une capacité d’accompagnement qui se valorise d’autant mieux lorsque l’on se veut être un imprimeur à la recherche constante d’optimisations, de progrès et d’innovations, au regard d’un marché qu’il faut prendre le temps d’analyser. « Il y a une appétence pour les papiers texturés de création ou les façonnages complexes et ce n’est que de cette façon – en misant sur une différenciation par la qualité et la créativité – que l’on peut faire face à des réalités économiques qui sont celles d’une baisse des volumes sur les marchés graphiques » analyse-t-il de façon lucide, alors que dans le même temps, Didier Martin dit observer « une prise en compte grandissante des impacts du numérique » dans les causes identifiées du réchauffement climatique. De sorte qu’un point d’équilibre finira par affleurer. Un point d’équilibre qui porte un réajustement de raison, dont les imprimeurs sont et resteront un modeste maillon.

Un nouveau BTS Industries Graphiques pour 2024 en Île-de-France

Le Lycée des métiers Alfred Costes, situé à Bobigny (93) annonce l’ouverture du BTS ERPC (Etude et Réalisation d’un Projet de Communication) en apprentissage pour septembre 2024. Il assurera ainsi la continuité des formations en apprentissage en Île-de-France, après la fermeture annoncée par Gobelins.

Aurélie Journée, Proviseure du Lycée Alfred Costes, a accueilli sur place les représentants de la branche (UNIIC, partenaires sociaux, Groupe Lourmel, imprimeurs, Presse professionnelle), le Délégué à la Formation Professionnelle, conseiller de la Rectrice de l’Académie de Créteil, pour échanger autour du projet d’établissement qu’elle porte avec l’équipe enseignante : “Le BTS ERPC proposera une continuité d’enseignements pour les 144 jeunes issus des BAC professionnels que nous proposons déjà sur l’établissement (les trois BAC Pro’ de la filière, le BAC Pro’ communication, le BAC Pro’ maintenance d’équipement et le BAC pro’ systèmes numériques). Les entreprises des industries graphiques trouveront ainsi une solution concrète aux difficultés de recrutement. Si à ce jour, le Lycée est essentiellement masculin – 75 % de nos élèves sont des garçons – l’accès aux métiers des industries graphiques pour les filles figure parmi les grands chantiers que nous devons mener”.

“C’est un projet tout à fait stratégique pour la filière” appuie ainsi Richard Navez (Directeur Formation de l’UNIIC). “Nous avons un an de travail devant nous et nous devrons nous inspirer de ce qui a bien fonctionné aux Gobelins, assurer la continuité afin d’avoir toutes les chances de succès pour les jeunes et les entreprises qui seront engagés autour de ce BTS en apprentissage” souligne-t-il.

Les axes de travail en question sont déjà bien identifiés, poursuit la Proviseure Aurélie Journée. Ils feront l’objet d’une collaboration active avec la branche : “Il y a trois points sur lesquels nous devrons concentrer nos efforts. Le premier c’est la formation des enseignants, car s’ils sont parfaitement opérationnels pour des BAC Pro’, il faudra organiser une mise à niveau pour un BTS. Le second c’est l’aspect matériel. Il faudra compléter le parc machines en ateliers afin de disposer d’un plateau technique ouvert vers la formation des adultes. Enfin, il faudra travailler sur la visibilité du BTS, qu’il faudra promouvoir massivement, pour toucher plus de candidats et intéresser les entreprises” [Le BTS prévoit 12 places dès la rentrée, NDLR].

Un ensemble de points qui mobilisera des énergies collectives et solidaires, afin de mener le projet à terme et constituer un “modèle réplicable en territoires” ajoute Guillaume Trias (Président de Lourmel et membre du Bureau exécutif de l’UNIIC).

Evidemment, c’est une affaire à suivre, pour de plus amples développements dans nos colonnes…