Oui Pub – La messe n’est pas dite

Plusieurs questions nous parviennent sur le devenir de l’expérimentation Oui Pub, qui doit s’achever le 30 avril 2025, après avoir été mise en place dans 14 localités. Explications.

L’UNIIC participe au Comité de Pilotage ‘Oui Pub’, une implication qui court depuis 2020, aux côtés notamment de la Fédération du Commerce Associé (FCA), la Copacel, les acteurs de la distribution (Mediapost et Milee), les grandes enseignes alimentaires, l’Ademe, l’Inspection Générale de l’Emploi et du Développement Durable (IGEDD), des représentants des localités engagées etc. L’objectif : dresser des constats intermédiaires, quantifier de premiers effets, mettre le doigt sur des points de dissension et, le cas échéant, faire entendre nos réserves.

L’UNIIC est intervenue pour souligner différents points (conséquences socioéconomiques attachées au secteur élargi de l’imprimerie, manquements apparents de l’expérimentation etc.). Pour ce faire, nous avons adressé un questionnaire à des imprimeurs directement positionnés sur ces marchés, pour quantifier au mieux les effets de l’expérimentation sur les profils les plus exposés. Etant entendu que les conséquences en sont étendues en cascade, les marchés de la publicité s’en trouvant reconfigurés au-delà des zones-test, affectant l’activité dans son entier.

A ce stade, plusieurs points majeurs sont à souligner :

–              Le taux d’apposition Oui Pub – très irrégulier selon les localités considérées – souligne combien tout le monde n’a pas joué le jeu d’une communication transparente. Quasi-nul dans certaines zones, proche des 50 % dans d’autres : tel différentiel ne semble pouvoir être expliqué que par le fait que l’existence même d’un Oui Pub n’a pas été portée à la connaissance de tous les usagers, dont une part importante ignore toujours qu’elle se trouve en zone d’expérimentation. De son côté, Mediapost indique renoncer à servir les boites aux lettres, en dessous d’un taux d’apposition de 30 %.

–              L’UNIIC s’investit pour alimenter les pouvoirs publics sur la quantification et la qualification des conséquences économiques et sociales de l’expérimentation. C’est dans ce contexte que nous surveillerons avec attention l’indicateur 2, qui porte sur le volume de la production et la diffusion estimées des IPSA (Imprimés Publicitaires Sans Adresse), des IPA (Imprimés Publicitaires Adressés) et des messages numériques, quel que soit le format. Pour mesurer les impacts en termes de gestion des déchets et donc de paralysie de l’économie circulaire, l’UNIIC sera particulièrement vigilante quant aux évolutions des tonnages de déchets.

–              L’UNIIC pousse pour l’élaboration d’une ACV comparative entre les modes de communication imprimés et numériques, de façon à sortir des arguments présumés sur les bienfaits d’une dématérialisation dont on sous-estime encore les impacts. Car il faut le rappeler : les décisions relatives à l’arrêt d’une distribution d’IPSA ne signifient en rien une suppression de la communication associée, les prospectus étant le plus souvent ‘simplement’ réaffectés à d’autres canaux, dotés de leurs propres impacts. En première ligne pour exiger en son temps, y compris auprès des parlementaires, une mesure scientifique de l’évaluation environnementale comparative des campagnes par voie de distribution d’imprimés et par voie numérique, l’UNIIC s’attachera à tirer toutes les conséquences de l’unité dite fonctionnelle puisque l’étude comparative se placera à l’échelle d’un catalogue. Afin qu’il n’y ait aucun biais, nous nous attacherons à ce que soient prises en compte toutes les pratiques actuelles, tant en matière de publicité digitale qu’en matière de formats papier.

–              Il apparaît que le Stop Pub est plus respectueux de la volonté des usagers : 89 % des usagers ayant apposé un ‘Stop Pub’ sur leur boite aux lettres disent être à l’aise avec l’idée de ne plus recevoir aucun prospectus, au risque de rater une information intéressante. A l’inverse, ce même taux n’est plus que de 34 % dans un système ‘Oui Pub’, une nette majorité d’usagers n’apposant pas de macaron ‘Oui Pub’ admettant en effet qu’elle préfèrerait continuer de recevoir les prospectus les plus susceptibles de les intéresser, selon l’enquête menée par Galileo pour l’Ademe.

Les travaux se poursuivent et l’UNIIC s’engage à faire entendre des arguments qui portent suffisamment pour que l’extension de l’expérimentation Oui Pub à l’ensemble du territoire ne soit pas déjà jouée. Un combat qui n’est bien sûr pas anodin, même s’il apparaît clair que les marchés de l’imprimé publicitaire s’en trouveront sévèrement affectés de toute façon, la démassification desdits marchés étant déjà engagée.

Nous ne manquerons pas de vous informer très prochainement sur notre implication au sein du groupe de travail sur l’ACV, qui va désormais constituer un chantier majeur.

KVC Print – “Ce qui compte, de plus en plus, c’est le service”

Acteur important de l’impression grand format, notamment pour les marchés de l’affichage, KVC Print fait le point sur ses perspectives post-Covid, sur sa vision des marchés de la communication visuelle et sur le sens qu’il souhaite donner à sa mission d’industriel, de plus en plus attaché à dépasser sa stricte condition de prestataire/fabricant pour s’imposer comme le « compagnon de route » de ses clients.

En 2020, IOC Print – spécialiste français de l’impression grand format – alors en proie à des difficultés sévères dans le sillage des confinements sanitaires qui ont vu l’arrêt brutal de l’essentiel des marchés de la communication affectés à l’affichage extérieur, passait sous pavillon belge, racheté par le Groupe Koramic. Un groupe dont les activités dans l’affichage, la PLV, le textile ou la signalétique, se déploient dans une quinzaine de pays (3600 salariés pour 620 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022). Naissaient ainsi Koramic Visual Communication (KVC) Print et Retail, employant 84 salariés répartis sur deux sites de production : à Vitry-sur-Seine (94) et à Saint-Priest (69), avec une part de sous-traitance à Braine l’Alleud, en Belgique, chez Hecht Printing Solutions. Après trois ans d’un rachat qui a forcément occasionné des réflexions et amené des repositionnements stratégiques, nous avons été reçus sur le site de Vitry-sur-Seine par Stéphane Leclipteur (CEO Hecht, Creaset, KVC Print et Retail), Christian Borel (Directeur général de KVC Print) et Jérôme Jallu (Directeur général adjoint). De quoi se persuader – avec un recul désormais suffisant – que KVC Print a digéré la vague Covid et porte une vision à même d’inscrire l’entreprise dans le futur.

“La reprise par Koramic a été l’occasion de retrouver de la rentabilité, en s’appuyant sur des bases plus saines.”

Une consolidation post-Covid actée

« En chiffre d’affaires consolidé sur KVC Print et Retail, nous atteignons pour 2023 les 19 millions d’euros. C’est peu ou prou le chiffre d’affaire qu’avait IOC avant le rachat, en 2019, mais avec des clients et des prix qui étaient toxiques. La reprise par Koramic a été l’occasion de retrouver de la rentabilité, en s’appuyant sur des bases plus saines » éclaire Stéphane Leclipteur, qui ne veut pas voir en ce CA retrouvé un simple effet de rattrapage. « Nous nous sommes recentrés sur notre métier de base qui est l’affiche : c’est 80 % de notre chiffre d’affaires. Nous avons aussi fourni un vrai travail d’analyse de nos marges. Maintenant que nous avons retrouvé de la rentabilité, nous pouvons développer des produits un peu connexes » ajoute Christian Borel. En marge de l’affichage (intérieur et extérieur), cœur battant de l’entité KVC en France, les sites de Vitry-sur-Seine et Saint-Priest servent en effet également les marchés de la signalétique (bâches, vitrophanies, banderoles, adhésifs etc.), de la décoration/rénovation, du covering ou encore de la PLV. L’épisode Covid-19, bien que surmonté, pèse toutefois encore lourd dans les mémoires, tant il est venu entraver une reprise survenue dans un contexte très défavorable… « Non seulement il n’y avait plus personne dans les rues, avec des conséquences qui commençaient à s’étaler sur le long terme, mais comme le groupe venait d’être repris, nous n’étions même pas éligibles aux aides et aux différents dispositifs comme le PGE. Heureusement, l’actionnaire a joué son rôle et nous a permis de traverser cette période difficile » se remémore Christian Borel.

“On fera probablement une excellente année 2024, mais je ne suis pas sûr qu’on retrouvera ces annonceurs en 2025.”

Après les JO, la claque environnementale ?

Mais en l’occurrence, les inquiétudes d’hier ne sont pas forcément celles de demain. « Pendant la crise sanitaire, l’affichage a beaucoup souffert mais le carton – et notamment la PLV – a très bien résisté, parce que beaucoup de magasins restaient ouverts. Aujourd’hui c’est un peu l’inverse : l’affichage est très vite reparti, tandis qu’une méfiance s’est installée sur les autres marchés, notamment en raison du contexte économique et géopolitique » estime Stéphane Leclipteur. « Nous avons des perspectives très positives sur l’affichage, à minima jusqu’aux Jeux Olympiques » renchérit Christian Borel, avec les avantages et les inconvénients que portent ces contextes très exceptionnels. « On fera probablement une excellente année 2024, mais je ne suis pas sûr qu’on retrouvera ces annonceurs en 2025 » nuance-t-il en effet dans la foulée. « Il ne faut pas se laisser griser, d’autant qu’il va falloir intégrer les conséquences de tous les RLP [Règlements Locaux de Publicité, NDLR] actuellement en négociation, tout de suite après les JO » ajoute-t-il, dans un contexte où la pression écologiste se matérialisera dans des localités autres que celles qui se sont déjà illustrées par des restrictions concrètes : à Grenoble ou à Bordeaux, notamment. « Je me suis engagé auprès de l’APA [Association des Professionnels de l’Affiche, NDLR] justement pour porter le message des progrès que nous avions faits et des démarches vertueuses en cours. Avec l’avènement notamment de l’impression numérique et même les avancées accomplies en impression offset ou en sérigraphie aujourd’hui, on ne peut pas nous enlever d’avoir su évoluer et il faut le faire savoir. L’affichage pèse tellement peu dans l’ensemble des émissions de GES, qu’on est légitimes à défendre ce que l’on est » insiste Christian Borel. Ce n’est là toutefois qu’une part (minoritaire ?) de la problématique, puisque même régie par des pratiques aussi écoresponsables que possible, c’est la publicité en soi qui est honnie par une frange grandissante de la population, dans l’espace public. De sorte que montrer patte verte ne suffira pas, sinon pour discréditer des dispositifs publicitaires alternatifs – digitaux, notamment – probablement tout aussi (sinon plus) énergivores. « On ne maîtrise pas tout, mais on a pris le virage autant que possible : tous nos sites sont certifiés. Parfois, pour aller plus loin, ce sont les sources qui manquent : il est par exemple très difficile de trouver certaines matières recyclées. Sur certaines sortes en offset, on ne dépend que de Burgo par exemple » regrette Stéphane Leclipteur.

“L’impression numérique a vraiment franchi un palier qualitatif : des clients comme Hermès, Dior ou L’Oréal n’hésitent plus à y aller aujourd’hui sur des corners en magasins, parce qu’ils en tirent un avantage. Cela leur permet de changer de visuel tous les deux jours s’ils le souhaitent, avec un niveau de qualité tout à fait suffisant.”

Une hybridité offset/numérique au service de la demande

Réunissant une ancienne serrurerie et un ancien garage automobile, le site KVC Print de Vitry-sur-Seine présente des caractéristiques atypiques. « On est sur la rampe d’accès d’un garage auto’ des années 60 » s’amuse en effet de noter Jérôme Jallu, alors que commence la visite commentée des locaux. Là où passaient donc jadis des 4L et autres 2CV, se font désormais suite dans d’incessants ballets des transpalettes électriques, se frayant ainsi un chemin jusqu’aux différents ateliers, dans un dédale d’accès biscornus. Equipée de trois presses offset (Koenig & Bauer 162 cinq couleurs 120×160 ; Koenig & Bauer 185 cinq couleurs – 130×185 ; Manroland 900 XXL cinq couleurs – 130×185) et d’une presse numérique (Aleph Laforte 160×360 cm + système de découpe Fotoba), l’entreprise vitryote s’est appropriée l’argumentaire d’une communication capable d’intégrer du contenu variable, sans sacrifier la qualité d’impression. Un positionnement que KVC Print assoit d’autant plus que le site de Saint-Priest est quant à lui 100 % numérique (une imprimante Aleph Laforte ainsi que deux HP Latex).  « Les clients ont vite vu les avantages de l’hybridité des procédés : faire des affiches différentes en numérique en fonction de leur localisation, en déployant du marketing ciblé. Ce qui ne les empêche pas de continuer à faire 10 000 mètres² en offset sur un réseau national comme Airbnb par exemple » témoigne Jérôme Jallu, confirmant là que les deux stratégies pouvaient parfaitement cohabiter. Mieux encore : comme elles se complètent, les donneurs d’ordre ont tendance à solliciter des fabricants capables de jouer sur les deux tableaux. « Le numérique a vraiment franchi un palier qualitatif : des clients comme Hermès, Dior ou L’Oréal n’hésitent plus à y aller aujourd’hui sur des corners en magasins, parce qu’ils en tirent un avantage. Cela leur permet de changer de visuel tous les deux jours s’ils le souhaitent, avec un niveau de qualité tout à fait suffisant ». Pour autant, Jérôme Jallu nous l’assure, KVC ne mise pas tant sur ses atouts techniques que sur la flexibilité d’une offre où les machines sont des moyens, et non une fin. « Je n’imprime ni mieux ni moins bien que les autres et je ne serai jamais le moins cher. Mais ce qui compte, de plus en plus, c’est le service : s’il faut bousculer nos plannings pour honorer une demande tombée en dernière minute, on le fait » ne tarde-t-il pas à confirmer. « On s’astreint à un niveau haut de satisfaction client. Au début, on me disait que nous étions fous de tirer encore des BAT en numérique. Mais je pense que quand le client repart et qu’il a vu qu’on s’attachait à mettre ses affiches littéralement à l’épreuve, en extérieur, dans des conditions d’éclairage naturelles, au sein d’un abribus si nécessaire, on a gagné. Parce qu’on sait que ce sont des campagnes qui reviendront. »

“Il faut connaître ses clients, il faut visiter ses clients, il faut débattre avec eux… En vérité, chacun est au service de l’autre.”

Jérôme Jallu, Directeur général adjoint.

Quand l’imprimeur ne fait pas qu’imprimer

Une volonté d’embrasser les problématiques du client qui excède le seul paramètre technique pour s’intéresser plus globalement sa communication. « Il peut arriver que l’actualité sociale ou politique ne permette plus de conserver un slogan par exemple. Dans ces cas-là, on est attentifs et prêts à modifier les fichiers en prépresse si nécessaire. Aujourd’hui, on ne peut plus se contenter de vendre de l’encre sur du papier, il faut davantage s’imposer comme un compagnon de route » illustre-t-il, évoquant notamment des adaptations organisationnelles qui permettent à KVC de vendre, non pas tant du tour machine, mais une réactivité optimale, du conseil et du temps d’écoute. Une autre façon de dire que la valeur ajoutée d’un industriel imprimeur s’est petit à petit déplacée sur le terrain du service au sens large, en amont et en aval de l’impression. « Il faut bien se figurer que l’on parle à des gens qui, pour une campagne, sont parfois allés à l’autre bout de la Terre pour prendre trois photos. Ils ont une histoire à raconter derrière ces choix et c’est tant mieux. C’est ce qui fait de notre métier quelque chose d’humain. Sinon, nous nous contenterions de tout automatiser : une commande arrive, elle est traitée puis expédiée. Mais est-ce qu’en se contentant de ça, on comprend vraiment le sens de ce que l’on fait ? » insiste-t-il. D’où la présence sur le site de Vitry d’un Bureau d’étude – KVC Retail – capable de s’appuyer sur des briefs clients pour accompagner ces derniers sur des recherches au long cours : développer des présentoirs innovants, valoriser et hiérarchiser de façon optimale les produits d’une marque, rénover les formats imprimés etc. Là encore, KVC s’inscrit comme un partenaire capable de conseiller en profondeur – à la lumière de ses compétences industrielles – des clients en demande d’éclairages. « Nous sommes pour eux des intégrateurs de solutions » résume Jérôme Jallu, chose qui s’avère de plus en plus sensible à mesure que la relation avec le client est établie de longue date. « Il faut connaître ses clients, il faut visiter ses clients, il faut débattre avec eux… En vérité, chacun est au service de l’autre » conclue-t-il, persuadé que là se noue l’avenir d’une entreprise : dans sa capacité à entendre, avant de répondre. Une focalisation sur la demande qui induit de nécessaires réajustements, au regard de ce que réclame l’époque. Si l’entreprise assure qu’elle n’investira toutefois pas les terrains les plus éloignés de ses compétences pour reconfigurer son offre – quitte à renvoyer certains clients chez des prestataires mieux armés, là encore dans une optique de conseil – elle s’emploie à comprendre des besoins changeants, pour être toujours force de proposition. Finalement, quelle meilleure façon d’entrevoir l’avenir que de tâcher d’en écrire modestement sa part ?