Imprim’Luxe – Dix ans et des idées plein la tête
Dix ans, c’est un cap qu’Imprim’Luxe ne s’est pas privé de célébrer, cette longévité marquant la réussite d’un projet qui n’a toutefois pas fait le tour de sa question. Car Pierre Ballet, recevant pour l’occasion Hubert Védrine et Arnaud Montebourg – qu’on ne présente évidemment plus – décrit l’avenir du label dont il est le Président avec un objectif clair : resserrer plus encore les liens avec les donneurs d’ordre.
C’est à L’Automobile Club de France que le label donnait rendez-vous à ses plus fidèles soutiens, avec des invités de prestige. Malheureusement, se sent-on obligé de préciser, la venue d’Hubert Védrine pour cet anniversaire d’Imprim’Luxe survient dans un contexte de tensions géopolitiques à ce point explosif, que son intervention était d’autant plus attendue. « On me demande ce que l’état du monde induit aujourd’hui pour vos activités. Vous pensez bien qu’en quelques minutes, je resterai très général » souligne-t-il alors, lui qui se décrit comme un « réaliste » qui aura été contraint de l’être, fort de sa carrière de diplomate, ancien ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement Jospin et ancien secrétaire général de la présidence de la République sous François Mitterrand.
Fracturée, la mondialisation tient bon
« Nous vivons une ère de la mondialisation fracturée. C’est parfois difficile à entendre pour les occidentaux, qui ont tendance à se voir comme étant à l’avant-garde de la civilisation, de la morale et du progrès, mais après l’attaque de Poutine en Ukraine, il y a quarante pays – qui pèsent pour les deux tiers de l’Humanité – qui n’ont pas voulu choisir lors de l’assemblée générale des Nations Unies. Parmi ceux-là, certains n’ont aucune sympathie pour la Russie, mais ils se refusent simplement à être dans le camp occidental de façon automatique » commente Hubert Védrine, ajoutant qu’à la lumière de la guerre au Proche-Orient, « Pour un milliard de musulmans, ce que l’occident perçoit comme étant du terrorisme et de l’antisémitisme, est un acte de résistance ». Une fracture ouverte, donc, mais qui ne remet nullement en cause la réalité d’une mondialisation toujours opérante. « Typiquement, les entreprises du luxe ne souffriront pas forcément de ces fractures et continueront de toucher des cibles avec du pouvoir d’achat, en se rendant désirable à l’international » ajoute-t-il en effet, se refusant à confondre une mondialisation fracturée avec un mouvement hypothétique de démondialisation. « Aux entreprises de ne pas trop s’occidentaliser elles-mêmes », pose-t-il toutefois comme condition, revenant ici un peu à ses racines de conseiller diplomatique. Ainsi devine-t-on ici une première forme de divergence avec Arnaud Montebourg, qui avait été l’un des premiers hommes politiques français à se faire porte-étendard de ladite « démondialisation », non sans y aller de sa propre définition d’un concept qu’il ne nomme toutefois plus de la sorte…
Le made in France comme acte de résistance
Pourtant, de divergences débattues de haute lutte il n’y aura pas : « Dans un rapport qu’il avait rendu au Président Sarkozy sur l’avenir de la mondialisation, Hubert Védrine réhabilitait la nation comme premier outil collectif d’action économique » précise en effet Arnaud Montebourg, qualifiant à cet égard Hubert Védrine de « visionnaire ». S’appuyant ainsi sur ce combat commun, l’ancien Ministre de l’Économie, du Redressement productif et du Numérique de France, le redit en 2023 avec la même verve qu’alors : la construction européenne a selon lui été le théâtre d’une « soumission » autorisant pêle-mêle « le dumping et la concurrence déloyale » et ayant pour conséquence des « destructions économiques », faute d’un cadre protecteur suffisant. Dénonçant les logiques moins-disantes qu’engagent trop souvent les mises en concurrences mondialisées, Arnaud Montebourg voit en l’existence du made in France une forme de résistance nécessaire : non, il ne s’agira pas de s’aligner. « La mondialisation n’était pas un fait contre lequel on ne pouvait rien. C’était un fait politique concerté, décidé, organisé » embraye-t-il, refusant de voir en la désindustrialisation qui s’en est suivie, une fatalité. « Le made in France, c’est la possibilité pour une nation de mettre tous les jours, le pain et le couvert. C’est une vision purement mercantiliste : je dois assurer le pain quotidien de mes concitoyens. Moi ça ne m’intéresse pas de développer la Chine » s’emporte-t-il déjà, appelant de fait chaque nation à se donner les moyens politiques de sa propre survivance économique. « Nous avons le pire déficit extérieur de l’Union Européenne » se désole-t-il ensuite, faisant en creux le constat d’un redressement manqué et d’un endettement progressif. A sa modeste échelle, sur un secteur – celui du luxe – qui bénéficie d’évidents atouts intrinsèques pour s’exporter à bon prix, Imprim’Luxe mène sa part du combat : porter haut l’image de l’industrie française, au profit (car ce n’est pas un gros mot) des entreprises qui adhèrent au label. Pas de triomphalisme pour autant, Pierre Ballet définissant parfaitement les enjeux : « Nous constatons qu’en 2022, certaines grandes maisons – comme Hermès ou Chanel – ont décidé de relocaliser en France la fabrication de nombre de leurs packagings, pour des raisons de stratégie RSE sûrement, mais aussi pour accompagner et soutenir notre industrie ». Evoquant l’action d’Imprim’Luxe davantage à ce jour comme un liant précieux qui aura permis des « fertilisations croisées entre les labellisés » que comme un moteur de relocalisation directe, il ne veut pas s’en tenir là. « Je pense qu’il nous faudra travailler auprès de structures qui ont des contacts avec les donneurs d’ordre que nous n’avons pas à l’heure actuelle, pour aller plus loin et devenir plus encore, un indicateur d’excellence pour les maisons du luxe » formule-t-il comme vœu, évoquant pour ce faire un management repensé, une équipe rajeunie et des objectifs redéfinis. De toute évidence, s’il y avait déjà une brèche il y a dix ans, elle s’est accentuée dans une ère Post-Covid qui a ravivé des manques productifs malheureux, en sus d’un travail de reconsidération des circuits courts, à des fins (notamment) de lutte pour le climat. De telle sorte qu’au moment de souffler sa dixième bougie, Imprim’Luxe fait état d’une vision claire et ambitieuse de son avenir : il faut se signaler face aux donneurs d’ordre comme les porteurs d’une solution vertueuse de relocalisation, avec le prestige intact du made in France. De quoi, c’est certain, s’assurer encore de beaux anniversaires.