Le Président d’Intergraf fait le point sur le futur de l’imprimé publicitaire sans adresse en Europe

Cees Verwij, Président d’Intergraf, l’association des fédérations européennes  de l’imprimerie avec laquelle l’Uniic travaille et coopère activement en tant qu’adhérent, aurait dû développer le sujet lors de son intervention prévue au Congrès de la filière graphique organisé par l’Uniic. Il a eu la gentillesse de nous en confier un condensé afin que nous puissions le partager avec nos lecteurs.

La rapide digitalisation de nos sociétés et la volonté de promouvoir la prévention des déchets influencent l’utilisation des imprimés publicitaires sans adresse et poussent certains gouvernements à envisager des mesures pour limiter ce support publicitaire.

En effet, nous constatons depuis quelques années que les systèmes d’opt-out, ou ‘STOP PUB’, mis en place dans la plupart des pays européens sont menacés.

Outre la France, la Belgique a envisagé à un moment adopter un système d’opt-in, ou ‘OUI PUB’, pour remplacer le ‘STOP PUB’. Le secteur a réagi et a réussi à convaincre les trois régions du pays de ne pas renverser le système. Les acteurs du secteur se sont engagés à améliorer le système actuel avec notamment un meilleur respect de l’autocollant ‘STOP PUB’ de la part des distributeurs ainsi que la prise en charge de l’impression et mise à disposition des autocollants ‘STOP PUB’.

En Allemagne, une pétition à l’initiative d’une ONG environnementale a rassemblé plus de 15,000 signataires et a été présentée fin 2019 au parlement allemand demandant aussi d’inverser le système ‘STOP PUB’. Cette première pétition n’ayant pas mené à une action des instances fédérales allemandes, une nouvelle pétition a récemment été initiée sur internet et rassemble déjà plus de 82,000 signataires.

Le pays qui est confronté à la pression la plus forte en ce moment sont les Pays-Bas. C’est là que le futur de l’imprimé publicitaire sans adresse en Europe risque de se jouer. La ville d’Amsterdam a décidé en 2016 de remplacer le ‘STOP PUB’ par un ‘OUI PUB’ pour réduire les déchets papier. La fédération néerlandaise des imprimeurs, la KVGO, a rapidement réagit et introduit une action en justice à l’encontre de la ville d’Amsterdam. La procédure est toujours en cours et nous attendons maintenant que la cour de cassation se prononce et formule une demande de question préjudicielle auprès de la Cour de Justice de l’Union Européenne sur l’interprétation du droit européen en la matière. La décision de la cour de cassation est attendue pour janvier 2021. Entre temps, d’autres villes néerlandaises ont suivi l’exemple d’Amsterdam et proposent la mise en place d’un système similaire. La KVGO est aussi en procédure judiciaire avec ces villes.

Le Danemark est aussi un pays où la menace sur les imprimés publicitaires sans adresse est très présente. Deux partis politiques souhaitent instaurer un système ‘OUI PUB’ à l’échelle nationale depuis plusieurs années. Déjà en 2012 et 2016, un parlementaire danois qui siège au Parlement Européen a demandé à la Commission Européenne si un tel système serait compatible avec la règlementation européenne. Début 2020, un autre parlementaire danois a demandé comment formuler la loi nationale pour être conforme aux Traités.

La compatibilité d’un système ‘OUI PUB’ avec la règlementation européenne est un point clé. In fine, seule la Cour de Justice de l’Union Européenne est à même d’interpréter la règlementation européenne et le cas d’Amsterdam apportera peut-être un éclaircissement au niveau juridique. En attendant, la Commission européenne a apporté à Intergraf un certain nombre d’éléments qui nous confortent dans l’idée que le système ‘OUI PUB’ serait une mesure légalement disproportionnée. Selon la Commission Européenne, pour que le système soit compatible avec le droit européen, il faudrait que la règlementation nationale ait un objectif autre que la protection des intérêts économiques des consommateurs. L’objectif pourrait être la protection de l’environnement. Même dans ce cas, la législation nationale devrait être non discriminatoire, justifiée d’une raison impérieuse d’intérêt général et être proportionnée.

Nous ne devons pas forcement nous limiter au débat juridique sur le sujet. Au contraire, notre industrie a les moyens de défendre l’imprimé publicitaire sans adresse et d’avancer des arguments plus encrés dans les réalités d’aujourd’hui :

L’imprimé publicitaire permet aux consommateurs de comparer et d’accéder aux offres promotionnelles, notamment les consommateurs les plus vulnérables qui n’ont pas accès aux informations et aux promotions en ligne. L’imprimé est aussi généralement perçu comme moins intrusif que la publicité sur internet, car exempt d’utilisation des données personnelles et donc de tout outil d’identification, de traçage ou de profilage.

Alors que les entreprises doivent gérer l’impact économique de la crise sanitaire, il parait inopportun de leur retirer un outil de communication aussi efficace qu’est l’imprimé publicitaire. C’est en particulier le cas des petites et moyennes entreprises qui ont besoin d’un outil de communication au niveau local. C’est tout aussi vrai pour les clubs de sport ou autres associations locales qui souhaitent faire connaitre leurs activités. L’imprimé publicitaire est efficace à l’échelle locale. Le limiter ne fera que soutenir la publicité sur internet et le commerce en ligne qui profitent essentiellement aux géants du numérique plutôt qu’à nos entreprises européennes.

Enfin, les considérations environnementales liées à l’imprimé publicitaire sont primordiales car souvent le prétexte pour introduire des mesures restrictives. Avec un taux de recyclage de 72%, l’Europe est le leader mondial en matière de recyclage papier. Les systèmes de collecte sélective du papier et les installations de recyclage sont bien établis et performants. Le papier recyclé est une ressource précieuse pour la production de nouveaux papiers ou cartons d’emballage. Les imprimés publicitaires sont d’ailleurs généralement imprimés sur du papier contenant une large proportion de fibres recyclées.

Si on restreint les imprimés, les budgets publicitaires seront redirigés vers des alternatives numériques, qui ne sont pas exemptes d’impacts environnementaux en raison de leur consommation d’énergie ainsi que de la création toujours croissante de déchets électriques et électroniques.

Aujourd’hui, plus que jamais, nous avons besoin de nous rassembler autour de notre fédération européenne Intergraf pour échanger et défendre ensemble nos produits et nos métiers.