Laballery 2, un pas décisif vers le futur du livre ?

L’imprimerie Clamecycoise inaugurait mercredi 26 juin son nouvel atelier numérique, bien nommé “Laballery 2”, devant un parterre foisonnant d’invités mêlant professionnels de l’impression et des industries graphiques, éditeurs, élus et représentants institutionnels… Toutes nos félicitations à notre adhérent pour cette superbe installation !

 

“Ceci est une ligne automatique dédiée à un continuum de production qui, un jour, dans cette unité de 2000 mètres carré, fonctionnera 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Cela veut dire que vos commandes du vendredi soir pourront vous être livrées le lundi matin” annonce fièrement Hubert Pédurand, Directeur général de Laballery, à la foule réunie dans les locaux de l’imprimerie, s’adressant ici évidemment plus particulièrement aux éditeurs et clients de l’entreprise, en recherche permanente de solutions. “Nous fêtions hier le départ en retraite de Renelle Setton, cheffe de fabrication chez Hachette après 56 ans d’expérience. Je lui demandais quels étaient les marqueurs de sa vie professionnelle et même si elle en a eu de nombreux, elle m’a notamment répondu qu’au début de sa carrière, alors qu’elle avait 23 ans, il fallait environ 20 jours pour fabriquer un livre de 300 pages en 16×24 à mille exemplaires. Nous n’étions pas encore à l’époque – en 1970 – sur le procédé offset, il s’agissait encore de plomb et de typographie. Il fallait toutefois encore 15 jours en 1990, 10 jours en 2010 et en 2019, on annonce une nouveauté en 5 jours. La vérité, c’est même que nous serions capables de la produire en 2 heures avec l’outil que nous inaugurons aujourd’hui, moyennant ensuite les temps de conditionnement et livraison” s’amuse-t-il de noter, conscient que les règles d’hier ne sont plus celles d’aujourd’hui, et encore moins celles de demain. “Nous constatons que les stocks deviennent des flux et vous nous demandez, bien souvent, des premiers tirages avec des réassorts déjà anticipés, le tout alors que la nouveauté n’est même pas encore sortie ! Cet outil rend possible ce niveau de service et de réactivité” assure-t-il, grâce à une ligne de production qu’il dit pensée, jusque dans les moindres détails, pour être “interrompue le moins possible”. Or, si la technologie autorise effectivement les stratégies les plus ambitieuses, il a fallu 2 ans aux architectes du projet – le conseil d’administration de Laballery, en contact évidemment étroit avec les fournisseurs de matériel – pour construire une ligne de production calibrée telle qu’ils l’imaginaient…

“Cette stratégie existe parce que j’ai du monde derrière moi. C’est une vision partagée, celle d’une SCOP unie, qui fait que l’on est capable de s’adapter pour se tenir à notre feuille de route. C’est aussi grâce aux apports d’HP, Muller Martini, Contiweb et notre roboticien français, Recmi” détaille Hubert Pédurand, avant de préciser : “La complexité, c’est l’assemblage. Entre le double débobineur, les groupes d’impression, les fours sécheurs qui montent à 5 mètres de haut de façon à ce que nous produisions à pleine vitesse y compris en quadrichromie, les ré-humidificateurs qui vont recharger le papier en humidité après en avoir malmené la fibre, puis les machines de pliage, d’assemblage, d’encollage etc. Il s’agit d’un travail patient et minutieux de construction. Même dans la colle nous avons mis du « Laballery », c’est-à-dire des petites astuces qui nous permettent d’être plus performants”. De quoi prendre la mesure de la réalité selon laquelle l’automatisation hyper optimisée présentée ici n’existe pas de série et clés en mains. Il faut en réfléchir les contours, y apporter les ajustements nécessaires et en tester l’efficience jusqu’à optimiser les capacités de production. “Une SCOP doit aussi être un laboratoire. J’ai souhaité mettre Laballery dans une perspective de recherche et développement. Que sera le livre dans 10 ans, dans 20 ans ? Si on ne se pose pas ces questions aujourd’hui, nous n’aurons pas les bonnes réponses à temps” conclut-il enfin, comme pour mieux souligner qu’il se jouait peut-être à Clamecy un peu plus que la simple présentation d’un plan d’investissement. Sans doute une piste sérieuse de l’avenir du livre “made in France”, les réflexions qui y sont associées ayant sans conteste besoin de tests grandeur nature…

“Le groupe Laballery, suite aux opérations de croissance externe de ces dernières années (rachat de Floch en 2016 et la Source d’Or en 2018, ndlr), c’est 180 personnes et 22 millions d’euros de chiffre d’affaires, uniquement sur le livre” rappelait Hubert Pédurand. L’imprimerie Laballery emploie quant à elle 78 personnes et vise une très forte hausse de sa capacité productive, à la faveur de l’inauguration de son nouvel atelier numérique. Un projet qui représente un investissement de plus de 5 millions d’euros, soutenu notamment par la région et la communauté de communes.

 

“Les idées une peu folles que nous avions pour construire cet outil hyper réactif pensé pour une production de livres en flux, un outil unique me semble-t-il en Europe, ont été rendues possible grâce à HP, qui est le manufacturier de la partie nanotechnologies. Car c’est aussi ça l’imprimerie aujourd’hui : on dépose des milliards de gouttelettes à la demande sur du papier” expliquait notamment Hubert Pédurand.

 

L’affluence, tout à fait remarquable, n’a pas manqué de conférer un caractère festif à l’événement, marqué notamment par un concert largement apprécié par l’auditoire.

 

Jean-François Colas (à gauche), frère du célèbre navigateur Alain Colas, figure de l’Histoire locale disparu en mer en 1978, évoque les souvenirs d’un frère féru de livres et “capable d’écrire d’une main pendant qu’il vous tenait une conversation”. A sa droite, Eric le Seney, auteur d’un documentaire consacré au navigateur Clamecycois, “Rêves d’Océan”.

Au bout des lignes de finition Muller Martini, même la palettisation se voit automatisée. Un choix qui n’affecte pas l’emploi, nous assure Hubert Pédurand : « Les hommes qui faisaient les palettes jusqu’à présent sont devenus conducteurs de cet outil. Nous avons valorisé leurs compétences et nous les avons accompagnés vers plus de formation, pour qu’ils aient plus d’engagement ».

 

Entouré de ses collaborateurs membres du conseil d’administration, Hubert Pédurand a tenu à saluer “le travail formidable d’une équipe engagée”.

 

L’imprimerie un secteur précaire ?

L’UNIIC en première ligne pour restaurer la réalité des faits.

La question des contrats de travail de courte durée a défrayé la chronique ces derniers jours.

La définition des sept secteurs industriels concernés a atterré les entrepreneurs du secteur de l’imprimerie en recherche constante de compétences pérennes priorisant le lien d’appartenance à l’entreprise.

À un moment ou l’ensemble du secteur mobilise son énergie sur le renforcement de l’attractivité de ses métiers auprès des jeunes, nous avons demandé à notre confédération la CPME de faire passer cette alerte et cette inquiétude sur les médias à une heure de grande écoute …

Hier, lundi 24 juin, le secrétaire général de la CPME, Jean-Eudes du Mesnil du Buisson, a porté le message de l’UNIIC sur les ondes de France inter. Il met en exergue l’incohérence totale du choix des secteurs et l’on entend jusque dans le ton qu’il emploie la consternation qu’a provoquée cette annonce.

Lire notre communiqué

Cap sur les conférences techniques !

A moins d’un an de la prochaine Drupa, les principaux constructeurs et fournisseurs présentaient, à l’occasion du Congrès de la filière graphique imaginé par l’UNIIC, leurs nouveautés et leur stratégie, le tout animé par Yvon Guémard (Caractère). Retrouvez – malgré la pluie et les problèmes de son qui en découlent hélas – la quasi-intégralité des échanges ci-dessous :

De la maîtrise de l’investissement à une connaissance approfondie des solutions numériques avec Heidelberg et Ricoh :


Des opérations prépresse respectueuses de l’environnement à l’impression industrielle 4.0. avec Koenig & Bauer et Kodak :


Impression numérique, ennoblissement et flux de gestion avec HP Grand Format, MGI et Ecoffi :

Communiqué – Bonus-malus : de quoi parle-t-on ?

Le secteur de l’imprimerie et des industries graphiques s’est engagé depuis de longues années avec notre OPCA devenu OPCO, dans un ensemble de campagnes visant au renforcement de l’attractivité du secteur, qui vit des mutations technologiques impliquant plus que jamais un élargissement et une élévation des compétences, dans un contexte de transformation de nos supports.
Tant l’évolution des procédés, des process et des modèles économiques, que le renouvellement des compétences induit notamment par la pyramide des âges du secteur, ont conduit la profession à se doter d’outils de financement pérennes : des approches certifiantes (CQP) d’une part et des actions fondées sur le retour dynamique à l’emploi. Ce plan d’action coordonné, géré paritairement, rencontre un grand écho auprès des entreprises qui comptent plus que jamais des métiers en tension.

C’est dans ce contexte, alors que l’ensemble du secteur a fait le pari de la logique de la professionnalisation, que le gouvernement, sans consultation des branches concernées, annonce qu’un système de bonus-malus conçu pour « lutter contre la précarité » sera institué le 1er janvier 2020 pour les entreprises de 11 salariés et plus.
Raisonnant par amalgame de grandes filières économiques, l’Etat cible des secteurs dont l’imprimerie, qui structurellement recrute l’immense majorité de ses collaborateurs relevant des niveaux 5, 4 et 3 de la classification des emplois, sous la forme de CDI, et priorise en alternance ce type de contrat dès l’embauche, tant la fidélisation d’opérateurs de plus en plus autonomes et polycompétents dans leurs emplois est la priorité des entreprises du secteur.

Compte tenu de la portée de ces annonces qui peuvent nuire à l’image d’une branche qui a toujours fondé sa politique sur le couple professionnalisation/fidélisation, l’UNIIC a saisi dès hier matin (mercredi 19 juin) ses deux confédérations interprofessionnelles, le cabinet de Madame la ministre du travail, la présidente du groupe d’études parlementaire de la filière imprimée, en vue notamment d’une question écrite au gouvernement portant sur la prise en compte au plus vite des spécificités sectorielles attestées par les statistiques emplois/compétences.
Cette communication qui ne s’est pas encore traduite dans les textes nécessite une réaction collective pour éclairer les élus de la Nation et le pouvoir exécutif sur les paramètres de notre secteur qui nous distinguent de ceux qui sont cités dans le dossier de presse du Ministère.

De notre engagement collectif dépendra la prise en compte de la force de notre plaidoyer destiné à restaurer la réalité du terrain.

 

Pascal Bovéro, Délégué Général de l’UNIIC

Consulter le Dossier de Presse “bonus-malus” diffusé par le Gouvernement

Print’Story – Episode 60

Au travers de la vie quotidienne d’une imprimerie, nous vous proposons de participer à l’analyse et au décryptage des pièges auxquels Antoine, notre chef d’entreprise vedette est confronté. L’occasion pour vous de tester vos connaissances mais aussi de les remettre à jour avec l’aide de l’UNIIC.

La date de mise en place définitive du CSE approchant, Antoine souhaiterait avoir un rappel des différentes attributions de cette nouvelle instance.

Il a entendu dire qu’il n’y a pas réellement de changement entre ces anciens DP et son futur CSE.

En effet, Antoine est dirigeant d’une petite structure. Le CSE qu’il mettra en place ne devrait avoir que des pouvoirs limités.

Il plaint son ami, Victor, dirigeant quant à lui d’une grande structure qui doit mettre en place un CSE aux attributions beaucoup plus larges.

Mais au fait :

Quelles sont les attributions du CSE dans les entreprises de moins de 50 salariés ?
Quelles sont les attributions du CSE dans les entreprises d’au moins 50 salariés ?

Lire la réponse de l’UNIIC

Réponses élaborées par Sabrina SEHRINE, étudiante en Master I de droit social à l’Université de Paris I – Panthéon-Sorbonne et stagiaire au service social de l’UNIIC sous la direction d’Iris DELLOYE- NICLAS – iris.delloye@uniic.org

“Gardons le Cap” – Le discours de Benoît Duquesne

“Gardons le cap ! Voilà, vous en conviendrez, un bel objectif qui nous servira d’axiome tout au long de cette journée où personne n’aura le mal de mer, malgré les gros temps qui contrarient en ces moments de rupture, notre traversée vers des nouveaux territoires…
Gardons le cap avec les capitaines d’industrie que je suis fier d’accueillir aujourd’hui dans ce lieu magique, qui rassemble tant de symboles qui font écho à ce que nous sommes.
Fier, je le suis aujourd’hui, quand je vois tant de professionnels réunis sur le sol Normand, à un moment où nous célébrons la formidable aventure du débarquement allié.
Fier aussi quand je mesure que le congrès de la filière se tient dans la ville où se situe le siège de notre centre de formation intersectoriel, L’AFI-LNR, qui préfigure je l’espère des nouveaux rapports entre l’imprimerie et la filière papier carton.
Fier enfin que vous ayez choisi la ville natale de Corneille pour réviser nos classiques en n’ignorant pas l’avenir que nous allons tenter de décrypter, grâce aux regards croisés que nos experts se proposeront de partager avec vous en évitant les monologues tragiques chers au « Cid ».
Aussi, alors que tant de navires-écoles nous font l’honneur de nous saluer sur ces quais mythiques, je vous souhaite la plus belle des traversées, en oubliant jamais de me souvenir, qu’entrepreneurs ou collaborateurs salariés, fournisseurs ou donneurs d’ordre, formateurs ou consultants, nous sommes tous avant tout des « équipiers d’entreprise » ! Vous aurez remarqué qu’ici, sur le port, il n’y a que des voiliers, il n’y a pas de galères ! Bon congrès à vous tous.”

Print & dématérialisation – Au cœur des arbitrages

La conférence inaugurale de Graphitec 2019 n’a pas évité la question quasi-obsessionnelle des justes équilibres print/numérique, laquelle engage des points de vue éminemment disparates selon les marchés considérés…

Print ou numérique ? A cette question un brin simpliste, que les donneurs d’ordre et éditeurs ne se posent en réalité que rarement en ces termes, la (bonne) réponse est souvent « les deux ». Les équilibres peuvent toutefois nettement varier selon les marchés approchés et les positionnements singuliers dont telle ou telle marque peut se revendiquer. S’il n’existe donc pas de formule miracle que l’on pourrait se contenter de s’approprier sans effort introspectif de contextualisation, les expériences plus ou moins tranchées ne manquent pas et ont le mérite de nous offrir de nombreux témoignages éclairants…

Le 100 % online, une erreur ?

Depuis le début du mois de Janvier 2019, le site PAP.fr a officiellement lancé son offre de visite virtuelle 3D.

Si l’intitulé de cette conférence inaugurale promettait de promouvoir les meilleures façons de « concilier » print et numérique, Corine Jolly (Groupe PAP) n’hésite pas à faire part de son étonnement qu’on l’ait justement sollicitée sur une telle thématique… « Pour être honnête, nous n’avons pas concilié grand-chose puisque nous avons arrêté le journal papier en 2013 » lâche-t-elle en effet, sans prendre de gants outre mesure. Mais certainement faut-il accepter de voir que l’on peut bel et bien marginaliser le support imprimé au sein de ses outils éditoriaux, à condition d’avoir les idées et la stratégie idoines, au-delà d’une simple volonté de faire fondre ses coûts. « Arrêter le journal nous a permis de réaffecter le budget associé à de nouveaux services. Nous disposons désormais d’un réseau de photographes qui se déplacent dans toute la France, équipés de caméras 3D, pour développer de nouveaux outils de vente » explique-t-elle, assurant par ailleurs ne pas être fondamentalement fermée à la perspective de revenir un jour au journal imprimé, « si nous avons des idées pertinentes pour le justifier. Il ne s’agit pas de revenir au journal d’avant, ça n’aurait aucun sens », se sent-elle obligée de préciser. Par ailleurs, le réseau PAP continue d’utiliser le canal imprimé pour diffuser nombre de ses publicités, là encore parce que Corine Jolly y voit tout simplement du bon sens : « Le print est rassurant parce qu’il permet d’incarner la marque. La communication offline prouve que vous existez vraiment. Une entreprise 100 % online court selon moi le risque d’être trop virtuelle ». Ainsi le discours s’avère-t-il plus nuancé que prévu, même si dans ce cas précis, les équilibres complémentaires print/numérique penchent de plus en plus ostensiblement vers des contenus dynamiques et connectés.

Le numérique comme outil de diversification & fidélisation ?

Quand Youtube offre un pont aux ventes papier…

Au tour ensuite d’Hedwige Pasquet (Gallimard Jeunesse) d’évoquer les évolutions digérées ou en cours chez l’éditeur jeunesse, s’agissant ici d’un univers où les percées numériques sont toutefois toujours marginales. Et là encore, de bonnes raisons à ça : « L’ebook n’est pas encore une proposition suffisamment innovante ou séduisante » affirme-t-elle de façon presque sentencieuse, rappelant en creux combien les transpositions homothétiques du modèle papier sur écran ne portent que trop peu de valeur ajoutée pour qu’un basculement sensible s’opère. Et les chiffres en attestent : avec moins de 5 % du chiffre d’affaires global de l’édition, il est déjà établi que le livre numérique a échoué à s’imposer. Et sauf à ce qu’il se réinvente, la chose semble entendue. « Aux USA par exemple, la part de l’ebook peut approcher les 25 % de CA, mais nous semblons là aussi toucher un plafond » complète Hedwige Pasquet, qui rappelle que l’ultra-domination du livre imprimé en France tient en partie à « son fort réseau de librairies, protégé notamment par la Loi Lang sur le prix unique du livre ». Doit-on pour autant en conclure que le numérique aurait dit son dernier mot ? Ce serait d’une part oublier « la progression notable et prometteuse du livre audio » – s’agissant pour le coup d’une proposition suffisamment différenciée du livre papier traditionnel pour exister par-delà lui – et ce serait d’autre part méconnaître les liens qui peuvent se tisser entre différents supports… « Le streaming, via Netflix et autres, constitue pour les éditeurs une véritable source de revenus. Les rachats de droits pour des adaptations audiovisuelles ont récemment grimpé en flèche » précise-t-elle en effet, ce qui ne surprendra personne dans le sillage du succès phénoménal de Game of Thrones notamment. Si ces rapports de bonne entente n’ont évidemment rien de nouveau – il en était déjà de même pour les adaptations TV ou cinéma – ils ont indiscutablement pris une tout autre proportion à l’aune de ce que pèsent aujourd’hui les grands acteurs du streaming. De quoi nuancer l’assertion selon laquelle « le temps écran a fait baisser le temps de lecture » car pour aussi vraie soit-elle globalement, les contre-exemples plus circonstanciés ne manquent pas : de la même façon que la série éponyme a certainement fait vendre/lire énormément de livres Game of Thrones, Hedwige Pasquet souligne par ailleurs que « le numérique offre de merveilleuses opportunités en termes de communication, comme par exemple la création de chaînes Youtube ». Que ces dernières soient d’ailleurs portées par l’éditeur ou des lecteurs/Youtubeurs, le fait est qu’elles fonctionnent en tout cas auprès de cibles largement fidélisées.

Un phénomène de réincarnation par le print

Mais c’est paradoxalement sur les contenus publicitaires, a priori pourtant les plus enclins à subir les foudres d’une dématérialisation accélérée, que les propos se feront les plus cléments sur le print. « Il y a eu une très forte digitalisation des marques pendant des années, jusqu’à un phénomène de saturation et un retour à l’imprimé » estime ainsi Matthieu Butel (agence Makheia). Un discours largement corroboré par Sébastien Naslain (Groupe Jouve), pour qui « après une nette baisse des volumes imprimés, nous sommes arrivés à un niveau plancher sur certains segments où l’on constate une réhumanisation par le print des relations clients/fournisseurs ». Pas de quoi évidemment remettre en cause la réalité selon laquelle c’est bien le numérique qui préempte l’essentiel de la croissance publicitaire (tel qu’en atteste le Baromètre Unifié des Marchés Publicitaires porté par Kantar Media, France Pub et l’IREP), mais de quoi revenir à plus de mesure et réinjecter du print dans des campagnes qui en avaient été exagérément sevrées. « Nous avons constaté chez certaines marques la volonté de s’inscrire dans le temps, d’avoir un discours plus incarné et de se détacher des contenus numériques plus éphémères » illustre Matthieu Butel, non sans omettre de préciser que les exigences sont dans le même temps allées crescendo… « Si vous n’êtes pas capables de donner entière satisfaction aux marques, elles préféreront appuyer leur stratégie sur des médias propriétaires pour devenir leur propre porte-voix » souligne-t-il en effet, presque sur le ton de la menace. Car c’est bien là une des caractéristiques fortes de l’époque : jamais une marque n’a bénéficié d’autant d’outils pour entrer en dialogue direct avec sa cible, notamment sur les réseaux sociaux. De fait, c’est aux supports dits « traditionnels » de se rendre désirables, en des temps où la tentation d’en faire l’économie n’a peut-être jamais été aussi forte.

« Ni l’un ni l’autre ? »

Mais le cas le plus original était certainement celui du groupe Humensis, représenté par Frédéric Mériot, son Directeur général. « Nous ne sommes pas juste éditeurs de livres, nous sommes diffuseurs de savoir », clame-t-il en effet, refusant mordicus d’être attaché à un support en particulier. Concrètement, Humensis revendique tant les traits d’une maison d’édition traditionnelle (en sciences humaines, en économie, en essai-documentaire…) que d’une plateforme de services numériques, capable de « délivrer sous les formats adéquats les contenus de la connaissance ». En expérimentant à la fois la rematérialisation du livre papier au plus près du lecteur au sein d’une librairie dotée de l’Espresso Book Machine (en l’occurrence, celle des Presses Universitaires de France dans le quartier latin de Paris) ainsi qu’un « service d’apprentissage des langues totalement immatériel » (via Qioz, une application lancée et financée par la région Île-de-France et alimentée notamment par le pôle Belin du groupe Humensis), nous sommes donc là face à une stratégie agnostique où les supports – print et/ou numérique – sont pensés comme les rampes de lancement les plus en phase avec les services proposés.

Alors si l’époque est complexe, source de tâtonnements sans fin, elle permet en revanche des arbitrages subtils, où toutes les équations ont leur solution. Charge à chacun de trouver la sienne, sans biaiser la réflexion en présupposant qu’il faudra digitaliser sa stratégie coûte que coûte, car s’il s’agit là d’une tendance de fond statistiquement exacte, les chances qu’elle s’applique sans le moindre réajustement à des cas singuliers sont plus minces qu’on ne pourrait le penser…

Graphitec, priorité au débat

Notamment rythmée par un cycle de conférences aussi pertinentes que variées, l’édition 2019 de Graphitec s’est achevée le 6 juin dernier avec la volonté affichée de porter le débat sur les points les plus sensibles du secteur, à un an maintenant de la prochaine Drupa : stratégies “multicanal”, innovations technologiques, convergence des marchés & procédés, premiers bilans autour du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), atouts des démarches RSE & écoconception, présentation approfondie de guides techniques, quasi-inauguration de ma Learning Fab (première plateforme de formation digitale pour les métiers de l’impression et de la communication graphique) etc. De quoi repartir avec le plein d’idées nouvelles, dans un contexte que l’on sait hélas difficile et dont le salon s‘est malgré lui fait l’écho, tant en termes d’espace que de fréquentation, visiblement en deçà des précédentes éditions. Avant plusieurs restitutions à venir desdites conférences (à la fois sur notre site et dans les colonnes d’Acteurs de la Filière Graphique), petit retour en images…

L’UNIIC, Imprim’Vert, l’IDEP, Agefos PME-CGM, la CSNRBD, Imprim’Luxe, Grenoble INP-Pagora, le Centre Technique du Papier, le groupe Lourmel et Culture Papier étaient présents et actifs sur le salon, sous une bannière commune : « La Frenchprint ».

Au rang des (nombreux) sujets traités pendant trois jours : « Catalogues et prospectus, peut-on vraiment se passer de papier ? », une conférence animée par Olivier Le Guay (Culture Papier) avec, de gauche à droite, Damien Verstraete (100 % VAD), Jean-Marc Piquet (Groupe Maury), Christophe Bossut (Argo), Anthony Mahé (Eranos) et Elisabeth Cony (Madame Benchmark).

La troisième édition du Challenge StudyPrint a vu le Lycée Albert Bayet de Tours remporter le Premier Prix, devant un public composé des établissements lauréats, des partenaires (dont l’UNIIC fait partie) et des professionnels des Industries Graphiques. Détail des résultats sur le site Presse Edition.