Imprim’Luxe se penche sur la question du patrimoine
Alors qu’Imprim’Luxe s’apprête à souffler sa dixième bougie d’ici quelques mois, l’association organisait le 10 octobre dernier un dîner thématique autour de la « défense du patrimoine » : un sujet majeur, qui entre forcément en grande résonance avec la raison d’être initiale du label, créé en juin 2013 pour relocaliser en France des travaux d’impression liés aux marchés du luxe. Ainsi Pierre Ballet, son Président, ne manquait-il pas d’annoncer un objectif clair : « Nous voulons arriver à 50 % de nos membres labellisés Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV) », preuve du lien étroit qui s’opère entre la promotion de l’excellence et la préservation/transmission des compétences. L’occasion aussi pour l’association d’honorer “l’Entreprise de l’année ” (MPO) et la “Personnalité de l’année” (Pascal Bovéro – UNIIC) tout en nourrissant le débat : comment porter et défendre l’excellence à la française ?
Réhabiliter l’excellence faite main
Pour l’occasion, Imprim’luxe accueillait un maître de cérémonie tout désigné, puisque c’est Stéphane Bern qui a donné le ton de la soirée. « Le monde entier nous envie notre patrimoine. Dans l’idéal, nous devrions le transmettre dans un meilleur état que celui dans lequel nous l’avons trouvé » exprime-t-il d’emblée, fidèle à ce pour quoi il s’est vu confier une mission sur-mesure, avec l’appui notamment du Ministère de la culture, pour contribuer à sauvegarder un patrimoine aussi précieux que fragile. Si l’on pense souvent à des sites identifiés comme étant en danger (il y en aurait officiellement 645, selon les décomptes opérés en 2018, à l’amorce de ladite mission), les compétences et le savoir-faire des métiers de la main, plus immatériels, n’ont rien d’un enjeu secondaire. « Les EPV sont souvent des PME ou des ETI, lesquelles sont souvent elles-mêmes des entreprises familiales qui savent ce que c’est que de transmettre » poursuit-il. Or, « transmettre » n’est pas qu’un beau geste, c’est la condition sine qua non de la survie d’un savoir-faire, car derrière un trésor culturel, il y a très souvent des trésors industriels et/ou artisanaux. « Les entreprises sont des entités vivantes et fragiles qu’il faut protéger » insiste-t-il, faute de quoi il faudra déplorer la disparition ou l’ultra-raréfaction d’une somme de métiers qui ont construit le rayonnement français. Or, il devrait ne pas y avoir de fatalité, bien au contraire : « Lorsque je me rends au salon du patrimoine culturel, je croise des jeunes qui sont en quête de sens. Ces métiers d’art, ces métiers de la main, ils s’y intéressent parce qu’ils peuvent donner du sens à leur vie », confirme-t-il, persuadé qu’il y à potentiellement là « un vivier d’emplois extraordinaire »… A condition toutefois de revaloriser en profondeur les métiers dits « manuels », que l’on considère trop souvent être des lots de consolation et/ou des chemin de réorientation contraints, pour des élèves en difficulté sur des parcours de formation plus généraux. « Pourtant, ce sont ces métiers qui font l’excellence à la française » martèle-t-il, conscient qu’une production d’élite appelle à reconsidérer d’urgence la valeur des métiers qui lui permettent d’exister.
Imprim’Luxe remet deux prix
– Rappelez-vous, nous nous rendions voilà maintenant six ans dans l’une des unités du groupe MPO (Moulage Plastique de l’Ouest), à l’occasion – précisément – d’une visite d’entreprise portée par Imprim’Luxe. Détentrice d’un double savoir-faire, à la fois dans le pressage de disques optiques (CD, blu-ray, vinyles) et dans l’impression (pochettes, coffrets, packagings de luxe etc.), MPO est une entreprise qui certainement plus que beaucoup d’autres, a vu les modes se faire et se défaire. « Si nous avions été rationnels, nous nous serions débarrassés des machines dédiées à la fabrication des vinyles, parce que cela nous a fait perdre beaucoup d’argent » s’amuse aujourd’hui de noter Alban Pingeot (Directeur général), alors qu’il vient de recevoir un prix pour MPO, sacrée par Imprim’Luxe « Entreprise de l’année », deux ans après avoir été reconnue EPV (rappelons que ce label sélectif ne promeut que 1500 sociétés françaises chaque année). « Le vinyle ne serait jamais revenu s’il n’y avait pas eu le streaming. La charge émotionnelle associée au produit est tellement forte qu’elle ne peut s’exprimer qu’à travers un bel objet. Alors toute la semaine vous allez écouter du streaming, mais le week-end, vous allez vous autoriser l’écoute d’un vinyle. Et c’est la même chose pour tous les produits imprimés qui visent l’émotion et l’excellence : je suis persuadé qu’il y aura toujours un marché pour ces produits-là » conclue-t-il.
– Pierre Ballet ne s’en cache pas, le prix de « Personnalité de l’année » qu’il s’apprête à remettre à Pascal Bovéro (UNIIC), tient en un terme : celui de la reconnaissance. Car Imprim’Luxe lui doit certainement en partie son existence, quand l’UNIIC sollicite Pierre Ballet en 2011 pour répondre à un appel à projet intitulé « actions collectives au soutien de la compétitivité des industries du luxe », lancé par le ministère de l’Industrie. « Les entreprises des industries graphiques sont aujourd’hui encore perçues comme des transformateurs de l’éphémère, voire même de l’inutile, pour certains acteurs des pouvoirs publics. Imprim’Luxe permet de porter une image d’excellence et nous aide à être reconnus comme les métiers que décrivait Stéphane Bern : à savoir ceux d’un maillage au service de l’ennoblissement » développe le Délégué général de l’UNIIC, qui ne pouvait pas se soustraire à l’une de ces formules dont il est si friand : « J’avais dit à Pierre Ballet que contrairement à la révolution française, c’est par la noblesse qu’Imprim’Luxe revaloriserait le tiers état » lâche-t-il en effet, faisant là référence aux « deux tiers des entreprises des industries graphiques qui sont considérées comme des industriels de l’imprimé publicitaire, du périodique ou autre, sans reconnaissance suffisante pour leur concours au rayonnement de nos métiers ». Une ouverture vers des marchés à l’image moins clinquante, mais qui participent à « une chaîne de complémentarités au service du sens » précise-t-il. « Stéphane Bern disait tout à l’heure que les jeunes ne s’engagent que s’il y a du sens. En effet, les entreprises des industries graphiques ne peuvent pas recruter si elles n’affirment pas cette logique et si elles ne répondent pas à cette quête de sens » reprend le Délégué général de l’UNIIC, qui voit en Imprim’Luxe une force collective qui n’est « pas près de s’éteindre, car on n’éteint jamais les étoiles »…