Logiquement positionné sur les marchés historiques ciblés par Hunkeler – ceux du livre et du marketing direct – l’événement quasi-éponyme « Hunkeler Innovationdays » voyait son édition 2019 portée par un mot fort : l’automatisation. Si le concept n’a bien sûr rien de neuf en soi, il traduit bien l’autoroute vers laquelle les technologies liées au print, en particulier numériques, continuent de se ruer…
La ville de Lucerne accueille les Hunkeler Innovationdays tous les deux ans. (© Jean-Marc Lebreton)
La baseline de l’événement ne trompait pas : « Automation with success ». Ainsi comprend-on vite qu’au centre d’exposition de Lucerne (Suisse), « innovation » rimera plus que jamais avec « automatisation », avec un focus tout particulier et attendu sur les procédés de finition, qui méritent effectivement que l’on se penche sur eux…
Le finishing 4.0 ?
Sur trois machines différentes (Primera, Presto II Digital et Sigmaline II), les démonstrations effectuées par Müller Martini sur son site dédié à Zofingen, ont permis de mettre en évidence les capacités de variabilité et d’automatisation des matériels de la marque.
Philippe Michelon (Directeur commercial France – Müller Martini) ne s’en cache pas : il n’est qu’à moitié à l’aise avec l’expression de « finishing 4.0 », trouvant la formule surutilisée et donc partiellement usée. Pourtant, c’est bien à ladite expression qu’il aura recours pour présenter la philosophie qui préside aujourd’hui la stratégie de la marque : « Développer la notion de variabilité dans l’univers de la finition et du post-presse, c’est la grosse révolution de nos métiers » assure-t-il en effet à une assemblée d’adhérents de l’UNIIC, au cours d’une visite – en marge du salon – du centre de démonstration de Zofingen en Suisse, qu’il qualifie également de « lieu de test et formation ». Or, que définit le mot-valise « Finishing 4.0 », sinon la capacité d’ouvrir tous les pans de la finition à la variabilité : nombre de pages, format, découpes, massicotage etc. ?
« Lors des Hunkeler Innovationdays, nous allons mettre le focus sur notre segment digital et sur la technologie qui nous permet de connecter nos différents systèmes avec un langage unique et centralisé » précise-t-il. Un discours parfaitement dans l’air du temps et qui semble notamment trouver écho chez des acteurs au profil bien particulier… « Avec des machines telles que Vareo (une brocheuse dite « flexible » pensée pour les courts tirages, présentée pour la première fois aux Hunkeler Innovationsdays en 2015, ndlr) et InfiniTrim (un massicot trilame capable de traiter en flux tendu plus de 15 produits différents en couverture souple et rigide, ndlr), nous voyons arriver de nouveaux clients qui sont des sociétés très orientées sur le traitement fin de la data : Amazon, Datev (société coopérative enregistrée qui fournit principalement des services d’informations techniques pour les impôts, les comptables et les avocats, ndlr), KNV (un des principaux grossistes de livre allemand, ndlr) ou encore Books on Demand (BOD) ». De quoi souligner qu’avec l’avènement progressif des courtes séries et la volonté affichée de minimiser les stocks, la fabrication du produit imprimé – jusqu’aux procédés de finition – n’échoit plus exclusivement aux seuls industriels historiques du secteur graphique, ces derniers voyant émerger de plus en plus d’acteurs qui ont décidé de devenir leur propre imprimeur. Voire ont décidé d’étendre leurs services à certains types d’impression, à l’image de ce que propose déjà Amazon en Print On Demand pour l’autoédition… Un phénomène encore balbutiant, mais qui rappelle la nécessité, sur certains segments où les shorts runs personnalisés sont en passe de devenir la norme, de savoir marketer aujourd’hui une offre à la fois réactive et sur-mesure.
Centraliser pour mieux automatiser
Évidemment mobilisé par l’événement qui porte son nom et donc délesté d’une partie de son matériel, Hunkeler ouvrait tout de même les portes de son site Suisse de Wikon à la délégation UNIIC (une petite trentaine de participants). L’occasion de se retourner sur l’histoire et l’expertise d’une marque bientôt centenaire. (© Jean-Marc Lebreton)
De son côté, Hunkeler n’avait pas sous-titré l’événement dont il est l’hôte au hasard… « Sur notre matériel de génération 6, commercialisé depuis dix ans, nous utilisions une technologie analogique. Parmi les inconvénients que cela soulevait, il fallait procéder à beaucoup de réglages et il fallait en moyenne vingt minutes pour caler une ligne de production » admet sans résistance Mickaël Hiblot (France Sales Manager – Hunkeler), face à la délégation UNIIC, sur le stand du constructeur.
« Aujourd’hui, nous avons un seul cerveau pour toutes les lignes/machines/réglages, le but étant que tous nos équipements se connectent en amont avec tout type de machine d’impression », évoquant donc là une « génération 8 totalement automatisée », démonstration à l‘appui. Décrit comme une « nouveauté phare » de la marque, le module Laser HL8 illustre bien, selon Mickaël Hiblot, la philosophie que Hunkeler tenait cette année à exposer : « Dans le domaine de la perforation, on joue ici sur la puissance du laser pour venir traverser ou simplement graver la page, selon ce qu’on souhaite obtenir. L’idée est de n’imposer aucune limite de personnalisation et de variabilité : chaque page peut être unique ». Un message martelé comme un mantra, à l’heure où ce n’est plus tant la mécanique des machines qui recueille encore l’essentiel des efforts de développement, que l’emprise grandissante de la dimension « software » dans les process d’impression/finition. C’est notamment de cette façon que les systèmes de contrôle, désormais centralisés, ont également pris la tangente de l’automatisation : « Nos machines disposent toutes d’une table de maintenance qui vous avertit des opérations à prévoir. On n’attend plus les pannes, on les anticipe et tout est pensé pour que les machines soient arrêtées le moins possible » certifie-t-il, avant de présenter un service connexe d’inspection Web, le but étant cette fois de détecter les éventuels défauts de production en temps réel. Et Mickaël Hiblot de finir – non sans malice – sur cette assertion conclusive : « En matière d’automatisation, les lignes de finition sont prêtes »…
Bienvenue aux Hunkeler Innovationdays 2019. (© Jean-Marc Lebreton)
Dépasser le discours performatif
Une fois n’est pas coutume, faisons les choses sciemment à l’envers pour revenir, en amont de la chaîne, aux solutions d’impression exposées durant l’événement, puisque Ricoh, HP, Canon, Xerox ou encore Screen étaient bien sûr également présents. Sans réelle innovation disruptive, la plupart voulait toutefois témoigner des progrès établis concernant la productivité de leurs machines, tant en termes de vitesse de production que d’éligibilité des substrats. « Avec le modèle Ricoh VC70000, capable d’imprimer à 150 m/min, nous avons doublé les vitesses » se félicite notamment Steve Levy (Key Account Manager Industrial Printing – Inkjet Technology), ajoutant aux mérites de la machine la souplesse de « pouvoir imprimer sur du papier couché ou non-couché, juste en changeant de bobine ». Si, de son propre aveu, c’est d’ailleurs « lorsque les constructeurs sont arrivés avec des technologies numériques bobine que les rotativistes ont commencé à les écouter », des axes d’amélioration demeurent, lui qui estime notamment que « nous allons encore trois à quatre fois moins vite en finition qu’en impression »… Mais sans s’en tenir à des arguments strictement performatifs, Steve Levy laisse surtout explicitement entendre combien « le nerf de la guerre, en impression numérique, concerne la consommation d’encre »… Ainsi s’attache-t-il à présenter une technologie d’encrage intégrée à la machine, capable dit-il « de différencier trois tailles de gouttelettes », pour les déposer sélectivement « au plus juste de ce que réclame la définition de l’image ». A défaut de pouvoir encore juger sur pièce de l’efficience d’un tel procédé, notons ici que les obstacles expliquant certainement encore pourquoi seuls 5 % environ des volumes imprimés sont aujourd’hui issus du numérique (la difficulté de préserver sur ces derniers des marges suffisantes étant manifestement bloquante), semblent de fait entendus par les fournisseurs de matériel, qui travaillent aussi à réduire/optimiser les coûts engagés. S’il est aujourd’hui clair que l’automatisation des process d’impression et de finition doivent effectivement viser une minimisation des coûts liés aux consommables, c’est (hélas) d’abord sur la main d’œuvre nécessaire que des économies semblent pouvoir être dégagées dans l’immédiat, tant les matériels sont aujourd’hui pensés pour fonctionner presque seuls. Or, si le combat du print pour passer d’une ère de production massifiée et indifférenciée à une ère de volumes optimisés et personnalisés nécessite effectivement une mue technique, reste encore à en tirer des modèles économiques plus clairs. Peut-être est-ce là d’ailleurs un des défis qui pourra (devra ?) animer la Drupa 2020, à un peu plus d’un an de la prochaine édition : dépasser les discours technico-performatifs pour y associer des modèles économiques et industriels pérennes. De sorte que le basculement technologique vers l’impression numérique promis et prophétisé par tant prenne enfin un tour concret, au-delà de quelques niches et cas d’étude singuliers…
Le salon a été l’occasion de présenter en exclusivités quelques nouveautés, dont le modèle Ricoh VC70000 (toutefois annoncé dès juin 2018), solution jet d’encre capable d’imprimer à 150 m/min sur des supports papier non couchés, couchés offset, ou traités jet d’encre.
La délégation UNIIC (pas tout à fait) au complet, devant le stand Hunkeler avec deux générations d’Hunkeler : Franz le patriarche et Michel la relève… . (© Guillaume Prudent – Caractère)