Nos jeunes ont du talent

Intergraf – la fédération européenne des métiers de l’impression – remet chaque année depuis 2017 le « Young Talent Award », pour récompenser les jeunes de moins de 25 ans capables de proposer une vision originale, des idées novatrices et aussi, parfois, des critiques constructives, pour dessiner l’avenir de nos métiers. Pour cette édition 2023, et nous pouvons en être fiers, le podium est 100 % français : Mario Mendez Alexandre et Loïc Voisin occupent respectivement les troisième et seconde places, la lauréate étant Manon Lassaigne, qui nous livre ici son ressenti et rentre dans le détail de ses (déjà !) fortes convictions.

Manon Lassaigne, chargée de communication & marketing chez Loire Impression et lauréate du Young Talent Award 2023, remis par Intergraf.

Comment êtes-vous entrée dans les Industries Graphiques ? Est-ce que vous pouvez nous rappeler votre âge et nous résumer votre parcours ?

J’ai 23 ans et j’ai découvert les Industries Graphiques un peu par hasard, il y a deux ans, alors que je faisais un Bachelor en communication. Pour intégrer le Master que je visais, il me fallait trouver une entreprise en alternance et je suis tombée sur une offre d’emploi sur Linkedin, dans ce qui est toujours mon entreprise actuelle, Loire Impression. L’offre était assez décalée par rapport à ce que je faisais [RIRES], mais elle m’a énormément plu. Je n’avais jamais vraiment pensé à me diriger vers le print, mais ça m’a semblé intéressant et je me suis dit ‘Pourquoi pas ?’.

Comment vous est venue l’idée de participer au concours organisé par Intergraf sur les jeunes talents dans nos métiers ?

C’était un pur coup de chance,  je suis tombée sur l’annonce du concours dans le journal « Caractère » et j’ai voulu tenter le coup. Ce n’était absolument pas prémédité, j’ai spontanément demandé à mon tuteur et à mon responsable hiérarchique si je pouvais y participer. On s’est renseignés, on a vu que j’étais éligible et je voulais m’autoriser ce petit challenge. C’était un peu compliqué puisque je continuais d’étudier en parallèle et je devais même assurer des examens à ce moment-là. Mais j’avais trouvé le sujet très intéressant [la question était « Quelle est la place du print dans un monde digital ? », NDLR] et je voulais essayer, en me disant que ce serait de toute façon une occasion d’apprendre des choses. D’ailleurs, quand j’ai appris que j’étais lauréate de ce Prix, j’avoue que je ne m’y attendais pas. J’ai été très heureuse de recevoir le mail de Béatrice Klose [Secrétaire générale d’Intergraf, NDLR] concernant les résultats. Elle et l’équipe d’Intergraf ont été très bienveillants et d’un grand soutien pour la conférence qui a suivi à Riga, en Lettonie.

Comment avez-vous abordé le sujet ? Vous saviez d’emblée ce que vous diriez ou est-ce que ça a nécessité que vous vous posiez mûrement la question ?

Les deux ! C’était à la fois évident, en ce sens que je savais ce que je voulais dire, mais ça a quand même nécessité beaucoup de travail et de recherches. Il y avait beaucoup de choses que j’avais envie d’aborder, certainement un peu trop d’ailleurs parce que j’ai dû faire des choix pour respecter les limitations de l’espace d’expression alloué par le concours. Il y avait déjà évidemment toutes les choses que j’ai apprises en deux ans dans mon entreprise, dont je voulais témoigner, plus toutes les recherches que j’ai faites en parallèle pour aller plus loin. J’y ai passé beaucoup de temps et je suis sûre que j’ai encore progressé, grâce à ce travail. Mais dès le début, il y avait des convictions : je croyais en l’avenir du print, je savais que ces métiers étaient sous-valorisés en comparaison de tout ce qu’on dit sur le digital et je reste persuadée que c’est quelque chose qui va changer.

« Je vois davantage de gens accroc’ à leur téléphone qui ont dix à quinze ans de plus que moi. J’ai l’impression que les comportements qui rompent avec ça viennent avant tout des jeunes générations. »

Vous manifestez une foi inébranlable en l’imprimé. Est-ce que c’est quelque chose dont vous étiez spontanément convaincue, ou est-ce que c’est une conviction qui s’est construite par après, au gré de votre expérience en entreprise ?

J’ai toujours cru à l’imprimé, sûrement parce que j’ai été éduquée comme ça. Il y a des gros lecteurs chez moi. On aime beaucoup les publications scientifiques, les contenus pointus, la littérature classique etc. Et ça oblige souvent à aller vers le papier. Lire est quelque chose de normal dans mon environnement familial et je sais que ce n’est pas forcément le cas pour tout le monde. J’avais donc déjà cette appétence là, mais travailler dans les Industries Graphiques m’a permis de mieux comprendre les ficelles de la fabrication et aussi d’avoir une idée plus juste des impacts comparés du print et du numérique. Le but n’était d’ailleurs pas d’opposer deux camps, mais de voir comment ils pouvaient fonctionner ensemble. Il est vrai que lors de mon cursus d’étudiante, c’est de la communication et du marketing digital qu’on nous apprend. Ces métiers évoluent certes très vite, ils ont évidemment un avenir très important, mais je trouve qu’on s’y perd vite. Il y a une instabilité et une sensation de « perte de contrôle » dans le monde digital qui me gênent. Avec l’arrivée récente du métavers et de l’Intelligence Artificielle (IA), ce sentiment s’est exacerbé et j’ai ressenti le besoin de revenir à des choses plus traditionnelles. Plus rassurantes aussi, en un sens. Je pense qu’il y a à la fois la peur de voir nos activités se déshumaniser et l’envie de prendre du recul par rapport à ce trop-plein de numérique. Contrairement à ce qu’on pense, c’est un phénomène qui est à mon avis plus porté par ma génération que par les précédentes : être sollicité sans arrêt, recevoir des notifications en continu et se sentir contraint de répondre à tout, cela génère de la fatigue et cela nous montre à quel point on est allés trop loin. Finalement, je vois davantage de gens accroc’ à leur téléphone qui ont dix à quinze ans de plus que moi. J’ai l’impression que les comportements qui rompent avec ça viennent avant tout des jeunes générations. Le Covid a certainement accéléré le phénomène : il y a une envie de vivre et de se détacher des écrans.

Qu’est-ce qui a distingué votre candidature, à votre avis ?

Le fait que j’aie multiplié les angles d’approche, à la fois sur le print en tant que tel mais aussi via un focus sur l’IA, a visiblement joué en ma faveur. Mais il y a aussi beaucoup de choses qui n’ont pas été dites, le sujet est tellement vaste que j’aurais voulu en dire plus encore. Pour moi le point central c’est vraiment de se servir du digital pour valoriser le print, rappeler que ce n’est pas – désolée pour l’expression – un « truc de vieux » [RIRES]. Faire la démonstration de sa modernité et être convaincu qu’il y aura un retour à la matérialité, dans un monde où il y a certainement trop de numérique aujourd’hui. Les tendances RSE nous y aideront, par ailleurs : cela prendra peut-être des années, mais je pense qu’à terme nous arriverons à faire entendre nos efforts écoresponsables, parce qu’ils sont déjà concrets et faciles à démontrer. Le monde du digital, lui, est à l’inverse encore assez nébuleux et il n’est pas prêt à détailler ses impacts comme nous savons le faire. Cela ne veut pas dire que tout soit parfait dans le monde du print : il faut certainement valoriser encore un peu plus les approches d’écoconception, éviter les procédés de fabrication/finition les moins vertueux, ne pas pelliculer quand c’est possible etc. Mais je suis persuadée que ce n’est qu’une question de temps pour aller vers ce type de progrès.

La notion « d’attractivité » est très débattue dans notre secteur, au regard notamment des besoins de recrutements, ou encore de transmission, qui sont prégnants aujourd’hui. Quel est votre regard sur les difficultés de nos métiers à attirer ?

Le monde de l’imprimerie a encore du mal à parler de lui. Il s’agit forcément de métiers très anciens, qui s’appuient sur beaucoup d’habitudes et de certitudes. C’est une force, mais peut-être qu’on a pris trop de choses pour acquises, jusqu’à se laisser déborder par l’arrivée du digital. Pourtant, chez Loire Impression, dès que nous avons commencé à mettre en place une véritable stratégie digitale, pour communiquer et mettre en avant nos métiers, nos produits, on a vu beaucoup de retours positifs et on a commencé à fédérer. Paradoxalement, cela a permis d’humaniser notre image : montrer les gens derrière les machines, valoriser nos savoir-faire etc. Nous développons aussi des campagnes marketing print, pour fidéliser notre clientèle ou mettre en avant un produit par exemple, et les retours sont sans appel : les gens nous disent que ce que l’on fait est magnifique et témoignent d’un véritable intérêt pour nos métiers. Nous savons que les volumes de production diminuent, mais c’est justement l’occasion de valoriser l’imprimé comme quelque chose de qualitatif, de presque luxueux. Arrêter de produire en masse pour mettre des flyers sur des parebrises, cela nous permet de nous interroger sur le sens de ce que nous faisons, pour aller vers des produits plus soignés et mieux ciblés.

« Cela prendra peut-être des années, mais je pense qu’à terme nous arriverons à faire entendre nos efforts écoresponsables. »

Le prisme par lequel beaucoup de jeunes orientent leurs choix professionnels tient à la politique RSE/environnement de l’entreprise. Est-ce que les gens que vous côtoyez – et plus particulièrement ceux de votre génération – vous font le reproche d’avoir un choisi un métier qui ne serait pas ‘écolo’, ou est-ce qu’au contraire, c’est une idée reçue qui tend à reculer selon vous ?

J’observe qu’on me fait les deux types de remarques. Mais ce qui est certain, c’est que lorsque l’on prend le temps d’expliquer ce que nous faisons et quels impacts peuvent être attribués à l’imprimerie d’une part, et à la communication numérique d’autre part, les gens – y compris les plus jeunes – sont très réceptifs et ouverts à d’autres opinions. Les lobbys du digital ont certes contribué à installer des idées reçues dans la tête des gens, mais on voit un retour de balancier : dès que l’on rentre un peu dans le détail, le discours caricatural du papier tueur d’arbres et de la dématérialisation vertueuse tombe vite. C’est là qu’on se rend compte que tout ce que notre secteur a fait – labels, approches RSE, protection des forêts, nouvelles normes de traçabilité etc. – porte ses fruits : à condition de communiquer, on arrive à convaincre. Dans le même temps, les impacts du numérique commencent à être mesurés et reconnus ; qu’il s’agisse d’environnement ou de protection des données, les gens commencent à avoir des exigences, ce qui n’était pas du tout le cas lorsque les réseaux sociaux sont arrivés. Que l’on soit sensibilisé à ces questions beaucoup plus jeune fera forcément bouger les lignes. La difficulté pour les métiers du print, c’est de communiquer sans greenwasher, parce que la limite entre les deux est toujours plus fine que ce que l’on croit.

Il y a dans nos métiers une culture de l’outil, qui se traduit souvent par une focalisation sur la technique et les machines. Au point parfois que le dialogue avec les clients devient plus compliqué, parce que cette connaissance s’est perdue chez nombre d’acheteurs. Faut-il selon vous également changer sa façon de parler aux clients ?

Il est vrai que le digital n’a jamais parlé de cette façon à ses cibles. On ne vante pas la puissance des téléphones, des ordinateurs ou des tablettes, avec des termes compliqués. On nous montre ce que l’on peut faire avec et c’est à peu près tout. Loire Impression fait en tout cas cet effort de simplification du vocabulaire, via nos commerciaux notamment, et c’est en partie ce qui nous permet de fédérer autant. Pour que les gens se réintéressent à ce que l’on fait, il faut parler à tout le monde. Il est certain qu’en faisant ce type de concessions, ça peut être frustrant pour les techniciens les plus portés sur les capacités de nos machines, parce qu’ils sont passionnés et détenteurs de savoir-faire magnifiques, mais je pense en effet qu’il faut s’attacher à être entendus. L’important je pense, c’est de rester dans le bénéfice client : comprendre leur demande et la traduire dans la meilleure équation industrielle pour eux, en leur expliquant ce qu’ils vont y gagner. Tant sur le plan de la fabrication, du prix, de la qualité, de l’écorespensabilité etc. Le défi sera d’être transparent sur ces points-là alors que sur des questions environnementales par exemple, la responsabilité d’autres acteurs/fournisseurs entre en jeu : savoir d’où vient le papier, d’où viennent les encres etc. Ces paramètres sont d’autant plus complexes à gérer que les réglementations ne sont pas les mêmes partout dans le monde. Mais là encore, nous progressons vite et il faudra avoir à cœur de se féliciter de cette transparence, qui n’existe pas dans le digital à ce jour et qui permet de mieux faire accepter nos prix à nos clients. Plus on lui donne des éléments, plus on est légitime à valoriser ce que l’on fait, parce qu’on fait la démonstration d’une véritable démarche réfléchie et responsable.

Denis Ferrand – « Le secteur papetier est sur-sensible aux variations des prix de l’énergie »

Il n’est jamais aisé d’intervenir lors d’un congrès sectoriel avec la casquette d’économiste prévisionniste, qui plus est en des temps de crises plurielles et durables. C’est pourtant là le rôle qui avait été assigné à Denis Ferrand, économiste, chroniqueur aux Echos et Directeur général de Rexecode, avec qui nous avons voulu revenir à froid – et quelques semaines après le congrès – sur quelques points majeurs de son intervention.

Denis Ferrand, lors de son intervention pour le congrès de la Filière Graphique 2022, Print’issime.

Pendant le Congrès de la Filière Graphique à Reims, vous avez notamment dit, avec un brin d’humour (jaune) : « Vous êtes probablement le seul secteur dans lequel on observe encore des hausses des prix des matières premières ». En l’occurrence, c’est une vraie souffrance pour nombre d’entreprises dans nos métiers qui subissent effectivement ce sentiment d’imprévisibilité. Il y a même parfois du fatalisme. A votre avis, pourquoi le secteur graphique semble-t-il ainsi échapper aux tendances macroéconomiques plus générales ?

Il est vrai que lorsque je regardais les cours de la pâte à papier, il s’agissait bien de la seule matière première – pour autant que l’on puisse parler de matière première puisqu’elle est en réalité déjà transformée – qui affichait encore des hausses de prix, alors que le reste refluait sous l’effet d’une contraction de l’activité. Pourquoi ? Probablement parce que c’est une matière qui incorpore énormément d’énergie dans sa fabrication et cela détermine son prix dans des proportions très supérieures à la moyenne. Les autres matières premières réagissent plus directement aux rapports classiques offre/demande, mais il n’empêche que mécaniquement, l’offre et la demande vont s’ajuster parce que la demande va ralentir, au regard de l’évolution d’un coût qui n’est plus supportable. Pour vous donner un ordre de grandeur sur cet aspect, nous avons étudié dans différents secteurs comment ceux-ci sont sensibles à l’évolution des coûts de l’énergie : quand on prend la filière papier, on s’aperçoit qu’une hausse de 43 % des prix de l’électricité et du gaz est « suffisante » pour que l’excédent brut d’exploitation (EBE) dégagé par la branche devienne nul. Et ce en posant comme hypothèse que les entreprises seront capables de répercuter la moitié de la hausse des prix de l’électricité et du gaz dans leurs propres prix… On atteint donc très rapidement une situation de perte d’exploitation, dans la mesure où les prix du gaz ont déjà connu jusqu’à 88 % d’augmentation en France par rapport à 2019. Donc oui, c’est une conjoncture assez « originale » si je puis dire, tout simplement parce que nous parlons là d’un secteur sur-sensible aux variations des prix de l’énergie gazière et électrique.

Vous vous êtes justement attaché pendant le congrès à expliquer pourquoi les prix de l’électricité étaient corrélés à ceux du gaz. Pourtant, le gaz ne produit que 7 % de l’électricité en France et nombreux sont ceux qui appellent aujourd’hui à un découplage et dénoncent un système de fixation des prix éminemment problématique. C’est d’ailleurs le constat de Bruno Le Maire lui-même, sans qu’on ait l’impression que les états aient d’autres moyens d’agir que de recourir à la dépense publique, via des correctifs de fortune… Est-ce qu’il n’est pas dangereux de ne disposer que de ce levier-là ?

L’électricité est en effet déterminée par le gaz parce que le prix s’établit au niveau de la centrale qui apporte le dernier kilowatt nécessaire à l’équilibre en tout instant du marché. Or, on le sait, l’électricité est un produit qui ne se stocke pas, contrairement au gaz. C’est donc souvent le gaz, environ 50 % du temps, qui permet l’équilibre permanent du marché : car c’est la ressource que l’on utilise pour répondre à la demande non satisfaite par les autres énergies, dans une forme d’appoint. L’efficacité du signal prix est au cœur de l’économie de marché et je pense que c’est quelque chose qui doit être préservé. Mais la question consiste en effet à savoir comment l’on met en place une tarification, non pas au prix marginal, mais selon des contrats de long terme pour éviter de générer ce type de rentes. Car c’est bien une forme de rente, dans la mesure où le prix de production marginal d’une centrale à gaz est aujourd’hui bien plus élevé que le prix de production moyen attaché aux autres énergies. A fortiori, plus encore aujourd’hui… Les contrats sont en général calés sur l’évolution des prix du marché, ce qui est une forme de garantie en soi. L’établissement de contrats de long terme me semble en tout cas être un facteur réducteur d’incertitudes pour les industriels, tout en préservant les conditions de la rentabilité de la production pour les fournisseurs d’électricité. Pour autant, en cas de dépassement de consommation, il faut bien pouvoir rémunérer l’appoint, qui est ce phénomène additionnel qui va déplacer l’équilibre entre l’offre et la demande. Il y a donc probablement en effet une grande reconfiguration du système à penser et mettre en place pour donner plus de visibilité aux acteurs et ce faisant, on limitera aussi ce besoin d’intervention par la dépense publique. Et il est vrai que lorsque l’on voit les montants dépensés pour faire face au choc énergétique, on est sur des mannes considérables : c’est au bas mot 100 milliards d’euros sur trois ans qui sont mobilisés pour amortir le choc, à la fois pour les ménages et les entreprises.

« L’inflation que nous vivons aujourd’hui procède de phénomènes qui se sont installés alors que chacun, ou presque, leur prêtait un caractère plus temporaire. »

Vous décrivez l’enchaînement des causes qui a aujourd’hui pu mener au réveil de l’inflation, selon un ensemble de mécanismes économiques finalement, d’apparence en tout cas, assez classique. On a pourtant le sentiment que le phénomène a pris tout le monde de court…

On a effectivement spontanément pensé qu’il s’agissait d’un pur phénomène de déséquilibre temporaire de marché en sortie de confinement et donc, qu’il allait se corriger. Mais il faut toujours revenir sur les effets de la crise du Covid : en sortie de crise, il y a eu des plans de relance massifs, une stimulation monétaire très importante et in fine une sur-stimulation de la demande, qui en plus s’est portée sur des biens industriels. Des besoins forts sont apparus durant les confinements, en contrepoids de ce que l’on ne pouvait plus faire, comme aller au restaurant par exemple. Quand il a fallu combler cette demande, on a assisté à une explosion des prix des matières premières : c’est ce qui a introduit le ver dans le fruit. On l’a d’abord identifié comme le facteur déclencheur d’un phénomène spontané amené à se résorber… Sauf que la demande est restée très forte, mettant à mal le système logistique international et générant diverses pénuries : le manque de semi-conducteurs, les défauts d’approvisionnement sur certaines matières comme le magnésium etc. Cet enchaînement de tensions a eu lieu avant le conflit en Ukraine, qui a eu pour effet d’amplifier le phénomène de manière, là encore, assez imprévisible. Tous ces éléments ont coagulé pour entraîner une boucle d’accélération des prix, diffusé à l’ensemble des biens et services. L’inflation que nous vivons aujourd’hui procède donc de phénomènes qui se sont installés alors que chacun, ou presque, leur prêtait un caractère plus temporaire. On n’a probablement pas vu assez rapidement les effets de propagation qui se jouaient dans l’espace des prix, avec d’autres phénomènes concomitants : la mobilité accrue de la main d’œuvre, notamment aux Etats-Unis, a été à l’origine d’une hausse sensible des salaires. Et bien sûr, lorsque le conflit en Ukraine survient, il vient poursuivre et amplifier un mouvement qui était déjà bien amorcé.

Faut-il s’attendre à voir ce phénomène inflationniste perdurer ?

Petit à petit, les choses vont se calmer parce qu’on observe déjà que beaucoup moins de capitaux sont levés sur les marchés, donc les capacités d’investissement des entreprises commencent à ralentir, de même que les investissements ralentissent également dans l’immobilier. Globalement, les conditions d’une baisse de la demande se mettent en place et mécaniquement, cela diminuera la pression sur les prix. Mais cela va prendre du temps, d’autant que d’autres éléments sont en cause et sont de nature plus structurelle : on a peut-être vu s’installer un paysage plus durablement inflationniste ces derniers mois, notamment via l’accélération des investissements dans la transition énergétique. Ces investissements-là sont en effet facteurs d’une inflation structurelle plus élevée que ce que nous avons connu dans les vingt dernières années.

“Le prix du gaz va certes baisser à terme, mais il ne va probablement pas revenir aux niveaux que nous connaissions.”

Vous dîtes que nous sommes dans une phase de « récession choisie », est-ce que vous pouvez nous dire en quoi cela consiste, combien de temps ça dure et quelles en sont les conséquences à moyen terme, notamment pour les entreprises ?

Cela renvoie d’abord au Covid : nous avons choisi collectivement de mettre l’économie à l’arrêt. Cela veut dire qu’il faut de l’intervention publique pour éviter les disparitions massives d’entreprises et des pertes d’emplois à l’avenant. C’est un peu la même chose par rapport aux conséquences d’un conflit : on a choisi de mettre en place des sanctions visant la Russie, ce qui occasionne des hausses de prix des matières premières, du gaz et par conséquent de l’électricité. Il faut ensuite assumer ces choix, c’est-à-dire en premier lieu accepter une hausse des prix d’importation de certains produits et de certaines matières. Cette hausse de prix occasionne une perte de revenus pour l’ensemble de l’économie nationale, perte qu’il va ensuite falloir répartir entre les agents. Lorsque le prix du gaz augmente comme il a augmenté, il y a un prélèvement sur l’ensemble de l’économie. Le prix du gaz va certes baisser à terme, mais il ne va probablement pas revenir aux niveaux que nous connaissions, parce que nous aurons changé notre structure d’approvisionnement, parce qu’un producteur important (la Russie) se trouvera de fait beaucoup moins mobilisé, parce que nous aurons fait venir du GNL [gaz naturel liquéfié, NDLR] qui coûte beaucoup plus cher et ainsi nous allons déplacer durablement nos coûts énergétiques vers le haut. Cela ne pourra pas être pris en charge par la puissance publique ad vitam aeternam. Il faut donc se poser la question de savoir comment on organise ces pertes, entre la baisse de pouvoir d’achat du revenu des ménages, l’absorption de ce choc de coûts par les entreprises dans leurs marges et comment elles le restituent dans leurs propres prix. Il y a donc un nouvel équilibre à trouver, en gardant à l’esprit qu’on ne pourra pas maintenir longtemps un déficit public aux alentours de 5 %.

Vous dîtes également que le poids de l’industrie dans le PIB recule logiquement. En quoi est-ce un phénomène normal aujourd’hui ?

L’industrie est le secteur qui produit les plus importants gains de productivité dans l’économie. Habituellement, c’est environ 3 % de gains de productivité chaque année, là où dans l’ensemble de l’économie c’est plutôt 1 %. A quoi servent ces gains de productivité ? Et bien notamment à baisser les prix à destination de ses clients, cela sert aussi à augmenter les salaires et/ou les marges de l’entreprise. Comme le prix relatif de l’industrie recule par rapport à celui de l’économie générale, le poids de l’industrie dans la valeur ajoutée globale va diminuer de manière tendancielle. Mais la question qui se pose est celle-ci : est-ce que ce recul du poids de l’industrie en valeur dans l’ensemble de l’économie est accompagné d’un recul en volume ? C’est-à-dire : est-ce que la contraction de la valeur ajoutée est telle qu’elle est insupportable pour le secteur industriel qui restitue tous ses gains de productivité à ses clients sans être capable d’en garder une partie pour préserver ses marges et investir ? Si tel est le cas, l’industrie rentre dans une logique d’attrition. C’est ce que l’on a observé en France, où ce recul du poids de l’industrie dans le PIB, a été beaucoup plus rapide que dans d’autres pays. En Allemagne par exemple, ce phénomène existe aussi, mais au gré de mécanismes plus vertueux de restitution de gains de productivité et de préservation des marges des entreprises. En France, cette perte de valeur ajoutée est aussi un reflet de la perte de compétitivité de l’appareil de production. D’où les difficultés de notre industrie à préserver ses marges…

« On voit se mettre en place les conditions d’une valorisation des efforts d’exemplarité des industriels dans la sphère écologique et c’est probablement ce que la situation actuelle porte de plus positif. »

Faut-il craindre une année 2023 noire sur le plan de l’activité économique ? Quelles sont les conditions d’une sortie de crise ?

On peut craindre une année noire en effet et c’est ce que disent les industriels allemands : cela a d’ailleurs été relayé lors de votre Congrès, lorsque Florian Kohler [propriétaire-gérant de Gmünd et représentant francophone du Bundesverband Druck & Medien, NDLR] expliquait dans son allocution passionnante combien depuis le mois de février 2022, il passait la moitié de son temps à discuter des conditions d’approvisionnement énergétiques. On voit bien qu’il y a là un sujet extrêmement fort. Quand vous regardez les anticipations sur lesquelles s’appuient les allemands, vous vous apprêtez à affronter un hiver sibérien. Pour autant, je vois aussi des motifs d’encouragement dans la mesure où jusqu’à présent, l’investissement des entreprises résiste. Il est même très positif, au regard de la conjoncture. On a l’impression que les entreprises ont compris les conséquences du choc de prix que nous vivons actuellement, à savoir que cela préfigure notre destin économique pour plusieurs années. On a devant nous des prix de l’énergie qui sont voués à être durablement élevés et les entreprises sont peut-être en train de sortir de leurs cartons des projets d’investissement pour réduire leurs consommations énergétiques et « produire mieux », tout simplement. Autant de projets qui n’auraient pas forcément éclos sans l’urgence de la situation. Tout l’enjeu sera de valoriser cette transformation fondamentale des modes de production, si elle se met bel et bien en place. C’est un tout cas un objectif passionnant et il est d’ampleur internationale : comment valoriser des progrès écoresponsables ? Comment en faire un levier de compétitivité ? C’est là qu’il me semble possible de trouver des conditions de sortie de crise : on accélère dans la phase de récession, on se met certes en danger, mais parce que l’on sait qu’on est capable de valoriser les choix qui auront été faits, notamment en termes de production décarbonée. Là-dessus, il faudra faire en sorte que cela soit validé par le marché de manière beaucoup plus ferme que cela n’a été le cas jusqu’à aujourd’hui. Car il est vrai que jusqu’à présent, les investissements dits « verts » ont fait augmenter les coûts de production, sans apporter encore un avantage compétitif suffisant. Parfois, c’était même désincitatif : la hausse des prix qui en résultait voyait se détourner certains clients de ce type d’offre. Mais le durcissement de la règlementation aidant, il y aura probablement une valorisation concrète des investissements liés à la décarbonation. On parle par exemple de la possible mise en place d’une taxe carbone aux frontières, par l’introduction d’une conditionnalité dans le choix des fournisseurs selon qu’ils aient fait ou non des investissements verts etc. On voit ainsi se mettre en place les conditions d’une valorisation des efforts d’exemplarité des industriels dans la sphère écologique et c’est probablement ce que la situation actuelle porte de plus positif. D’autant que c’est une issue gagnante pour tous : pour les entreprises, pour l’économie et pour le climat.

Pousser les murs : quelles sont les clés d’une diversification réussie ?

A l’initiative de l’UNIIC et en partenariat avec Mutoh, une quarantaine de participants se sont retrouvés chez Poitoo Adhésifs, à Poitiers, le 17 novembre dernier pour « pousser les murs ». L’objectif : penser sa diversification autour des possibilités offertes par l’impression grand format et la communication par l’objet.

Des stratégies d’hyperspécialisation à celles qui visent au contraire la diversification de son offre, les marchés de l’impression offrent de nombreuses possibilités de positionnement. Une variété d’approches qui peut tant procéder de réflexions muries que de virages improvisés…  « La diversification doit aussi être pensée au-delà des effets d’opportunité, c’est-à-dire au-delà des demandes que peuvent vous faire vos clients. L’objectif de cette journée, c’est de vous amener à prendre du recul pour vous poser cette question : qu’est-ce que je peux faire et qu’est-ce que je veux faire ? » clarifie Julie Chide, responsable de la division Industries Créatives pour l’UNIIC, en introduction de cette journée.

L’IDICG propose un accompagnement à la diversification

Si la diversification suppose des investissements au sens large, à la fois techniques et humains, il convient dans un premier temps d’interroger ses propres capacités, pour ensuite faire les choix adéquats. Cela suppose d’analyser son parc machines, d’évaluer les possibilités d’optimisation de son matériel, de soupeser les implications d’un virage technico-stratégique et d’étudier ses besoins à l’aune d’une offre recomposée. Vaste programme, que l’Institut de Développement Industriel pour la Communication Graphique (IDICG) se propose de mener aux côtés des entreprises, via un accompagnement justement dédié aux mouvements de diversification. En premier lieu au moyen d’un « audit & diagnostic tenu sur trois jours, puis de la définition d’une stratégie adaptée au cas par cas (opportunités, préconisations & accompagnement), tenue sur dix jours » détaille Edouard Faucheux, Designer consultant. « La logique qui préside cette action est de permettre à nos entreprises françaises de bénéficier de la meilleure offre de service possible » précise Guillaume Trias (Nuances Impressions) au titre de membre du Bureau exécutif de l’UNIIC, avec « la volonté ferme de ne pas voir partir ces marchés à l’étranger ».

Diversification : mise en pratique !

Si le développement des compétences en interne est essentiel – par des ressources de formation pour lesquelles l’IDICG sera un intermédiaire privilégié, afin de guider les entreprises vers les meilleures solutions et prises en charge –, le choix d’étendre son offre suppose souvent de revoir et/ou étendre son outil industriel. C’était là le sens du partenariat avec Mutoh sur cette bien nommée « journée technique », qui proposait chez Poitoo Adhésifs de mettre en démonstration différents matériels, en collaboration avec différents partenaires :

  • Table à plat UV Grand Format PerformanceJet 2508 UF avec GRAPHIC RESEAU
  • Signalétique souple Xpertjet 1682-sr-pro avec BUROLOGIC
  • Découpe et lamination avec POITOO ADHESIFS, SUMMA, KALA, AVERY, 3M, ASLAN, SAINT CLAIR
  • UV Petit format Xperjet 661 UF par MUST TECHNOLOGIE

 « Notre philosophie, c’est de chercher les bonnes technologies avec les bonnes encres, en fonction de vos besoins. Nous pensons qu’il n’existe pas de solution universelle » explique Guillaume Santana, responsable commercial France, Espagne & Maghreb chez Mutoh. « Nous constatons toutefois que l’on couvre jusqu’à 70 % des besoins avec les encres écosolvants. Pour le reste, nous avons les encres UV » poursuit-il, insistant sur la spécificité de Mutoh sur ces marchés, « seul fabricant à proposer trois types d’encres UV en signalétique souple ». L’impression grand format reposant aujourd’hui sur des technologies relativement matures, une part très importante des efforts qui lui sont liés touche désormais à la diminution des impacts environnementaux associés. « Il faut être honnête : l’impression numérique n’est pas écologique en soi. A nous de chercher à réduire au maximum nos impacts » précise Guillaume Santana, illustrant son propos par la volonté de la marque de maitriser sa consommation énergétique, dans un contexte où par ailleurs, les coûts de l’énergie s’envolent. « L’influence de l’encre sur le bilan carbone est mineure. Pour une encre à solvant, on mesure en effet 8 grammes d’encre par m² sur 300 grammes de PVC + support, soit 2,67 % du bilan carbone. Ce sont donc d’autres facteurs qui sont déterminants, avec en premier lieu le processus d’impression et son efficacité énergétique » fait-il savoir, Mutoh ayant de fait travaillé à des formulations d’encres capables de se fixer à basse température (exemple : 35° pour une encre MS51 sur une XpertJet 1641SR-P), réduisant ainsi de façon mécanique la consommation énergétique des machines.

En s’ouvrant à de nouvelles applications sur différents supports (verre, cuir, bois, textiles, métal, marbre, packaging, céramique etc.), les imprimeurs prêts à reconsidérer leur business sur les marchés étendus de la communication dite « à 360° » ont donc mis à profit cette journée pour se faire une meilleure idée des implications techniques que pareil repositionnement supposerait. Une initiative que l’UNIIC entend reconduire à moyen terme pour proposer d’autres ateliers pratiques, en tant que nécessaires aides à la réflexion, quand il s’agit de repenser son offre.

Jérôme Gelin (Poitoo Adhésifs) a présenté le logiciel ONYX TruFit, un outil d’imbrication qui économise le temps de production d’impressions et maximise l’utilisation des supports. Les utilisateurs peuvent ainsi créer des imbrications complexes et réduire l’usage du média jusqu’à 50 %.

Marc Tourneroche (Darius – Web to Print) s’est appliqué à donner les clés des évolutions nécessaires en termes d’approches commerciales, dans le sillage des initiatives de diversification de son offre.

La Fogra nous a ouvert ses portes

La Fogra est un nom qui pèse dans les Industries Graphiques : connue et reconnue pour être un lieu de recherche, test & certification référent où se joue notamment l’élaboration des normes ISO destinées au secteur, l’association à but non-lucratif compte non moins de 900 membres dans 50 pays. L’UNIIC s’est rendue en terres bavaroises pour juger sur place – et sur pièce – de ses nombreux atouts…

Si le rayonnement de la Fogra n’est évidemment plus à prouver, Eduard Neufeld (son Directeur Général) s’attache à nous rappeler combien « l’institut s’investit dans un maximum de certifications internationales ». Des certifications qu’il contribue à développer, porter et diffuser, à la manière de ce que propose également l’Ugra, basée en Suisse. Elle s’appuie à cette fin sur des travaux qui en font un tiers de confiance essentiel sur des thématiques techniques à la fois extrêmement larges et pointues. La précision n’est pas anodine tant des exigences montantes, notamment sur le plan réglementaire, imposent justement d’intensifier les efforts de R&D.

Plus qu’un luxe, la R&D est une nécessité grandissante

S’il s’est longtemps « simplement » agi d’assurer un degré de qualité supérieur dans la production imprimée, de manière éprouvée et réplicable, la R&D fait aujourd’hui figure d’outil précieux pour répondre aux attentes écoresponsables et/ou sanitaires qui marquent l’instabilité du cadre réglementaire européen. Dans un contexte de simili-pénuries papetière et d’explosion des coûts de fonctionnement, l’innovation technique peut même offrir des solutions d’économies tangibles en répondant à des questions simples : comment consommer moins d’énergie ? Comment optimiser la matière et/ou aborder d’autres substrats ? Etc. Des chantiers qu’il serait présomptueux de prétendre investir sans être décemment armé. « Depuis 1951, nous travaillons à la même chose : rechercher, tester et certifier. Les travaux issus de nos quatre départements – prépresse, impression, applications sécurité et matériels & environnement – eux-mêmes subdivisés en commissions techniques, n’ont pas vocation à rester entre nos murs. Tout notre savoir doit être transféré à l’industrie » tient à clarifier Eduard Neufeld. Et c’est peu dire que l’association s’y emploie avec succès, soucieuse d’être une structure ouverte à l’international et fière de « couvrir à peu près toutes les régions du monde » se félicite en effet son directeur général. Un positionnement qui n’empêche pas la structure d’être un outil particulièrement mis à profit par les pouvoirs publics allemands, qui la missionnent sur des tests & recherches pointus, à vertu de plus en plus environnementale. Pour conduire ses travaux, l’association peut ainsi compter sur une cinquantaine de collaborateurs permanents, principalement des ingénieurs, des chimistes et des physiciens.

Préparer l’avenir tout en consolidant les bases

Pour autant, le profil type d’un membre de la Fogra demeure caractéristique de ce qui a fait la renommée de la structure. « Parmi nos 900 membres, il y a évidemment beaucoup d’imprimeurs qui visent de hauts standards de qualité. Il y en a d’autres qui sont spécialisés dans la fabrication de documents sécurisés. Mais il y a aussi un nombre important de constructeurs et fournisseurs de matériels qui ont besoin d’une expertise solide » précise Eduard Neufeld. Si la Fogra n’hésite pas à facturer ses prestations à la manière d’une plateforme de services, et ce au titre de l’association à but non-lucratif qu’elle est bel et bien,  les 900 membres qu’elle revendique sont d’une certaine façon les dépositaires d’un savoir-faire qu’ils contribuent à déployer. C’est donc à travers eux que la structure rayonne autant à l’international, leur promettant en échange des remises sur ses services & événements, l’accès gratuit à des conseils ou rapports techniques, ou bien encore leur offre-t-on la possibilité de proposer leurs propres problématiques comme potentiels sujets de recherche. Un fonctionnement donnant/donnant dont la Fogra ne se cache pas, attribuant à ses membres une sorte de double-statut de client et d’ambassadeur. « Nos sujets de recherche se doivent à la fois de couvrir les fondamentaux de nos métiers, raison pour laquelle nous continuons de travailler sur les procédés dits ‘conventionnels’, mais aussi de défricher l’avenir » précise Eduard Neufeld. Démonstration en sera faite lors de la visite des bâtiments de la Fogra, qui abritent tant des laboratoires et/ou ateliers dédiés à analyser les substrats, les encres, les procédés d’impression historiques, que des lieux d’expérimentation sur l’impression 3D (on y trouve même un studio de modélisation 3D pour constituer sur place des fichiers imprimables), l’intelligence artificielle ou encore les nouvelles technologies de sécurisation des documents. « Chaque année, la Fogra travaille en moyenne sur vingt sujets de recherche et en traduit la moitié en rapports aboutis et consultables » souligne Eduard Neufeld, ne manquant donc pas de rappeler au passage que les connaissances qui en émergent doivent servir l’industrie au sens le plus global du terme. Une main tendue avec insistance dont nous aurions tort de nous priver et dont il faut aussi certainement s’inspirer…

Le mot de l’UNIIC

Pourquoi s’être rapproché aujourd’hui de la Fogra ? Quels liens tisser avec l’association allemande ?

Pascal Bovéro, délégué général de l’UNIIC

« En adhérant à la Fogra, en jetant les bases d’un partenariat permettant aux adhérents de l’UNIIC de bénéficier des cours de la Web Academy dispensés par cet organisme de référence, l’UNIIC  pose la première pierre du centre d’appui/conseil du secteur. Assembleurs de briques technologiques au carrefour de nombreuses disciplines, notre futur centre constituera pour les TPE/PME du secteur graphique un outil capable d’analyser, d’adapter, mais surtout de transférer des technologies  indispensables à la conception de nouveaux produits & services, ainsi qu’à l’évolution des nouveaux modes de production. En étant la charnière entre la recherche et l’industrie graphique, le centre d’appui/conseil fait le pari de la mutualisation des moyens et des compétences afin que nous devenions un pôle d’expertise en recherche appliquée, apportant aux TPE/PME des moyens et des résultats de tests que ces entreprises ne pourraient acquérir seules. S’associer à la Fogra c’est aussi s’inscrire dans les programmes européens d’innovation qu’une organisation professionnelle ne pourrait mobiliser seule. Le centre d’appui/conseil résultera donc d’un maillage pluridisciplinaire associant des pôles d’excellence spécialisés matériau, des pôles orientés « comportements et propriété des encres » des pôles spécialisés méthodes et organisations industrielles, des centres dédiés aux procédés. Les fondations du centre dont Fogra sera le partenaire, peuvent se résumer de la façon suivante :

– Anticiper : une norme, une nouvelle technologie, une révolution sur les substrats etc.

– Innover : en recherchant des solutions alternatives, des combinaisons durables par exemple.

– Diffuser : pour que les tests conçus selon des méthodes scientifiques (avec l’aide de Fogra) soient réappropriables par tous.

– Accompagner les entreprises en construisant des boites à outils.

Autant d’objectifs assignés à notre contrat de performance qui doit nous permettre d’’installer dans la durée notre réseau national de recherche appliquée ».

Congrès 2022 – L’UNIIC et l’UNFEA marquent leur rapprochement

Un des maîtres-mots du Congrès de la Filière Graphique 2022 était le décloisonnement. Preuve en était donnée dès les premiers échanges de la journée puisque l’événement a été l’occasion d’officialiser un rapprochement concret entre l’UNIIC et l’Union Nationale des Fabricants d’Etiquettes Adhésives (UNFEA)…

Pierre Forcade, Délégué général de l’UNFEA, aux côtés de Benoit Duquesne, Président de l’UNIIC.

“C’est un grand moment pour nos deux fédérations” n’hésite pas à affirmer Pierre Forcade, Délégué général de l’UNFEA. Ce “moment” est en l’occurrence la matérialisation d’une approche commune sur les thématiques RSE au sens large. “Les adhérents de l’UNFEA pourront bénéficier de ce que l’UNIIC propose sur le volet environnemental, comme nos propres adhérents” annonçait en effet Pascal Bovéro, Délégué général de l’UNIIC, quelques minutes plus tôt. Une ouverture qui, il l’assure, “n’est que le début d’une histoire, pour créer la maison de tous”. Comptant 111 adhérents à ce jour (soit environ 400 sites de production en France, pour un chiffre d’affaires de 1,8 milliard d’euros), l’UNFEA, par la voix de son délégué général, identifie en effet “de nombreuses problématiques communes” et n’entend “pas recréer des approches qui existent déjà à l’UNIIC”. Ce sont plus particulièrement les labellisations Print Ethic et le recours à l’outil en ligne ClimateCalc (lequel permet d’évaluer ses émissions de gaz à effet de serre, de façon spécifique pour les entreprises du secteur graphique) qui deviennent dès lors des opportunités communes, tant pour les adhérents de l’UNIIC que pour ceux de l’UNFEA. Mais ce ne devrait effectivement être qu’une première pierre : “Les problèmes de recrutement et de formation seront nos thèmes de travail avec l’UNIIC également” évoquait ainsi également Pierre Forcade. Affaire à suivre, donc..

Revivez “Libres Impressions” en images

Vous étiez près de 200 et grâce à votre soutien, nous avons tutoyé les limites de la jauge de participants qui nous était assignée. Il sera très vite temps de revenir sur les débats qui s’y sont tenus, mais vous pouvez d’ores et déjà revivre quelques-uns des temps fort d’un Congrès qui n’en a pas manqué, en images. Un grand merci aux congressistes, à nos partenaires et à l’Atelier Musée de l’Imprimerie, qui ont permis le principal : nous retrouver.

Hôte de cette journée, Jean-Paul Maury s’est attaché à rappeler combien l’Atelier Musée de l’Imprimerie s’inscrit dans une vision d’avenir. “Il n’était pas question de faire un musée de machines mortes. Je voulais donner une image complète et vivante de nos métiers. l’objectif est de donner envie aux jeunes” précisait-il lors de son discours d’ouverture.

L’auditorium était copieusement garni : près de 200 participants ont répondu présent.

Revenant sur les dépenses et recettes des annonceurs sur les marchés publicitaires, Xavier Guillon (à gauche, France Pub) s’est fait l’écho d’un dynamisme retrouvé, en forme d’éclatement des modèles. “La logique affinitaire fait que l’on place de plus en plus le papier là où il est pertinent” expliquait-il, insistant sur la nécessité pour les imprimeurs de se rapprocher des donneurs d’ordre, pour être au plus près de leurs attentes. Quant à la crise sanitaire, elle est d’ores et déjà à demi-effacée et fait l’objet d’une reprise très rapide : “La situation n’est en rien comparable à celle de 2008. Le PIB est à + 6 % mais les dépenses de communication sont à + 15 %” soulignait-il, ajoutant que “face à pareil phénomène, être attentiste est une erreur”.

Philippe Chalmin, expert mondialement reconnu des matières premières et auteur notamment des rapports Cyclope (qu’il se félicite d’ailleurs de publier sous forme imprimée, les plus copieux d’entre eux pouvant excéder les 900 pages), s’est fendu d’une intervention à la fois galvanisante et riche d’informations. Pour une synthèse de son analyse, relire notre interview.

La pause à mi-journée fut l’occasion de flâner dans le musée et notamment de visiter l’exposition “Le temps des Vinyles”…. Un temps qui, précisons-le, connaît des survivances durables, le marché des disques vinyles ayant retrouvé des couleurs depuis plus de dix ans.

Présenté en avant-première et offert à chacun des participants au Congrès, le coffret “Réfugier” a fait la jonction entre des solidarités humaines et des solidarités techniques. Jusqu’à 2500 exemplaires d’un bel ouvrage construit en trois volets (« Réfugier », « Explorer » et « Relier ») abordent en effet à la fois la réalité de la vie d’un campement de migrants (témoignages illustrés à l’appui, via le concours du milieu universitaire clermontois), tout en sensibilisant le lecteur aux métiers de la chaîne du livre, dont il faut sauvegarder les savoir-faire en France. Pour Catherine Milkovitch-Rioux (Chercheuse), ce projet a “permis une valorisation commune : à la fois de vos métiers et de nos travaux”.

Béatrice Klose, Secrétaire générale d’Intergraf, a dressé un panorama des tendances qui ont animé (et animent toujours) le secteur graphique européen suite à la crise sanitaire, soulignant notamment combien les atouts cognitifs de l’imprimé se sont trouvés renforcés par des études récentes. “Le concept du digital native est un leurre : un jeune ne lit pas mieux sur écran aujourd’hui qu’il y a 15 ans” précisait-elle notamment.

Après une restitution des principaux ratios représentatifs de la santé financière du secteur, Françoise Carré, Chargée d’Études économiques à la Banque de France, a mis en exergue les dynamiques d’un segment d’activité spécifique : celui de l’étiquette adhésive.

Vianney Duhoo, dirigeant des Façonnables Hauts-de-France a rappelé tout l’enjeu stratégique que cristallise la gestion de la pénibilité au travail. C’est à cette fin qu’un exosquelette a pu être testé dans les ateliers de l’entreprise, à la fois bien sûr pour le bien-être et la santé des massicotiers, mais aussi pour travailler à l’attractivité de métiers qui peuvent être mal perçus.

Encore merci… Et à bientôt !

Philippe Chalmin – “Je pense que le point haut de la crise des matières premières est derrière nous”

Professeur d’histoire économique à l’Université Paris-Dauphine, Diplômé de HEC, agrégé d’histoire, docteur ès lettres, Philippe Chalmin est considéré comme l’un des meilleurs spécialistes mondiaux des matières premières. Membre du Conseil d’analyse économique auprès du Premier Ministre, il est l’auteur de nombreux ouvrages et est également chroniqueur en télévision et radio et signe de nombreuses chroniques dans la presse. Avant d’intervenir lors du Congrès de la Filière Graphique “Libres Impressions”, il nous livre ici quelques clés de compréhension d’une crise transversale, qui affecte nombre de marchés plongés dans l’incertitude.

Philippe Chalmin.

On observe depuis quelques mois une flambée des prix des matières premières. On imagine dès lors qu’il existe des causes communes à un phénomène à ce point généralisé, quelles sont-elles ?

Il y a effectivement des raisons communes à cela et d’autres liées à la situation de chaque marché, chacun ayant sa propre histoire. Les deux raisons les plus générales sont :
– Le redémarrage de l’économie mondiale. Il a été plus rapide que prévu puisqu’en ce qui concerne la Chine, il s’observe dès l’été 2020. Pour les Etats-Unis, c’est à peine plus tard : automne 2020. Le redémarrage de l’économie européenne n’est quant à lui intervenu à mon sens qu’à partir du printemps 2021. Ceci s’est traduit par une augmentation de la consommation et donc de la demande, à un moment où bien souvent, les appareils de production n’étaient pas revenus à pleine capacité, du fait du Covid. A un moment aussi où nous avons constaté des goulots d’étranglement logistiques, en particulier en ce qui concerne les transports maritimes. Tout le monde a entendu parler des pénuries de semi-conducteurs, mais il n’y a pas eu que cela : on a observé des tensions sur un certain nombre de marchés. Pour certains, c’était prévisible : pour les métaux par exemple et nombre de produits industriels. Mais pour d’autres, nous avons été plus surpris, je pense notamment au bois de construction, dont le prix a quadruplé aux Etats-Unis. Tout simplement parce que d’un côté l’industrie forestière était encore en situation de réduction de production en raison de la crise sanitaire, et parce que d’un autre côté il a fallu faire face à une augmentation considérable des mises en chantier de logements. Or, 80 % des logements aux Etats-Unis sont en bois, entraînant ainsi une très forte hausse des prix. A tel point que les autres marchés du bois ont été touchés, dans d’autres régions du monde et en particulier en Europe. Cette reprise économique a eu des effets d’autant plus marqués qu’il y avait eu de la part de nombre de gens une sorte de manque à consommer, entraînant une hausse de la demande à un moment où les appareils de production étaient encore affaiblis.
– L’autre grande raison, c’est que la Chine a redémarré beaucoup plus rapidement que tout le monde. Or, c’est le premier consommateur mondial de quasiment toutes les matières premières : incontestablement, la demande chinoise a pesé sur les tensions constatées pour le pétrole, les minerais et métaux, les matières premières industrielles ou même – et c’est relativement nouveau – les produits agricoles. C’est la demande chinoise qui a porté assez souvent les prix de produits tels que le minerai de fer, le cuivre, l’aluminium ou le pétrole à des niveaux largement supérieurs aux minimas qu’on avait enregistrés au printemps 2020. Il faut bien faire la différence d’ailleurs entre le point bas des prix qui étaient pratiqués durant le printemps 2020 et le niveau des prix avant la pandémie. On a toujours tendance à parler de l’augmentation des prix par rapport au printemps 2020, en vérité il faudrait se situer par rapport à la période pré-pandémie, ce qui relativise quand même les hausses de prix.

“La Chine a redémarré beaucoup plus rapidement que tout le monde. Or, c’est le premier consommateur mondial de quasiment toutes les matières premières.”

Ce sont là des causes directement liées à la crise sanitaire… Est-ce qu’elle explique à elle seule le phénomène de pénuries et de hausses des prix constaté ?

Pas tout à fait, il y a d’autres facteurs un peu moins importants à considérer : des accidents climatiques ont perturbé le marché des produits agricoles. Il y a notamment eu de la neige et des gelées au Brésil qui ont eu des effets sur le sucre et le café. Il faut aussi parler d’un autre facteur : alors que les marchés financiers atteignaient des sommets historiques, des investisseurs ont cherché à se diversifier et ont vu les matières premières comme une possible classe d’actifs. On a indiscutablement assisté à un vent de spéculation qui a porté un certain nombre de marchés au-delà des niveaux « raisonnables » qui auraient dû rester les leurs.

Peut-on espérer que ces tensions diminuent désormais ?

Le point haut de ces tensions est probablement derrière nous. Nous sommes en train d’assister à un retour à la normal dans un certain nombre de cas : les prix du bois aux Etats-Unis qui avaient quadruplé sont presque revenus à leur niveau antérieur. Au mois d’août, le prix du minerai de fer a perdu, par rapport aux prix les plus hauts observés au mois de mai, environ un tiers de sa valeur. Et on assiste pour nombre de marchés de minerais et métaux à des mouvements un peu identiques, avec certes toujours des différences d’intensité : au moment où je vous parle, les tensions sont les plus fortes sur l’aluminium et le café par exemple. Mais mon impression, c’est que nous sommes rentrés dans une période de consolidation, même si les goulots d’étranglement logistiques demeurent et continuent de peser sur certains approvisionnements d’entreprises.

“Nous sommes en train d’assister à un retour à la normal dans un certain nombre de cas.”

Y a-t-il des risques de conséquences plus durables ? En d’autres termes, le phénomène peut-il avoir des effets plus constants sur certains marchés ?

Des gens comme Goldman Sachs n’hésitaient pas à parler d’un nouveau super-cycle sur le marché des matières premières, mais je n’y ai pour ma part jamais adhéré. J’ai l’impression que les faits me donnent plutôt raison puisque l’on voit de nombreux marchés qui ont tutoyé leurs niveaux les plus hauts, commencer à baisser. Y compris d’ailleurs sur le plus important d’entre eux qui est le pétrole. Mais encore une fois, les tensions sur le fret et la logistique demeurent, et bien entendu, toutes les prévisions que nous faisons se font à situation sanitaire constante… On peut penser que les évolutions de la pandémie pourront jouer à la hausse des prix si cela paralyse la production, mais à la baisse des prix si cela réduit d’autant plus la consommation. C’est pourquoi il faut avoir conscience que nous restons dans une zone éminemment turbulente, sans même parler des tensions géopolitiques qui sont très sensibles, en particulier sur les marchés de l’énergie.

Comment différencier ce qui relève de tendances de fond et ce qui apparait comme des perturbations plus momentanées et réversibles ? Qu’en est-il par exemple selon vous des hausses de prix constatées sur les marchés du papier/carton ?

Il y a pour les papiers à usage graphique un recul de la consommation tendanciel et structurel depuis des années. Le secteur du carton se porte un peu mieux mais lui aussi a subi les perturbations de collecte et la fermeture des débouchés chinois à l’export. Il est même probable qu’il y ait eu un tantinet d’effet d’aubaine : certains producteurs ont pu en profiter pour restructurer leurs unités, mais c’est difficile de l’évaluer. Ce qui est certain, c’est qu’il y a eu des contraintes logistiques assez dramatiques qui n’ont pas épargné votre secteur : là où un conteneur Asie/Europe peut coûter environ 1500 dollars, on est aujourd’hui facilement à 10 000 dollars. Les goulots d’étranglement au niveau des ports restent par ailleurs tout à fait considérables, que ce soit à l’entrée ou à la sortie des mouvements de matières premières, et c’est un phénomène que l’on constate dans absolument tous les secteurs. On a pris conscience, au travers de cette crise, de la fragilité d’un certain nombre de chaines de valeurs très tendues à l’échelle internationale. L’instabilité s’est même généralisée à nombre de produits que l’on pensait relativement protégés. En l’occurrence, on était habitué à constater des épisodes cycliques de variations des prix sur la pâte à papier et il est vrai que c’était moins sensible sur le PPO [Papier Pour Ondulé, NDLR]. Mais en l’occurrence, le phénomène tend actuellement à se généraliser.

“Il y a eu des contraintes logistiques assez dramatiques qui n’ont pas épargné votre secteur : là où un conteneur Asie/Europe peut coûter environ 1500 dollars, on est aujourd’hui facilement à 10 000 dollars.”

Certains ont pointé un possible défaut d’anticipation, par la constitution de stocks notamment… Est-ce que c’est un levier préventif valide, selon vous ?

Incontestablement, oui. De toute façon, il existe tant des chocs de hausses que des chocs de baisses des prix. L’important pour des industriels, c’est de prendre conscience que le monde est éminemment instable. Ma seule certitude, c’est que demain les prix seront différents d’aujourd’hui. Anticiper par les biais de stocks est une chose, anticiper par le bais d’achats et de couvertures à plus long terme en est probablement une autre. Quand les prix sont bas, on a plutôt intérêt à se couvrir dans ses approvisionnements, mais il convient surtout de ne pas prendre pour acquis les prix d’aujourd’hui. Les papiers sont devenus des commodités, c’est-à-dire des produits dont le prix se fixe dans un pur rapport d’offre et de demande.

Vous portez un discours relativement optimiste, estimant que les tensions sur les matières premières iront maintenant en diminuant… Est-ce que cela vaut également pour le papier/carton ?

Je ne ferai pas de prévision sans base sérieuse, d’autant qu’encore une fois, chaque marché a son histoire. Tout ce que je peux dire c’est que les situations peuvent se retourner de façon assez spectaculaire. Pour le cas du minerai de fer, le prix est tombé en trois semaines de 230 à 140 euros la tonne. Le point haut était à mon sens largement délirant, tout le monde espérait que les prix s’orienteraient à la baisse, mais personne n’imaginait que cela irait aussi vite. On parle là d’un produit pourtant très industriel et la Chine en importe plus d’1,5 milliards de tonnes, c’est ce qui rend la chose extraordinairement surprenante. Et ce n’est pas un cas si isolé : on vient de voir une baisse tout aussi violente en ce qui concerne le bois de construction aux Etats-Unis ou encore en ce qui concerne le coton. Ces baisses peuvent intervenir alors que parfois, on était encore sur des anticipations à la hausse des prix… Je pense que l’on est globalement entré dans une phase de détente, avec toutefois des inconnues sanitaires et géopolitiques qui dérivent logiquement vers des inconnues économiques. Je note quand même un petit peu moins d’optimisme de la part des conjoncturistes aujourd’hui sur le rebond économique post-pandémie, tout simplement parce que la « fin » de la pandémie est sans arrêt repoussée à plus tard. Il faut bien se rendre compte qu’à la moindre résurgence du Covid en Chine, on ferme le port de Ningbo-Zhoushan. De la même façon, pour suivre les évolutions relatives aux goulots d’étranglement logistiques, quand je vois la hausse des taux de frets de conteneurs, je constate qu’ils durent… Je me pose ainsi parfois la question : est-ce une situation organisée par les armateurs ? Je n’en ai pas vraiment l’impression.

“On est globalement entré dans une phase de détente, avec toutefois des inconnues sanitaires et géopolitiques qui dérivent logiquement vers des inconnues économiques.”