Entre engagements responsables & modèles économiques chahutés… Le luxe en pleine introspection ?

Si le rendez-vous des diners débats institué par Imprim’Luxe jouit des privilèges de l’habitude, cette édition 2025 s’est appliquée (risquée ?) à bousculer lesdites habitudes pour sortir des arcanes dorés du monde du luxe. “Tâchons de nous rappeler pourquoi nous existons et pourquoi nous faisons tout ça” prévenait Alban Pingeot, Président d’Imprim’Luxe, en introduction d’une soirée étonnamment placée sous le signe de l’émotion…

Construire des ponts et rester les pieds sur terre. Telles étaient sûrement les volontés d’Alban Pingeot, au moment de convier sur scène Timothée Barre et Christian Delouche, respectivement Délégué général et Vice-Président de l’association Lazare. Dans un moment d’émotion un peu suspendu et probablement inattendu, les deux ont voulu rappeler combien personne n’était à l’abri de décrocher socialement. Et ce faisant, qu’il appartenait à tout le monde de recréer du lien…

Timothée Barre et Christian Delouche, respectivement Délégué général et Vice-Président de l’association Lazare.

Donner du sens au collectif

“On dispose de quinze lieux en France où nous accueillons entre 10 et 300 personnes, avec autant d’anciens SDF que de jeunes actifs. Notre volonté, c’est de mettre les gens sur un pied d’égalité” éclaire Timothée Barre, qui dit là déjà beaucoup de la singularité de l’association Lazare. Là où les programmes de réinsertion sociale ont effectivement tendance à parer au plus pressé, Lazare s’est attachée à concevoir des lieux de vie mixtes. “Les personnes qui vivent dehors ont besoin d’un toit, mais aussi d’un lien” poursuit-il, rappelant sans forcément le formuler explicitement à l’auditoire, que là se niche la vérité du collectif : sans liens concrets entre des univers tenus éloignés, on manque probablement de liant social et d’empathie. Plus encore, on manque de comprendre le sens de l’excellence, qui n’a pas vocation à être détenue et jalousement gardée par une élite désignée comme telle. Elle doit au contraire s’inscrire comme un pont pour créer du lien. Voire, de la solidarité. Des questionnements profonds, en des temps où les marchés du luxe vacillent…

“Il y a une percée effroyable de la fast fashion, dans un monde où les limites planétaires sont évidentes.” Pierre-François Le Louët (Président de NellyRodi)

Alain Caradeuc (au pupitre) animait une table ronde où intervenaient, de gauche à droite, Eric Vallat (Rémy Cointreau) et Pierre-François Le Louët (NellyRodi).

“Il faut arrêter ce défouloir consommatoire”

Paradoxalement, le caractère clinquant et prétendument inaccessible du monde du luxe a pu jouer en sa défaveur et mener à de dommageables malentendus. “J’admets que j’en avais un a priori négatif. Le luxe, pour moi c’était superficiel. Et bien sûr, j’ai découvert des savoir-faire exceptionnels” raconte Eric Vallat, aujourd’hui Directeur général du groupe Rémy Cointreau (spécialiste français de la production de spiritueux). Car dès lors que l’on parle en effet de savoir-faire précieux, rares et/ou garants d’un héritage historique fort, les réserves s’envolent volontiers pour voir les choses sous un angle plus profond – moins ‘superficiel’ donc – et nous rappeler à nos missions de sauvegarde patrimoniale. De façon plus nette encore, c’est aujourd’hui le low cost qui doit cristalliser des inquiétudes légitimes, dans un rapport vicié à la consommation… “Pendant vingt ans, le marché de l’habillement n’a cessé de se dégrader en France” pose en effet comme exemple Pierre-François Le Louët (Président de NellyRodi, cabinet de conseil en stratégie expert dans le secteur des industries créatives), qui souligne sans surprise “la percée effroyable de la fast fashion, dans un monde où les limites planétaires sont évidentes”. Il ne s’en tiendra pas là : “Il faut arrêter ce défouloir consommatoire, c’est notre devoir de refuser ce modèle là. Les gens commencent à s’en détourner, mais ne lâchons rien” insiste-t-il, mettant là toutefois le doigt sur un relatif paradoxe. Car si les enjeux écoresponsables tendent effectivement à valoriser la production de qualité (et donc, les marques de luxe), ils imposent tout autant aux marques des défis qui restent à relever. “Il est vrai que la conjoncture est défavorable, mais le luxe continue de rayonner, ne nous flagellons pas. Il n’empêche que les choses ont effectivement changé : avant, une marque disait quelque chose et tout le monde la croyait. Aujourd’hui, ce qui compte c’est ce que les gens disent de vous. On n’achète plus seulement un produit, on se reconnaît ou non dans des valeurs de marque. Et à ce titre, les marques doivent se demander ce qu’elles apportent au monde” développe Eric Vallat. “Or, avant de communiquer, il faut faire. Parfois, on observe malheureusement l’inverse. Je n’ai jamais été sceptique quant à la réalité du changement climatique, mais il faut prendre l’exacte mesure de ce qui se passe. En m’intéressant de près au sujet, j’ai quand même appris des choses qui m’ont fait peur” admet-il dans la foulée, comme pour souligner combien il appartient désormais aux marques de faire leur examen de conscience en connaissance de cause. Et surtout : d’agir en conséquence. Faute de quoi, les consommateurs y iront de leurs propres sanctions de toute façon.

“On n’achète plus seulement un produit, on se reconnaît ou non dans des valeurs de marque. Et à ce titre, les marques doivent se demander ce qu’elles apportent au monde.” Eric Vallat (Directeur général du groupe Rémy Cointreau)

De la responsabilité à l’audace ?

“Je sais que quand je vends un produit plus cher en raison d’engagements RSE, les ventes baissent… Et bien tant pis ! C’est notre responsabilité que d’aller vers des modèles plus vertueux” assène Pierre-François Louët, dans ce qui constitue un retournement marquant. Car il y a de cela seulement quelques années, jamais la primauté des Lois du marché n’aurait été à ce point prise à revers, même s’il faut bien comprendre qu’il s’agit là d’une stratégie en réalité éminemment rationnelle. “Dans le luxe, nous essayons d’avoir une vision à 100 ans… C’est un rapport au temps particulier” s’amuse de souligner Eric Vallat. Conséquemment, les problématiques climatiques, environnementales et plus globalement RSE sont d’une importance écrasante, à si longue échéance. D’autant qu’au gré des règlements en cours d’application sur ces sujets, le mouvement vers plus de transparence et de responsabilité se conjugue au présent. Voire au pas de course. Au mépris des urgences économiques pour les entreprises ? C’est certainement Jean-Christophe Martinenq, Dirigeant de l’imprimerie éponyme qui répondra le mieux à cette objection, recevant des mains du Président d’Imprim’Luxe le Trophée de l’Audace stratégique. Emu mais humble, il s’empresse de nuancer : “De l’audace ? Je ne sais pas si c’est de l’audace. Il arrive un moment où l’on est contraint d’avancer. C’était pour moi une obligation : nous diversifier pour couvrir les attentes du marché. Se réinventer, c’est être à l’écoute du monde. Oui, nos métiers sont en difficulté, mais ils le seront d’autant plus si on ne fournit pas l’effort de se rendre utiles” témoigne-t-il, lui qui n’a pourtant pas opéré la moindre des innovations puisque l’imprimerie Martinenq est allée jusqu’à remplir les flacons de parfums qu’elle conditionne, dépassant de fait sa seule fonction d’imprimer/fabriquer. Comme pour valoriser également les nobles savoir-faire d’une industrie légitimement fière de son Histoire, le Prix de l’Innovation a quant à lui été remis à Cai Von Rumohr, Président d’Heidelberg France. L’intention est double : rappeler l’importance du matériel dans la nervure industrielle des métiers de l’impression d’une part ; et désigner à dessein une marque Historique comme un acteur majeur de l’innovation. C’est la solution Gallus MatteJet qui a été auréolée de ladite récompense, en sa capacité à produire des étiquettes haut de gamme, en impression numérique. Une solution idéale pour les spiritueux qui voudraient briller jusque sur leur bouteille, en s’épargnant les opérations d’ennoblissement additionnelles, notamment pour la pose de vernis en courtes séries. Une habile manière de boucler la boucle, puisque des considérations stratégiques des marques aux matériels de production, la convergence des tendances devra prendre un tour de plus en plus concret.

De gauche à droite : Cai Von Rumohr (Heidelberg France), Alban Pingeot (Imprim’Luxe) et Jean-Christophe Martinenq (Imprimerie Martinenq).

“Se réinventer, c’est être à l’écoute du monde. Oui, nos métiers sont en difficulté, mais ils le seront d’autant plus si on ne fournit pas l’effort de se rendre utiles.” Jean-Christophe Martinenq (Dirigeant de l’imprimerie éponyme)

Activité partielle de longue durée : l’UNIIC en première ligne

La branche de l’imprimerie de Labeur et des industries graphiques s’est employée depuis plusieurs années à prendre des initiatives ambitieuses pour renforcer l’attractivité du secteur auprès des jeunes. Parallèlement, les entreprises du secteur ont pu constater les tensions qui se sont fait jour sur le marché de l’emploi et du recrutement sur des postes devenus sensibles.

Cependant, dans la séquence que connait le secteur graphique et l’industrie en général, l’impératif qui doit être le nôtre est aussi de fidéliser les salariés et maintenir l’emploi, alors que certains segments de l’activité graphique connaissent un décrochage en termes de charge de travail.

C’est dans ce contexte aléatoire que l’UNIIC a fait le choix avec plusieurs organisations représentatives des grands secteurs industriels, confrontés au retour des incertitudes, de soutenir auprès des pouvoirs publics et de plusieurs députés de la Commission des affaires économiques, de l’assemblée nationale, la nécessité de relancer très rapidement un dispositif d’activité partielle de longue durée adaptée à la période actuelle.

C’est ainsi que dans le cadre du débat parlementaire portant sur le projet de loi de finances désormais adopté, sous réserve de la décision du Conseil Constitutionnel, ce dispositif (désormais rénové) qui avait accompagné les entreprises en 2021, a été intégré à la loi de finances sous la forme d’un article 65 septies qui s’inscrit “dans le contexte de la dégradation de la conjoncture et d’extinction progressive du dispositif d’APLD.”

Ce nouvel outil intitulé “activité partielle de longue durée rebond” est plus favorable et plus souple que le dispositif d’activité partielle de droit commun, notamment pour la durée de mise en œuvre et des taux de prise en charge qui doivent être fixés par un décret qui va nous être soumis.

Il reste cependant moins attractif que la précédente version.

Ce nouveau dispositif non cumulable, bien sûr, avec le dispositif d’activité partielle de droit commun, sera mobilisable via un accord collectif en entreprise ou par le biais d’un document unilatéral de mise en œuvre adossé à un accord de branche, que l’UNIIC se propose de soumettre aux partenaires sociaux.

Comme dans la précédente version, l’accès à ce dispositif ne sera possible que si des engagements ambitieux sont pris en matière d’emploi et de formation professionnelle, comme nous en avions pris l’initiative avec les organisations de salariés membres de la CPPNI.

Pour mémoire, les entreprises qui désireraient s’inscrire dans notre futur accord pourront réduire le temps de travail de leurs salariés et percevoir en contrepartie une allocation pour en alléger le coût.

Les salariés recevront une indemnité afin de limiter l’impact de cette réduction du temps de travail sur leur rémunération.

Durée, taux et statut fiscal et social des compensations seront fixés par le décret et une circulaire.

Les entreprises devront transmettre leurs dossiers aux Dreets pour validation ou homologation sur une période comprise entre le 1er Mars 2025 et le 28 février 2026.

Dès l’entrée en vigueur du dispositif légal et règlementaire complété par le dispositif de branche, nous vous informerons et vous conseillerons, avec le service social de l’UNIIC, pour éviter tout refus de forme ou de fond, que certaines Dreets avaient opposé à certains de nos membres.

                                                                                                   Pascal BOVERO, Délégué Général de l’UNIIC

Nouvelle classification des emplois dans l’Imprimerie & les Industries Graphiques : quel impact pour les entreprises de la finition ?

Le secteur de la finition au sens large (reliure, brochure, dorure) a connu au fil du temps des modifications de périmètre qui se sont notamment traduites par des disparitions d’entreprise (hélas !), des regroupements et des adossements au secteur de l’imprimerie, pour se positionner sur une offre globale attendue par le marché. Cependant l’autonomie du “façonnage spécifique” a longtemps été conservée, même si cette autonomie consacrée par les accords paritaires ne concernait plus que quelques entreprises de reliure (artisanales, semi-industrielles ou industrielles) et de brochure. En 1996 (le 12 décembre) la FICG (l’UNIIC de l’époque) acceptait de reconnaitre cette spécificité garantie par cet accord. Outre des dispositions générales, ce texte se distinguait de la convention collective de l’imprimerie par :

– Une classification spécifique dont la philosophie n’était pas la même que la classification de l’imprimerie, fondée sur des critères classants.
– Des minimas salariaux fixés par une politique salariale Adhoc, pour les entreprises relevant de cet avenant, même si des façonniers au fil du temps ont basculé sur les classifications du “Labeur”.

A l’heure où nous avons signé un accord paritaire qui acte de la convergence des secteurs et fait gérer la reliure brochure dorure par une classification unique et des minimas communs, il nous est apparu indispensable de rappeler à toutes les entreprises relevant du code 18-14z que si l’ancienne classification RBD n’existe plus, il est impératif de prendre en compte les spécificités de ce secteur :

– En intégrant de nouveaux emplois repères qui font à ce jour défaut dans la nouvelle classification.
– En introduisant de la souplesse transitoire quant à la mise en œuvre de ce nouveau texte et des minimas qui y sont associés.

Nous sommes conscients que nous devons gérer la transition au profit de tous et qu’il serait contreproductif de traiter de manière uniforme et sans accompagnement des entreprises, des situations, qui exigent une vraie boite à outils pour les façonniers pour lesquels l’UNIIC doit assurer une transition adaptée à ce qui relève d’une “industrie” de main-d’œuvre.

Les partenaires sociaux sont tout à fait conscients de cette exigence. Le guide d’explication de la classification va être édité au cours de ce mois : conçu par l’UNIIC sous une forme paritaire, il sera d’une précieuse aide pour répondre à toutes les questions de vos salariés qui doivent se reconnaitre dans cette nouvelle donne, que nous allons vous aider à vous approprier.

Comme toujours l’essentiel est dans la méthode et la pédagogie qui doit en être le socle.
Le bureau de la Chambre Syndicale Nationale de la Reliure Brochure Dorure (CSNRBD), notre responsable juridique et moi-même mettrons tout en œuvre pour vous conseiller et éviter toute mauvaise interprétation, sachant que dans ces domaines si complexes, il est impératif de revenir à la source ce ceux qui écrivent les textes et portent votre message, ce qui est la mission régalienne de l’UNIIC et de la CSNRBD.

Pascal Bovéro, Délégué général de l’UNIIC, avec le concours actif de de la CSNRBD.

Hommage à Philippe Aertgeets

“L’UNIIC est affectée par la brusque disparition de Philippe Aertgeets, récemment primé es qualités de lauréat des stars de l’imprimerie. L’homme, l’équipe et l’entreprise, unis autour de l’excellence comme la communauté des grands acteurs du packaging que nous soutenons, faisaient la fierté du secteur du luxe (spiritueux et cosmétique notamment) tant par sa créativité au travers de son bureau d’étude, véritable centre technique à lui tout seul, que par les choix technologiques qu’il avait pu faire avec son équipe.
Lors de la dernière soirée Caractère, nous échangions encore sur la griffe qui le caractérisait et méritait amplement l’honneur qui lui était ainsi réservé. Au nom du bureau exécutif de l’UNIIC , j’adresse toutes mes pensées à ses proches.”

Pascal Bovero – Délégué général de l’UNIIC

Voyage d’étude – Partez au Japon avec l’UNIIC

Fidèle à sa mission d’informer et faire découvrir, l’essence même des innovations, l’UNIIC lance une Japan innovation week qui vous conduira du 7 au 14 décembre 2024 au pays de l’empire des signes, où l’attachement au papier cohabite avec une société connectée fière de son histoire.

AU PROGRAMME

Le programme que nous avons construit vous permettra de pousser les portes des centres d’application de Konica Minolta, Ricoh, Komori ou encore du fabricant de solutions robotiques Fanuc (liste non exhaustive, programme complet à préciser). 

Nous nous rendrons également chez Kyodo Printing (1300 salariés, 300 millions d’euros de CA) et Dai Nippon Printing, qui n’est rien de moins à ce jour que le plus grand imprimeur japonais (36 542 employés dans le monde en 2022, à l’échelle du Groupe international).

Préfigurant ce qui pourrait profiler le secteur graphique de demain à l’heure de l’intelligence artificielle, l’UNIIC qui a noué des relations étroites avec nos confrères japonais, la Japan Federation of Printing Industries, se devait de vous offrir cette opportunité d’exception.

Nous séjournerons tour à tour à Tokyo dans le quartier animé de Shinjuku, cœur battant de la capitale japonaise, et dans la région d’Hakone, au pied du mont Fuji, au gré des visites qui façonneront notre programme.

INSCRIPTION & PRISE EN CHARGE

Compte tenu de l’implication de l’UNIIC qui a intégralement organisé ce parcours et du soutien financier provenant des fonds mutualisés de la branche via Ambition Graphique, notre outil d’accompagnement, le reste à charge pour votre entreprise est dérisoire (à hauteur de 10 % du coût total) pour ce voyage d’exception qui comprendra des séquences récréatives et des découvertes fondées sur le partage d’innovations en phase de lancement.

Tarif plein : 5900 euros
Reste à charge : 590 euros par personne pour les entreprises du secteur graphique remplissant les conditions d’éligibilité professionnelles.

Mise à jour 21-11-2024 : Le plafond des quarante participants a été atteint, nous ne sommes plus en mesure d’enregistrer de nouvelles inscriptions.

Contact : yoan.riviere@uniic.org

Un événement d’exception organisé par l’UNIIC et la branche au pays du soleil levant

Depuis plusieurs années, l’UNIIC s’est fixé pour objectif de mutualiser pour comprendre les clefs de nos futurs possibles. Ainsi, nos missions successives au Québec, en Chine, à la Drupa, à Lucerne à l’occasion des Hunkeler Innovation Days ou encore à Barcelone (voir notre article, page 10), que nous avons restituées dans nos supports, ont été des succès qui restent dans toutes les mémoires.

Fidèle à sa mission d’informer et faire découvrir, l’essence même des innovations, l’UNIIC lance une Japan innovation week qui vous conduira du 7 au 14 décembre 2024 au pays de l’empire des signes, où l’attachement au papier cohabite avec une société connectée fière de son histoire.

Le programme que nous avons construit vous permettra de pousser les portes des centres d’application des plus grands fournisseurs d’impression numérique qui demeurent les plus avancés dans le domaine de la robotique et de l’automatisation des procédés et des processus dont toutes les solutions n’ont pas été dévoilées à la Drupa.

Préfigurant ce qui pourrait profiler le secteur graphique de demain à l’heure de l’intelligence artificielle, l’UNIIC qui a noué des relations étroites avec nos confrères japonais se devait de vous offrir cette opportunité d’exception dont le programme détaillé va vous être transmis.

Compte tenu de l’implication de l’UNIIC et du soutien financier de la branche, vous comprendrez que le reste à charge pour votre entreprise est dérisoire pour ce voyage d’exception qui comprendra des séquences récréatives et des découvertes fondées sur le partage d’innovations en phase de lancement.

Inscrivez bien ces dates sur votre agenda car d’expérience nous savons que ce type de voyage qui marie culture et partage d’intelligence collective demeure inoubliable et source d’enrichissement pour maintenir notre cap par gros temps.

Pascal Bovéro, Délégué Général de l’UNIIC

Contacts :

Yoan Rivière
Julie Chide

Le centre technique des industries graphiques peut-il être le CETIM ?

Cet article est paru dans Acteurs de la Filière Graphique n°145 (mars 2024)


En quête de la meilleure option pour offrir au secteur graphique un centre technique adapté et efficient, l’UNIIC se rendait au CETIM – pour Centre technique des industries mécaniques – afin de jauger sur place des bénéfices à s’y adosser. Un travail qui s’inscrit dans une volonté de longue date de se munir d’outils collectifs performants, pour « muter » au plus juste…

Le CETIM fait partie des douze CTI (Centre Technique Industriel) reconnus par l’Etat ayant pour mission « d’accompagner le tissu industriel, en particulier les PME, pour innover, pour acquérir la maîtrise des technologies numériques ou robotiques, pour se développer et/ou pour s’internationaliser », précise la Direction Générale des Entreprises (DGE). Un statut qui engage le CETIM, récipiendaire de fait d’une taxe publique, à mener son action au nom du bien commun.

« La mécanique est un nécessaire trait-d’union entre des univers de prime abord disparates. »

Unis par la logique mécanicienne

« C’est le propre des CTI que d’être utiles à la modernisation, à la réindustrialisation et à la souveraineté industrielle. Un rapport parlementaire les a reconnus comme des outils de développement efficaces et c’est bien ce que nous mesurons à l’aune de ce que nous disent nos propres cotisants : 80 % d’entre eux se disent satisfaits de notre action et jusqu’à 60 % viennent nous rendre visite sur site une fois par an » détaille Sylvain Lambert, Secrétaire Général du CETIM. Si 50 % des ressources de la structure proviennent en effet de cotisations obligatoires, l‘autre moitié est le fait de prestations obtenues dans le cadre d’une action d’ordre privé : tests sur-mesure, expertise personnalisée, conseils, formation, intégration d‘innovations etc. Une batterie d’accompagnements à caractère commercial, qui voit le CETIM jouir de compétences multiples, au service d’une vingtaine d’industries. « On ne cesse de le répéter, la mécanique est partout » soulignent-ils en chœur, comme pour réaffirmer son rôle de nécessaire trait-d’union entre des univers de prime abord disparates. « C’est parce que certaines problématiques sont communes à différents secteurs qu’elles peuvent bénéficier chez nous d’un appui. Ce ne serait pas forcément le cas si chacun bénéficiait de son propre centre technique sectoriel » estime par ailleurs Sylvain Lambert, réaffirmant combien le caractère mutualisé des actions envisagées conditionne la capacité du CETIM à investir – ou non – ses moyens et compétences sur une problématique donnée. Or, dans ce modèle de fonctionnement hybride, quelle place alors pour les industries de l’impression ?

« Certaines décisions auraient bien besoin d’un éclairage technique : tests de faisabilité, reconfiguration possible du matériel, diversification des procédés etc. »

Formaliser les spécificités du secteur graphique pour se poser les bonnes questions

Les métiers de l’impression ont ceci de particulier qu’ils engagent des technologies diverses et s’adressent à des marchés encore segmentés, en dépit d’évolutions transverses : percée actée des interfaces de pilotage numériques, contraction globale des volumes et nécessité de réduire les coûts et les temps morts, entre des jobs de plus en plus éclatés. Le tout sur fond de règlementations ‘vertes’ en plein boom. La demande s’est ainsi déstandardisée, entraînant de nouvelles exigences industrielles qui se conjuguent de mille façons, selon la taille de son entreprise, ses machines, ses clients, ses modes d’organisation et – bien sûr – son capital humain. Face à pareille recomposition, la stratégie ne peut pas tout et certaines décisions auraient bien besoin d’un éclairage technique : tests de faisabilité, reconfiguration possible du matériel, diversification des procédés… Autant d’hypothèses qu’il faudrait pouvoir simuler et confronter à des réalités technico-mécaniques, via un centre d’appui neutre et d’ambition collective. « Les entreprises, dans leur immense majorité, gardent leurs innovations pour elles. Le partage ne dépasse jamais la dimension de petits réseaux constitués – ImpriFrance ou ImpriClub par exemple – et c’est un problème : il faudra les faire parler. C’est à cette seule condition que nous pourrons vous exprimer les besoins du secteur » fait observer Pascal Bovéro, Délégué général de l’UNIIC. « Qu’est-ce que je peux dire à des industriels dont les machines sont mono-orientées sur des marchés menacés à court ou moyen terme ? C’est pour répondre à ce type de questions que le CETIM peut nous aider » poursuit-il, pointant là une des conditions – et non des moindres – du retournement : se repositionner au mieux suppose en effet de savoir ce qu’autorise le matériel à disposition, moyennant ensuite les ajustements idoines. « Reconditionner ces machines et éventuellement les réhabiliter vers des marchés plus porteurs, cela ne peut venir que d’un architecte de solutions fédérateur et c’est de toute évidence le rôle d’un centre technique. D’autant qu’un centre technique peut tâtonner, voire se tromper et recommencer, certainement pas un imprimeur qui se trouve dos au mur » résume-t-il.

« Un centre technique peut tâtonner, voire se tromper et recommencer, certainement pas un imprimeur qui se trouve dos au mur. » Pascal Bovéro (Délégué général de l’UNIIC)

Le Quatrium permet aux entreprises de se projeter dans des hypothèses de développement, en s’appuyant sur des modèles industriels au plus proche de ce qu’elles sont (ou aspirent à être), maquettes à l’appui.

Le CETIM, un interlocuteur technique davantage qu’un sous-traitant

« L’expression des besoins ne peut venir que de vous » tient cependant à rappeler Sylvain Lambert, qui note par ailleurs combien les métiers du print sont tiraillés entre les univers de l’industrie d’une part et de la culture d’autre part. Une identité bicéphale qui n’est pas pour l’inquiéter outre mesure, mais qui nécessitera de définir au mieux – et en amont – des problématiques métiers, de sorte à les rendre soluble dans le modèle d’un CTI multisectoriel. « Aujourd’hui, on ne connait pas les métiers de l’imprimerie. Nous n’aurons de solutions à vous proposer qu’à condition de travailler en commun : c’est vous qui allez nous guider. C’est comme cela que ça se passe avec tous nos industriels : le matin nous sommes forgerons, l’après-midi nous sommes fabricants de tracteurs et le lendemain nous faisons du traitement de surfaces. Nous n’avons évidemment pas la prétention d’être des spécialistes de tous ces métiers. C’est donc en travaillant en bonne intelligence, en constituant les bons groupes de travail, que l’on peut mettre en place les meilleures solutions » insiste Philippe Lubineau, Directeur Recherche & programmes. Car il faut le redire : si le CETIM est un outil très permissif en cela qu’il met des moyens à disposition pour concrétiser des tests ou finaliser des études, il n’épargnera pas au secteur un nécessaire travail d’introspection destiné à hiérarchiser ses besoins. Une mission d’autant plus impérieuse que si bien des entreprises s’y sont attelées à leur propre échelle, donner un caractère collectif à des réflexions individuelles et spontanées suppose la juste synthèse d’observations encore insuffisamment vérifiées. Entre autres leviers que nous permettrait de lever un centre technique capable de s’approprier des problématiques liées à l’imprimé au sens large, il s’agirait notamment de pouvoir opposer des travaux sérieux et étayés aux fournisseurs de matériels, qui en l’état bénéficient d’une mainmise presque totale sur les aspects R&D, les environnements logiciels, la maintenance des machines et plus globalement, sur la définition du périmètre applicatif attaché au hardware. De sorte que les arguments de vente construits autour des fiches techniques des machines, ne peuvent que rarement être discutés : ils sont présentés comme des faits, là où un centre technique pourrait (devrait) jouer le rôle de tiers certificateur, non pas tant pour guider les investissements industriels au cas par cas, mais bien pour redéfinir les possibles de l’industrie, au-delà des promesses commerciales et à la lumière de ce que permettent nos outils de production.

ClimateCalc – “On fait le bilan”

Cet article est paru dans Acteurs de la Filière Graphique n°145 (mars 2024)


ClimateCalc est un calculateur européen qui permet d’estimer l’empreinte carbone d’un site d’impression et des imprimés qu’il réalise. Adapté à des problématiques sectorielles spécifiques, il offre une alternative intéressante aux solutions dont l’approche plus industrielle – au sens large – apparaît moins directement accessible. Comment initier un bilan ClimateCalc et comment conduire une démarche suivie dans le temps ? Nous avons interrogé Matthieu Prevost (Responsable Environnement pour l’UNIIC), qui accompagne les entreprises sur ces questions.

On a le sentiment que le sujet du bilan carbone explose aujourd’hui dans les Industries Graphiques, alors que CilmateCalc a déjà plus de dix ans…

La problématique des bilans carbone pour le secteur graphique était poussée chez Intergraf il y a déjà presque quinze ans et il a d’abord été créé un consortium avec le Danemark, la Finlande, la Grande-Bretagne, les pays Bas, la Belgique et la France. D’autres pays ont suivi un peu plus tard : Norvège, Portugal, Suède etc. Il faut bien avouer que la France a d’abord été attentiste, malgré de premiers accompagnements tenus dans le cadre d’actions collectives et ça n’a décollé chez nous qu’assez récemment. Mais nous avons refait notre retard en à peine deux ans : les demandes d’entreprises souhaitant rentrer dans cette démarche ont explosé. Et ça ne ralentit plus, en réaction – je pense – à deux types de pressions : celle des donneurs d’ordre qui poursuivent des trajectoires de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) et celle de mesures qui s’inscrivent plus globalement dans le cadre d’une politique climatique, à l’attention notamment des industriels, que ce soit au niveau réglementaire national ou européen. Ce que l’on vit aujourd’hui, ce sont des obligations visant les grosses entreprises, qui ruissellent en cascade sur les entreprises de plus petite taille et/ou les sous-traitants. Et il y a aussi une pression d’image : nous sommes de plus en plus critiqués et à ce titre nous devons nous emparer de ces sujets.

A ce stade, s’agit-il surtout d’offrir une forme de transparence en chiffrant ses impacts, ou y-a-t-il déjà des programmes construits de réduction des émissions chez les entreprises qui s’investissent ?

Il faut d’abord en passer par une phase de collecte, parce que très souvent, on parle d’entreprises qui ne savent pas où elles en sont. Il faut comptabiliser ce qu’on émet avant de prétendre pouvoir réduire. Une fois que l’on a cette photographie, on peut s’inscrire dans une trajectoire et identifier des objectifs de réduction d’émissions de GES. ClimateCalc permet à la fois une approche site et une approche produit. J’ai tendance à dire que l’approche site est un outil de management interne des réductions d’émissions de GES : cela permet très vite de savoir où il faut porter ses efforts au niveau de la structure globale. Et enfin il y a l’onglet ‘produit’ qui permet une approche plus fine, de travailler une forme de pédagogie avec le client pour ‘mieux concevoir’, tout en optimisant des coûts critiques : gâche papier, consommations d’encres etc.

Il apparaît pourtant très vite que le principal poste d’émissions concerne le support d’impression, l’imprimeur n’ayant donc qu’une marge de manœuvre réduite sur ce qui est imputable aux papetiers…

Effectivement, ça peut aller de 60 % à près de 90 % des impacts carbone qui sont directement liés au papier. Le poste support est le premier à citer s’il faut prioriser les actions, mais ça n’est pas toujours si simple. Déjà parce que la décision appartient au client, à ses frais, et qu’il faut faire avec ce qui existe sur le marché. Partout où j’interviens, j’insiste énormément sur la question de la transparence : je demande aux imprimeurs de l’être, il faudra que les papetiers le soient aussi. Dans l’idéal, il ne faudrait plus acheter seulement une référence, mais savoir de quelle usine elle provient. Cette traçabilité n’est pas toujours aisée à établir, parce que si les distributeurs sont précieux pour écouler de petites quantités à des TPE, ils ne tiennent pas toujours à dévoiler leur lieu exact d’approvisionnement. Autre problème : les paper profiles sont trop souvent établis sur du déclaratif et les données sont encore à mon sens trop souvent imprécises ou lacunaires. On constate d’ailleurs parfois que deux papiers provenant de deux usines différentes ont exactement le même paper profile, ce qui n’est évidemment pas cohérent. Une fois qu’on a dit ça, oui, on peut aller travailler sur le sourcing fournisseurs et c’est ce que font certains imprimeurs que nous accompagnons : ils regardent quelles sont les lignes les plus impactantes de leur bilan carbone et tâchent de les faire sauter, à condition bien sûr que ce soit économiquement viable. A ce stade, il faut être réaliste : l’aspect carbone n’est pas encore un levier essentiel dans la prise de décision du donneur d’ordre, mais c’est un paramètre qui compte de plus en plus. Il faut essayer de se positionner au bon point d’équilibre. Souvent, c’est le volume qui fait le prix : selon ce que le papetier a en stock et selon ce que l’imprimeur veut commander, le prix va être ajusté. L’approche carbone n’arrive encore qu’en dernier ressort. Rares sont les clients qui disent aujourd’hui « Je me moque du prix, je veux le papier le plus vertueux ». Par ailleurs, il faut évidemment faire des choix cohérents au regard de ce que l’on veut produire : on ne va pas prendre un papier exemplaire d’un point de vue ‘impact carbone’, s’il n’est pas adapté à ce que l’on veut faire. Typiquement, les papiers d’art sont des supports très qualitatifs et ils réclament souvent plus de traitements que d’autres.

ClimateCalc a aussi été créé pour offrir au secteur un outil sur-mesure. Pourquoi est-ce que c’était important ?

C’est un produit de fédérations européennes et en cela, ClimateCalc est un outil collectif neutre : ce n’est pas un générateur de business pour des consultants privés, il est déjà très important de le souligner. A ce titre, les tarifs que nous proposons sont aussi bas que possible : 1200 euros pour un accompagnement et trois jours d’audit, ça n’est une réalité que parce que des fédérations comme l’UNIIC en ont fait un outil collectif. Concrètement, une entreprise prend contact avec, soit l’UNIIC, soit le cabinet Ecograf – l’un et l’autre travaillant en bonne intelligence – et en premier lieu, on présente la démarche. On s’assure de la viabilité du projet, de la motivation de l’imprimeur et de sa capacité à ‘jouer le jeu’. Il faut bien avoir conscience que la première année demande un gros travail de collecte de données, pour faire un état des lieux aussi juste et précis que possible. On me demande souvent combien de temps cela va prendre, mais cela dépend beaucoup de la structuration de l’entreprise, de son profil, de sa taille etc. C’est très variable au cas par cas et une moyenne ne serait pas très parlante : ça peut prendre une semaine comme plusieurs mois. Après avoir présenté l’outil, on essaie de déterminer ce qui motive l’initiative de l’entreprise – est-ce que ce sont des pressions clients ou une volonté proactive d’afficher un engagement exemplaire ? – et on rentre dans le dur du protocole GHG [Greenhouse Gas Protocol ou GHG Protocol, que l’on peut traduire en français par protocole des gaz à effet de serre, NDLR] et de la norme ISO 14064. Il est essentiel de redire que nous nous appuyons donc là sur des normes et protocoles éprouvés, parce qu’il n’est malheureusement pas rare de voir des consultants proposer leurs propres bilans carbone, sans que l’on sache vraiment sur quoi ils sont basés.

Les initiés parlent souvent de trois « scopes » comme si le bilan carbone était invariablement structuré partout de la même façon. Est-ce concrètement le cas ?

On doit effectivement considérer trois scopes d’intervention :

– Dans le scope 1, on considère les émissions de GES directement liées à l’usine.

– Dans le scope 2, on s’attache aux consommations d’énergie.

– Dans le scope 3, on rentre les données relatives aux sous-traitants et consommables.

Le plus gros du travail réside sans surprise dans le scope 3 et il est pourtant arrivé que certaines entreprises aient suivi des bilans carbone portés par des consultants, en ne prenant en compte que les scopes 1 et 2. Ça n’a évidemment aucun sens et il est primordial que tout le monde s’appuie sur le même périmètre de mesures. Ensuite on détermine une temporalité : les données de l’entreprise doivent être mises à jour tous les ans pour que l’on puisse suivre les émissions de CO2. Soit on prend pour référence une année civile, soit on prend une année comptable : ce qui compte, c’est de pouvoir faire des comparaisons valables dans le temps. Une fois que tout est prêt, on fait une demande de connexion au calculateur ClimateCalc et c’est la fédération danoise qui nous envoie des logins, sachant que l’outil – encore une fois – a été voulu très simple d’utilisation. En treize paramètres, on couvre l’ensemble des émissions de GES d’une imprimerie, sans se perdre dans des considérations hors-sujet.

L’enjeu a semblé en effet largement consister à rendre l’outil accessible, là où les quelques-uns qui se sont frottés à des bilans carbone multisectoriels témoignent d’une démarche excessivement complexe…

C’est un outil en ligne et pour moi cela rentre tout à fait dans la catégorie formation/action. L’idéal, c’est que l’entreprise soit autonome après la première année, pour rentrer elle-même ses données. On organise bien sûr quand même des réunions de cadrage régulières, qui me permettent de suivre la façon dont sont collectées et rentrées les données et si besoin, j’interviens pour réorienter l’action de l’entreprise. Lors de ces réunions de cadrage, on passe en revue toutes les informations qu’il va falloir collecter, au regard du profil de l’entreprise : son parc machines, ses consommations énergétiques etc. Tout ça se fait à distance et cela me permet de leur livrer un fichier de collecte de données en priorisant les actions. Tout est fait pour leur faciliter la tâche : je leur donne même des exemples d’extractions de données, je leur fournis des modèles de lettre pour leurs fournisseurs en français et en anglais etc. C’est souvent le poste ‘papier’ qui pèse le plus lourd et on commence en général par celui-là. Le premier audit n’est programmé que lorsque l’entreprise est prête. Si tout se passe bien, un certificat ClimateCalc leur sera décerné, pour attester que la démarche de l’entreprise est conforme aux critères du protocole GHG et de la norme ISO 14064. C’est tamponné par l’UNIIC et pendant un an, ils peuvent utiliser le calculateur et accéder à l’onglet ‘produit’. Cela nécessite une formation rapide avec des études de cas sur des calculs produits, pour que les commerciaux et deviseurs deviennent autonomes sur l’outil. Je les incite à mettre en place des procédures en interne pour déterminer où est l’information et comment la récupérer au mieux. Cela permet de créer des automatismes sur le long terme, de sorte que l’on gagnera du temps d’une année sur l’autre. La première année est donc quasi-systématiquement plus compliquée, parce qu’elle nécessite d’identifier les données dont on a besoin, mais aussi de trouver et d’impliquer les personnes ressources dans l’entreprise. A ce titre, ce sont des ‘responsables de la donnée’ et ils doivent pouvoir s’appuyer sur des éléments de preuve : pour satisfaire à un audit, il faut toujours prouver ce que l’on dit.

Arrive-t-il que certaines données demeurent malgré tout manquantes et que fait-on pour ne pas bloquer les bonnes volontés ?

Heureusement, on dispose d’une marge de manœuvre pour affiner les données qui seraient difficiles à évaluer en interne. Par exemple : sur un site de plus de 500 personnes fonctionnant en 3/8 avec beaucoup d’intérimaires, il est quasi-impossible de calculer les trajets domicile/entreprise. Dans ces cas-là, on s’appuie sur des fichiers RH pour déterminer combien de cartes de transport sont partiellement ou totalement remboursées, pour évaluer combien prennent la voiture ou les transports en commun, à quelle fréquence etc. A partir de là, on applique des consommations moyennes en fonction du mode de locomotion, au plus proche de ce que l’on peut estimer. On le fait bien sûr avec des données certifiées, il ne s’agit pas d’y aller au doigt mouillé. Par ailleurs, on se le permet sur des postes qui ne sont pas des postes majeurs d’émissions de GES, de façon à ce que ces estimations soient à la fois très fines et d’importance secondaire dans le calcul global. Typiquement, je ne veux pas faire ça sur le poste papier/carton : pour que l’audit passe, il suffirait de renseigner plus de 50 % des références papier, mais dans les faits, on s’oblige à approcher les 100 %. J’estime qu’il faut avoir cette exigence-là et se laisser de la marge ailleurs, quand c’est nécessaire.

On est dans une démarche de normalisation avec des items à renseigner. Prenons l’exemple des plaques : pour un imprimeur offset, il faudra rentrer une consommation annuelle de plaques, en tonnes. Soit ces données existent déjà, soit il va falloir aller les chercher, par exemple en faisant des extractions à partir d’un ERP sur tous les jobs de l’année. Ensuite, via le CTP on connaît le format et l’épaisseur des plaques utilisées, ce qui nous rend capables de déterminer un poids. On peut aussi solliciter la comptabilité pour retrouver les commandes de plaques et interroger les données fournisseurs. C’est là que l’accompagnement prend tout son sens : souvent, ces informations ne sont pas impossibles à avoir, elles demandent juste un travail d’analyse et de déduction que l’on est capable de mener au cas par cas, selon la façon dont l’entreprise fonctionne. Pour le poste le plus lourd – celui du papier – on commence en général par faire une extraction de l’ERP pour savoir ce que l’entreprise a ‘roulé’ comme type de papiers au fil de l’année. C’est plutôt simple à établir lorsque les achats ont été effectués en direct auprès du papetier, ça l’est moins si l’on passe par un distributeur : il va falloir traduire les références des distributeurs, les mettre en parallèle avec celles du papetier et identifier l’usine de provenance. Une fois que l’on a fait ça, il faudra s’appuyer sur un paper profile à jour, ce qui n’est pas toujours facile non plus. Là encore, c’est toujours plus complexe la première année : une fois que ce travail est fait, on peut dupliquer ces données et les appliquer à de nouveaux volumes.

Comment gère-t-on les cas d’entreprises qui ont grossi et/ou investi, de telle manière que leur volume d’affaires a pu augmenter, sur des marchés potentiellement nouveaux pour eux ? En soi, l’entreprise sera plus émettrice en valeur absolue, même si elle travaille mieux…

Pour les entreprises qui auront plus imprimé et donc émis plus de CO2, par le seul fait d’une activité en progression, on a indicateur de CO2 à la tonne transformée. C’est en soi plus parlant qu’un total qui ne veut pas dire grand-chose. La performance d’une entreprise se mesurera plus justement à la lumière d’un prorata à la tonne imprimée. Par exemple, pour la gâche papier : pour établir une moyenne sur site, on rentre la quantité totale de papier imprimé à l’année versus le volume de déchets récupérés par le prestataire agréé : on sait que la différence entre l’un et l’autre, c’est du calage machines, de la rogne etc. A partir de là, il est assez facile d’établir un taux de gâche moyen. Il faudrait aussi parler de certaines imprimeries qui partent avec un handicap, dans la mesure où il sera plus difficile d’être exemplaire avec des sites un peu vétustes. On ne peut pas tout corriger par des ajustements et quand on travaille dans des bâtiments qui sont des passoires énergétiques, on a une marge d’amélioration à court/moyen terme qui ne nous permettra pas forcément d’afficher un bilan carbone aussi performant que d’autres entreprises mieux installées ou plus modernes. C’est pour cela que je pense vraiment qu’il faut appuyer l’idée de progrès : l’important, c’est que chacun s’attache à faire mieux, avec ses propres marges de progrès.

La tentation sera grande pour les donneurs d’ordre d’en faire un outil de comparaison, pour mettre les entreprises en compétition entre elles…

Le risque, c’est de comparer tout et n’importe quoi : des imprimeurs offset feuille et/ou roto, des imprimeurs numérique grand format, des sérigraphes etc. ClimateCalc permet aux entreprises d’effectuer des comparaisons européennes en fonction des procédés d’impression, ce qui est déjà plus parlant. Mais même là, ce sont en vérité des exercices assez bancals : avec un même procédé, on peut être positionné des sur des qualités de produits très différentes et être amalgamé avec des imprimeurs qui n’auront pas du tout les mêmes obligations techniques et qualitatives.

Ne risque-t-on pas de voir des donneurs d’ordre exiger une évaluation carbone avant de passer commande, au moment du devis par exemple ?

Un client pourra le faire oui, mais ce n’est pas forcément comme ça que cela va se passer. Il y a quinze ans, certaines marques ont poussé leurs imprimeurs à avoir une certification ISO 9001 pour continuer de les référencer. Résultat : certains ont dû se priver de la moitié de leurs sous-traitants, parce qu’il y a une réalité industrielle qui les a rattrapés. Du coup, ils ont rectifié le tir en demandant aux entreprises de mettre en place des démarches, sans forcément aller jusqu’à la certification. Ce sera à peu près la même chose avec le bilan carbone : attention à ne pas être trop restrictif. On compte environ une centaine d’utilisateurs de ClimateCalc aujourd’hui en France (contre 169 au total dans le monde), c’est une toute petite élite au regard du tissu industriel puisqu’on dénombre environ 4000 imprimeries à l’échelle de notre pays. Il faut accompagner le mouvement, sans se précipiter pour autant. Si aujourd’hui, un imprimeur devait indiquer sur son devis une estimation d’impact carbone pour la soumettre à son client, il faudrait y consacrer un poste à temps plein. En plus, les simulations impliquent souvent de chiffrer différentes hypothèses, selon les papiers choisis, le nombre d’exemplaires commandés, le procédé d’impression retenu etc. C’est rapidement très chronophage. Il n’empêche que oui, il y a des donneurs d’ordre qui vont entamer tout une réflexion autour de leurs rapports aux sous-traitants, en essayant par exemple de travailler avec des acteurs locaux en circuit court.

Est-ce que lors de la première phase d’accompagnement, il peut être pointé chez l’entreprise des éventuelles contreperformances ciblées, pour dire par exemple « sur ce point, il va falloir faire mieux » ?

Oui, j’ai une marge de manœuvre et je le dis. J’ai travaillé notamment avec des imprimeurs qui utilisent des papiers techniques et fonctionnels, au sujet desquels il manque parfois des données. Dans ces cas-là, on effectue des calculs en prenant en considération les scénarios les plus critiques, ce qui n’est pas pour les arranger. Dans ce cas-là, je les sensibilise au fait qu’en ayant une meilleure remontée des données, non seulement on sera plus précis, mais ce sera à leur avantage. Plus globalement, l’audit sert à ça : que peut-on mettre en place pour affiner et réduire les émissions de CO2 ? Certains vont devoir travailler prioritairement sur leurs consommations d’énergie, d’autres sur des optimisations internes en termes de calages machines ou de consommation de plaques, d’autres sur le taux d’encrage etc. Mais encore une fois, tout ça, ce sont finalement de petits postes d’amélioration, l’essentiel des efforts porte souvent sur le sourcing papier. C’est une fois qu’on a travaillé sérieusement là-dessus qu’on s’attaque à réduire les autres postes.

On l’a dit, ClimateCalc est un outil qui a déjà une certaine ancienneté. Le site Internet n’est pas devenu obsolète ou un peu « daté » avec le temps ?

Le site vient d’être totalement refait et il va encore évoluer lors des prochains mois. Nos bases de données sont régulièrement mises à jour et nous affinons les données selon l’état de ce que nous savons des facteurs d’émissions attachés à tel ou tel poste. Le but, c’est vraiment d’être au taquet sur l’ensemble des facteurs d’émissions, pour proposer le calculateur le plus précis à l’heure actuelle. C’est quelque chose qui change perpétuellement, au gré notamment des informations existantes dans les bases de données et des progrès chez les fabricants de machines, donc rien n’est arrêté. Par ailleurs, l’accès au calculateur est paramétrable : le dirigeant d’entreprise peut accéder à tout, tandis que d’autres profils pourront par exemple n’accéder qu’à des fonctions qui les concernent sur du calcul produit.

Le mot d’Ecograf

Ecograf accompagne aussi les acheteurs d’imprimés, éditeurs (presse magazine, livres), agences de production dans l’estimation de leur empreinte carbone.

« Les imprimeurs doivent comprendre que leurs clients n’ont pas le choix : ils doivent estimer leurs émissions de gaz à effet de serre en vue de les réduire. Si les imprimeurs ne sont pas capables de transmettre une information robuste accompagnée de solutions d’optimisation, la seule alternative s’offrant aux acheteurs pour réduire leurs émissions sera de réduire leur volume d’achats. Estimer ses propres émissions ne revient donc pas, comme on peut l’entendre, à se tirer une balle dans le pied, mais bien à tenter de maintenir ses volumes. En proposant des grammages plus faibles, des formats mieux adaptés permettant de réduire la gâche, des solutions innovantes, l’imprimeur offrira la possibilité à son client d’atteindre ses objectifs de réduction. Enfin, ce travail doit s’accompagner d’une révolution culturelle : le concept de chaîne graphique (où la fin de la chaîne subit les décisions du début) doit être remplacé par un concept d’écosystème graphique. Chaque unité constitutive de cet écosystème doit partager un objectif commun de réduction des émissions de l’ensemble. C’est par le partage, l’écoute et la co-construction que cet objectif, ardu, sera rempli. Même si la majorité du marché n’attend toujours qu’un prix, un délai et une qualité, la minorité du marché qui a déjà fait sa mutation mérite que l’on y prête attention. »

 


 

Témoignages

ClimateCalc par ses utilisateurs

Ils sont quelques pionniers – une centaine – à avoir adopté l’outil en France. De différents profils, ils dressent des constats à la fois semblables et complémentaires, sans toutefois viser tous les mêmes objectifs. Petit tour d’horizon…

KVC Print

Jérôme Jallu (Directeur général adjoint) – « Echanger avec ses clients pour s’entendre sur des axes de progrès. »

KVC Print répond aux marchés de l’impression/fabrication de supports de communication grand format, offset et numérique, intérieur et extérieur : affiches, PLV, signalétique, adhésifs, bâches etc. La démarche ClimateCalc s’est imposée à nous d’abord lorsqu’il a fallu répondre aux demandes de nos clients, principalement les grands acteurs de l’industrie du luxe, de l’automobile ou des télécommunications, qui se sont engagés à une neutralité carbone à horizon 2035. Puis chemin faisant, nous avons voulu quantifier nos émissions et entrer dans une démarche d’amélioration de notre empreinte. En particulier en travaillant sur nos bâtiments, nos approvisionnements et en proposant des solutions en circuit court à nos clients. Tout ce travail nous permet donc à la fois de répondre à une demande qui est concrète, mais aussi en interne de mettre en exergue nos propres points d’amélioration. Est-ce que cela soulève des défis ? Oui ! Côté entreprise, cela implique des investissements importants : un changement de matériel ou de type d’énergie par exemple. Côté clients, les solutions peuvent être coûteuses : changer de papier ou de technologie d’impression par exemple. Mais l’important est d’échanger avec ses clients pour s’entendre sur des axes de progrès, selon les possibilités de chacun.

Grafik Plus

Aurore Le Corre (Directrice du développement) – « Proposer un devis A et un devis B, avec deux papiers différents, tout en expliquant les différences d’impact carbone. »

La question de notre empreinte carbone a vraiment commencée à être traitée il y a bientôt trois ans. A l’époque, on sentait déjà quelques frémissements en ce sens chez nos plus gros clients, certains nous demandant si nous avions fait des bilans carbone, mais on restait dans du déclaratif. On a fait partie des fous qui avaient essayé, avant ClimateCalc, d’utiliser le tableur de l’ADEME [RIRES]. Mais c’était très difficile de gérer ça seul et beaucoup d’informations demandées n’avaient rien à voir avec les industries graphiques. Il fallait presque des compétences d’ingénieur pour renseigner certains champs et sauf à passer par des consultants ou y consacrer énormément de temps, c’était infaisable. Pire encore : on mettait le curseur de notre bilan où on le souhaitait : scope 1, 2 ou 3, au choix. C’était donc à la fois plus compliqué, moins pertinent par rapport à la réalité de nos métiers et moins rigoureux. ClimateCalc nous a permis d’aller au bout de la démarche, tout en offrant une meilleure maîtrise de l’outil. Notre premier bilan ClimateCalc a été fait en 2023, sur la base de nos données 2022, et avons obtenu notre certificat en novembre dernier. Il a fallu beaucoup travailler avec la comptabilité pour obtenir tous les chiffres nécessaires, même si dans le cadre d’une démarche RSE entamée chez Grafik Plus depuis 2008, nous avions déjà mis pas mal d’indicateurs en place, ce qui nous a bien aidés. Cela nous a permis de débriefer dès fin 2023 avec nos clients les plus sensibles sur ces questions, à minima pour pouvoir faire différentes propositions : par exemple un devis A et un devis B, avec deux papiers différents, tout en expliquant les différences d’impact carbone. On essaie d’accompagner nos clients vers les meilleures alternatives, sachant que les mesures brutes d’impact carbone sont peu parlantes en soi : on a besoin de comparatifs pour commencer à mesurer les progrès que l’on peut faire. C’est du moins vrai pour les mesures produits, ce qui concerne le site a davantage d’utilité pour nous, en interne. Ce que l’on peut partager avec les clients, ce sont des objectifs d’amélioration. De toute façon, l’essentiel de la marge que l’on a est souvent sur le support d’impression : chez Grafik Plus, le papier pèse 60 à 70 % de notre impact carbone. Il est facile d’en proposer d’autres, avec de meilleurs paper profiles, mais quand on est verrouillés sur des marchés où le client est vraiment attaché à une référence, il faut essayer de trouver d’autres leviers.

Groupe Prenant

Juliette Guillermou (Cheffe de projet) & Philippe Vanheste (Directeur général adjoint) – « On aiguille au mieux nos clients pour qu’ils fassent des choix éclairés, sachant que les papiers pèsent aujourd’hui pour plus de 71 % de notre empreinte carbone. »

PV : Nous avons renforcé l’approche RSE du groupe il y a dix ans, pas tant sur un plan normatif que volontaire. Dans cette optique, nous avions à l’époque certainement plongé trop vite dans une démarche de bilan carbone, sans être prêts : les exigences étaient telles que cela s’est avéré inapplicable. Ce qui m’a séduit avec ClimateCalc, c’est qu’on ne nous demande pas l’impossible : si on n’est pas tout de suite en mesure de renseigner certaines informations, on peut se raccrocher à des valeurs moyennes et avancer. Le fait que ce soit un outil collectif européen facilite l’appropriation d’une démarche qui reste abordable, que l’on soit une petite ou une grande entreprise. L’intérêt premier, à ce stade de notre démarche, c’est de pouvoir garantir aux clients une transparence. C’est le fait de pouvoir leur dire : « Vous faîtes 20 000 brochures, on est en capacité de vous dire quel est l’impact carbone de cette production, avec des estimations directement sur le devis et/ou sur la facture ». Les pistes d’amélioration sont pour nous la prochaine étape.

JG : Nous avons aujourd’hui une base d’informations solides pour travailler sur le long terme une baisse de nos émissions carbone, mais il faut que ça concorde avec des impératifs économiques. La crise de l’énergie nous a par exemple contraints à gérer une urgence en termes de maîtrise des coûts. La dimension économique existe aussi pour les clients, lorsqu’ils doivent choisir un papier : même les plus investis font des compromis. Typiquement, choisir un papier recyclé est très compliqué : l’impact carbone va varier énormément selon les propriétés qu’on en attend et selon son lieu de production. On sait par exemple que si c’est en Suisse, avec une énergie globalement hyper-décarbonée, c’est l’idéal. Mais à quel prix ? On les aiguille au mieux pour qu’ils fassent des choix éclairés, sachant que les papiers pèsent aujourd’hui pour plus de 71 % de notre empreinte carbone. Cela étant dit, on voit apparaître la notion de bilan carbone dans des appels d’offre aujourd’hui : c’est une vraie évolution, ça n’était pas aussi explicite quelques années auparavant.

Nortier Emballages

Sandra Cloarec (Responsable RSE & QSE) – « Nous sommes toujours force de proposition. »

ClimateCalc est un engagement de longue date pour nous, puisque cela a débuté en 2014. Mais nous n’étions probablement pas assez mûrs à l’époque, raison pour laquelle ça n’a abouti que récemment, avec un vrai coup de boost consécutif à notre labellisation Print Ethic : c’est via l’enjeu 10 que nous avons pu relancer un bilan carbone, sachant que nous étions dans le même temps challengés de façon récurrente par nos clients sur cette question : quelle empreinte carbone pour tel produit ? Quelles actions mettez-vous en place ? Etc. Dans le milieu du packaging cosmétique de luxe, c’est devenu une préoccupation très sensible. Nous aurions pu prendre un autre outil, mais dans la mesure où ClimateCalc est pensé spécifiquement pour les industries graphiques, avec un réel accompagnement, cela lui confère un net avantage. A ce stade de la démarche, nous avons d’ores et déjà décidé de nous faire accompagner pour mieux comprendre et optimiser nos consommations énergétiques. Mais la question la plus complexe finalement, c’est celle de savoir ce que l’on fait des résultats que nous obtenons sur le calculateur. Sur la partie mesurant les impacts du site d’impression, c’est peu lisible d’un point de vue extérieur et sans contextualisation, c’est difficile à interpréter. Pour les produits, nous sommes toujours force de proposition auprès de nos clients avec des propositions écoconçues.

Cloître Imprimeur

Anne-Emmanuelle Crivelli (Responsable RSE & Innovation) – « Privilégier l’impact bas carbone, privilégier le local ou privilégier le recyclé, ce n’est pas forcément se rendre aux mêmes choix. »

ClimateCalc est un précieux outil de progrès, mais pour comparer différents imprimeurs entre eux, c’est déjà plus compliqué : un chiffre d’émissions de CO2 ne suffit pas, il faut comparer des démarches RSE, des démarches de certification, des parcs machines, des politiques d’intégration notamment vis-à-vis du handicap etc. Le bilan carbone est à mon sens un levier parmi d’autres, mais grâce à ClimateCalc, je pourrai par exemple à terme proposer à nos clients une option bas carbone : parce que je suis maintenant en mesure de calculer l’impact CO2 de nos produits et donc de proposer des alternatives, en travaillant notamment sur le support d’impression. Mais il faut bien avoir conscience que selon ses priorités, on ne tirera pas les mêmes conclusions : privilégier l’impact bas carbone, privilégier le local ou privilégier le recyclé, ce n’est pas forcément se rendre aux mêmes choix. Ce sont des engagements complémentaires et qui tirent évidemment dans le même sens, mais j’essaie de dire à nos clients qu’il n’existe pas d’approche-type qui concentre à elle seule toutes les bonnes pratiques. Il s’agira toujours de trancher, en fonction de ses objectifs.

Mya Andres – “En ne faisant que du digital, on appauvrit ses connaissances”

Les finales Internationales des Worldskills se sont tenues en France (à Lyon, Eurexpo) du 10 au 15 septembre derniers, sans que ne puissent être représentés les métiers de l’impression, l’épreuve ayant hélas été écartée de celles retenues pour l’échelon international de la compétition (relire notre article). Restent toutefois les métiers du prépresse, avec pour nous l’occasion d’interroger Mya Andres, médaillée d’Or française de la spécialité en septembre 2023, qui nous en dit un peu plus sur son parcours et son rapport à la matérialité…

Si la France a brillé à domicile en terminant à la troisième place des nations les plus titrées de la compétition, Mya Andres n’aura pas réussi à damer le pion au Coréen Chaehwan Kim, au Chinois Zihong Zhang et à la Singapourienne Xueyi Joanne Li, qui ont trusté le podium dans l’épreuve très relevée des Arts Graphiques. Pas de quoi remettre en cause l’excellence de sa prestation ainsi qu’une profonde envie d’apprendre, la jeune graphiste de 22 ans nous confiant notamment être favorable à une présence renforcée du print, pour mieux appréhender son travail. Nous l’interrogions quelques jours avant les finales internationales, à la fois sur son rapport à la compétition et sur sa vision du métier.

Podium des finales nationales 2023, Arts Graphiques : 🥇Mya ANDRES – Grand-Est 🥈 Mathéo ROY – Nouvelle-Aquitaine 🥉 Lucas PERNET – Bourgogne-Franche-Comte.

Les finales internationales approchent, est-ce que tout ce que ça implique est nouveau pour vous ?

Oui et non. J’avais déjà participé à la 46ème édition des Worldskills, c’est la deuxième fois que je concoure. J’avais réussi les épreuves régionales et fini 4ème lors des finales nationales. J’avais 18 ans en 2020 et je savais que je pourrai toujours tenter ma chance cette année, à 22 ans [la limite d’âge est fixée à 23 ans, NDLR]. J’ai atteint mon objectif en remportant les finales nationales l’an dernier, donc je suis prête à tenter l’échelon international…

C’est souvent le cas : les compétiteurs les plus performants ont souvent eu besoin de s’appuyer sur l’expérience d’un premier essai, avant de donner leur pleine mesure…

Oui, c’est exactement ce qui s’est passé pour moi, mais aussi pour celui qui m’a précédé : Emmanuel Young [le vainqueur de la précédente édition, NDLR] avait lui aussi eu besoin de deux tentatives. J’ai corrigé à la fois des aspects techniques et des aspects plus liés à la préparation sportive. Avec mon coach, Raphaël Pascual, on a travaillé mon attitude pour que je sois plus zen et forcément, j’ai gagné en maturité en quatre années. Mais j’ai aussi progressé en technique pure, à l’école j’ai poursuivi un enseignement avec une spécialisation design à la fois dans le print et le numérique, tout en ayant plus de séances d’entraînement. Forcément, cela m’a beaucoup aidée.

Comment en êtes-vous venue à vous intéresser aux métiers du graphisme ? C’était une vocation de longue date, une passion enracinée depuis l’enfance, ou est-ce qu’au contraire ce fut une révélation plus tardive ?

Je dessinais énormément, dès le collège. Y compris sur mes cahiers de maths [RIRES]. C’est une de mes professeures qui m’a conseillé un lycée professionnel dans la région et c’est là-bas que j’ai découvert les métiers du graphisme. J’y allais surtout avec l’envie de faire de l’illustration ou de l’animation, mais en me formant aux outils graphiques – Illustrator, InDesign etc. – je me suis intéressée de plus en plus à cet univers. Je me suis aussi dit que le graphisme m’ouvrirait certainement plus de portes, parce qu’on peut y faire énormément de choses, là où l’illustration ou l’animation sont des domaines peut-être plus fermés et sélectifs. Je me suis donc plutôt dirigée vers le design graphique, pour ensuite réfléchir à des spécialisations qui seraient en phase avec mes envies.

Comment avez-vous découvert l’univers des Worldskills ? Ce sont des enseignants qui vous ont suggéré de participer au vu de la qualité de vos résultats ?

Oui, c’est en terminal que des professeurs ont commencé à me parler des Worldskills. L’idée de compétition m’a tout de suite attirée, parce que j’ai cet esprit là. J’ai donc tenté ma chance dès 2020, à 18 ans. C’est une expérience que j’ai vraiment aimée, malgré le contexte, en plein Covid…

On travaille autant le physique que la concentration ou le contrôle de soi. C’est là que la dimension sportive de la compétition devient évidente, parce que les connaissances et la technique ne suffisent pas.

Vous avez déjà l’expérience des finales nationales, est-ce que c’est très différent de ce que vous vivez pour les finales internationales, notamment en termes de préparation ?

L’approche pour les ‘Inter’ est très différente oui, avec davantage d’entraînements que l’on appelle les PPM [pour ‘Préparation Physique & Mentale’, NDLR] : on y travaille autant le physique que la concentration ou le contrôle de soi. C’est là que la dimension sportive de la compétition devient évidente, parce que les connaissances et la technique ne suffisent pas. D’autant que l’on fait ces PPM avec l’ensemble de l’équipe de France, tous métiers confondus. Après, on a aussi évidemment des exercices métiers, où l’on s’attaque par exemple à d’anciens sujets, ce qui est très pratique pour voir ce que l’on doit encore améliorer. Les corrections se font avec l’équipe métier au complet, ce qui permet de discuter collectivement, mais aussi de comprendre comment les épreuves sont notées et donc comment les aborder au mieux.

Vous pouvez être amenée à travailler sur quelque chose qui sera à terme imprimé – un flyer, un packaging etc. – ou au contraire peut-être quelque chose qui restera sur écran (un site Web, une illustration pour appli’ téléphone etc.). Qu’est-ce que cela change dans votre approche ?

Oui, forcément les travaux print ou 100 % digitaux ne s’abordent pas de la même manière : que ce soit sur la gestion des images, les DPI [‘Digit Per Inch’ en anglais, soit la résolution d’un fichier ; NDLR] etc. il faut évidemment s’adapter. Quand on sait que le fichier sera imprimé, on s’ajuste techniquement au mieux selon ce qu’énonce le sujet : si c’est imprimé en offset, en numérique ou autre, mais aussi s’il y a du vernis etc. Cela va dépendre aussi de la machine dont on disposera sur le lieu de compétition, je sais que lors des entraînements que nous avons eus au Canada, nous pouvions imprimer avec des vernis, ce qui permet de mieux se rendre compte de ce qu’il faut faire ou éventuellement corriger.

Vous arrive-t-il de devoir travailler sur des sujets 100 % numériques, c’est-à-dire sans impression ?

Généralement, on a des sujets avec un mix des deux, mais oui, il n’est en soi pas impossible d’avoir des sujets où il n’y a pas d’impression. Mais dans la pratique, on imprime quasiment à chaque fois pour montrer notre travail. Il y a quasi-systématiquement un produit fini dans le sujet « Edition » – souvent un livret d’une vingtaine de pages – et là ce sera forcément imprimé/agrafé, avec du bon matériel pour que cela rende justice aux projets réalisés. L’impression est obligatoire dans le sujet « Packaging » : c’est en imprimant et en montant notre boite que l’on voit si ça fonctionne ou pas. C’est moins important lorsque l’on travaille sur des logos, même si là aussi, il peut arriver qu’on les imprime sur du papier A4.

J’imagine que vous avez déjà une expérience professionnelle en dehors des cours, notamment grâce aux formations en alternance ?

Oui, je suis actuellement en alternance et je change d’école cette année : je passe en Master Direction Artistique et je travaille donc en alternance dans une entreprise de motion design qui s’appelle Motion Graphic Designer. En l’occurrence, je ne fais pas de print du tout ici, mais c’est tout l’intérêt pour moi de changer d’école et aller vers la Direction Artistique : ça me permet justement d’équilibrer.

Je suis convaincue qu’il faut continuer d’imprimer et j’ai envie de maîtriser ces techniques : non seulement parce que ça m’attire, mais aussi parce que j’ai le sentiment qu’en ne faisant que du digital, on appauvrit ses connaissances.

Nous évoluons vers des modèles de communication où les écrans et les contenus connectés ont pris une place fondamentale. Quel est votre regard sur ce phénomène ? Est-ce que vous constatez une forme de marginalisation du print et est-ce qu’à votre avis, les jeunes générations s’en éloignent ?

Je ne sais pas si j’ai le même avis que les jeunes de mon entourage [RIRES]… Non seulement j’aime imprimer ce que je fais, mais j’ai aussi la manie de récupérer tous les flyers que je peux trouver dehors. Avec ce qui est physique, on dispose de valeurs ajoutées potentielles qui n’existent pas en numérique : la texture du papier, les rendus d’impression, les ennoblissements… Typiquement, si on nous demande un Riso [pour « Risographie », soit une technique d’impression proche de la sérigraphie mécanisée, qui permet d’obtenir des rendus tramés à l’esprit artisanal, NDLR], on obtient des choses très particulières, là où l’écran a tendance à être plus uniforme. Je suis convaincue qu’il faut continuer d’imprimer et j’ai envie de maîtriser ces techniques : non seulement parce que ça m’attire, mais aussi parce que j’ai le sentiment qu’en ne faisant que du digital, on appauvrit ses connaissances. L’entreprise pour laquelle je travaille a l’habitude de répondre à des musées et même si l’essentiel de la demande est digitale, il nous est arrivé de travailler à des impressions assez spéciales sur des plaques de bois par exemple, des éléments décoratifs pour de la scénographie etc. Je pense qu’on aura toujours ce type de besoins, c’est aussi ce qui permet de sortir du lot. J’ai l’impression que les gens de mon âge ont conscience que le print permet d’avoir de vraies valeurs ajoutées, même si les pratiques penchant clairement vers le digital.

L’autre grande tendance, c’est évidemment l’Intelligence Artificielle, qui dans nos métiers touche d’ailleurs d’abord le prépresse. Est-ce que la révolution en cours vous inquiète et vous fait reconsidérer la façon dont vous devrez travailler ?

Pour moi l’IA est un outil et ce n’est pas quelque chose que je crains. Je vois ça comme une aide davantage que comme quelque chose dont il faudrait avoir peur. Lorsque je travaille en freelance, je me dis que mon meilleur argument, c’est de développer mon propre style. Si des gens sont sensibles à ce que je propose en termes d’illustrations de designs, alors ils reviendront vers moi.

SAVE THE DATE – Quel avenir pour l’imprimé publicitaire après le Oui Pub ?

Alors que dans trois jours sera exposé le rapport portant sur l’expérimentation Oui Pub, l’UNIIC, Mediaposte, La Copacel et plusieurs papetiers œuvrent pour travailler sur des solutions alternatives au travers du Cercle d’Alliés. Ces derniers ont lancé une grande campagne de lobbying nourrie d’exemples concrets, y compris étrangers, portant sur l’appétence pour l’imprimé en général et l’imprimé sans adresse en particulier, ainsi que par le biais du lancement d’une Analyse du Cycle de Vie (ACV) comparée print/digital avec l’Ademe, illustrant de manière scientifique les vertus de l’imprimé sans adresse sur un terrain environnemental, tout au long de la chaîne de valeur qui nous rassemble.

Résolument orientée vers le grand public, ce travail de fond auquel participe de manière active l’UNIIC va se traduire par un grand événement le 3 février prochain en présence des acteurs de la filière, de représentants politiques et surtout de journalistes de la presse écrite et TV, mais aussi des influenceurs de renom.

Prenez date, plus d’informations à venir très rapidement.