SAVE THE DATE – Quel avenir pour l’imprimé publicitaire après le Oui Pub ?

Alors que dans trois jours sera exposé le rapport portant sur l’expérimentation Oui Pub, l’UNIIC, Mediaposte, La Copacel et plusieurs papetiers œuvrent pour travailler sur des solutions alternatives au travers du Cercle d’Alliés. Ces derniers ont lancé une grande campagne de lobbying nourrie d’exemples concrets, y compris étrangers, portant sur l’appétence pour l’imprimé en général et l’imprimé sans adresse en particulier, ainsi que par le biais du lancement d’une Analyse du Cycle de Vie (ACV) comparée print/digital avec l’Ademe, illustrant de manière scientifique les vertus de l’imprimé sans adresse sur un terrain environnemental, tout au long de la chaîne de valeur qui nous rassemble.

Résolument orientée vers le grand public, ce travail de fond auquel participe de manière active l’UNIIC va se traduire par un grand événement le 3 février prochain en présence des acteurs de la filière, de représentants politiques et surtout de journalistes de la presse écrite et TV, mais aussi des influenceurs de renom.

Prenez date, plus d’informations à venir très rapidement.

Pousser les murs jusqu’à… Gand

Les 17 et 18 septembre, l’UNIIC vous donne rendez-vous pour des journées techniques et créatives dédiée à la décoration et à l’automatisation des flux de production en partenariat avec ESKO.

“Imprimé en France” – Les bonnes volontés s’affichent

Si les bien nommés “circuits courts” destinés à rapprocher les acteurs de la fabrication des metteurs sur le marché ne recueillent guère que des commentaires bienveillants, le livre peine encore à en profiter. Quoique des “signaux faibles” tendent enfin à affleurer, puisqu’un label “Imprimé en France” est d’ores et déjà arboré en quatrième de couvertures de ses livres par les éditions Calmann-Lévy, ces derniers appelant même leurs confrères à faire de même…

En moyenne, 30 à 40% des livres français sont réalisés à l’étranger.

Made in France : à l’État de montrer l’exemple ?

Certainement faut-il commencer par rappeler une évidence : le localisme ne saurait être imposé, dans la mesure où le code des marchés publics l’interdit. Plus précisément, la commande publique ne pourrait incliner à solliciter des prestataires locaux – ou même nationaux – qu’à la condition de mettre en avant des critères d’exception liés par exemple à la nécessaire rapidité d’exécution (l’urgence pouvant alors justifier alors d’aller au plus près), ou indirectement en faisant la démonstration que les exigences environnementales spécifiques d’une commande conduisent à solliciter des entreprises de proximité. Des solutions qui n’ont toutefois rien de systématique et qui, mal justifiées, peuvent être rapidement taxées de délit de favoritisme et contrevenir à la fois aux principes communautaires (défendus par la CJUE) et constitutionnels (défendus par le Conseil Constitutionnel) de la liberté d’accès à la commande publique. La chose est toutefois difficile à entendre, dans la mesure où l’époque semble réclamer de l’écoresponsabilité en circuits courts, pour des raisons tant strictement environnementales que plus globalement sociales, sociétales et économiques. C’est ainsi que l’on s’émeut parfois de constater que les budgets publics manquent de nourrir le tissu industriel local, au profit de concurrents étrangers par ailleurs possiblement éligibles à des subventions européennes d’investissement qui distordent plus encore un équilibre concurrentiel déjà malmené par les différentiels sociaux qui distinguent les coûts d’une impression en Europe de l’Est (Pologne, Estonie, Lituanie etc.) de ceux d’une impression en France. Il ne faudrait toutefois pas grossir le phénomène : pour le cas du livre, la commande publique se maintient en France dans 90% des cas (source : “Imprimer en France : l’avenir de la filière Livre” – DGE/UNIIC, 2015). C’est la balance commerciale du livre dans sa globalité qui pose question : “En moyenne, 30 à 40% des livres français sont réalisés à l’étranger” pouvait-on lire au sein dudit rapport. Une proportion qui est restée peu ou prou la même, neuf ans plus tard, même si des pistes d’amélioration sont engagées et prometteuses…

Au-delà des seuls engagements RSE qui inclinent nombre d’éditeurs à faire rimer “responsabilité” avec “proximité”, les circuits courts semblent asseoir leurs bienfaits économiques.

Relocalisations : les raisons d’y croire

Les raisons de cet exode partiel, si elles sont connues, n’offrent pas toutes des solutions directes : reconstruire l’outil industriel adéquat – notamment sur les activités de reliure et de façonnage – pour traiter un volume supérieur de livres complexes et semi-complexes prendra du temps (l’Atelier Partagé du Livre Complexe est à cette fin un projet industriel collectif de rapatriement de travaux de façonnages semi-complexes, appelé à sortir de terre ces prochaines années), alors que les arbitrages moins-disant conduisant à imprimer moins cher mènent soit vers l’Europe de l’Est, soit à nos principaux concurrents frontaliers que sont l’Allemagne, l’Italie, la Belgique et l’Espagne. Impossible en effet pour un industriel français de s’aligner sur des prix cassés sans sacrifier sa marge, ni même toujours de rivaliser – sur des segments de marché hors livre noir, où la compétitivité française n’est pas mise à mal – avec la puissance graphique allemande qui, bien qu’en deçà de la productivité française, a su s’armer (et sous-traiter) pour optimiser ses coûts. Les raisons en relevant pour partie de disharmonies fiscales et sociales, de telles distorsions concurrentielles appellent des ajustements politico-économiques sur lesquels une filière industrielle n’a de fait que peu d’emprise. En pareil cas, les meilleurs réflexes sont donc toujours les mêmes : miser sur l’innovation, travailler la qualité de ses services pour mieux accompagner la demande et faire émerger de nouvelles capacités de production par le co-développement. C’est ce qui a été notamment entrepris pour le livre complexe et semi-complexe, mais cela ne dispense ni de promouvoir le savoir-faire français pour sensibiliser le grand public, ni de rappeler que de relocalisations il ne pourra y avoir qu’avec le concours actif des donneurs d’ordre, qu’il ne s’agit pas de contraindre, mais bien de convaincre. Un objectif à vrai dire déjà bien engagé : au-delà des seuls engagements RSE qui inclinent nombre d’éditeurs à faire rimer “responsabilité” avec “proximité”, les circuits courts semblent asseoir leurs bienfaits économiques (réduction drastique des délais, échanges facilités avec l’imprimeur et meilleure gestion des flux) pour finir de rendre la chose profitable – et déjà observable – au-delà de sa stricte dimension éthique.

Structurer des outils collectifs destinés à valoriser une fabrication du livre qui soit ‘locale’, ou à tout le moins, ‘nationale’.

Vers un label “Imprimé en France” ?

Preuve que les lignes bougent, l’éditeur Calmann-Lévy a pris l’initiative d’imprimer en quatrième de couverture de ses livres un label “Imprimé en France”, sous des traits nettement visibles, dans le but d’afficher une volonté proactive de défendre l’industrie française. Avec l’ambition aussi de promouvoir – c’est de bonne guerre – ses propres bonnes pratiques, sans pour autant chercher à tirer la couverture à soi. “Il souhaiterait que tous les autres éditeurs adhèrent à ce label, avec l’aide de tous les imprimeurs français de livres, afin que tous les livres faits en France portent cette marque” s’enthousiasme en effet Jean-Paul Maury (Maury Imprimeur), relatant ici une rencontre avec le Président des éditions Calmann-Lévy, dans un courrier adressé à l’UNIIC. “Nous sommes nous-mêmes sur une réflexion portant sur ‘l’achevé d’imprimer’ pour lui donner plus de force, mais dans le cas présent, il s’agit de valoriser la production française et ce, certes à la demande de nombreux imprimeurs, mais également d’acteurs majeurs du Syndicat National de l’Edition (SNE)” ajoute Pascal Bovéro, Délégué général de l’UNIIC, dans un courrier cette fois adressé au SNE. L’objectif : “trouver ensemble les formes les plus appropriées pour mettre en avant cette ‘signature’ appelée en fait à devenir une marque collective”, précise-t-il. En somme : montrer l’exemple et généraliser les bonnes pratiques, pour enfin structurer des outils collectifs destinés à valoriser une fabrication du livre qui soit ‘locale’, ou à tout le moins, ‘nationale’ : un combat qui se réclame d’un idéal socioéconomique fort et qui trouverait là une précieuse première avancée…

Pousser les murs… vers la décoration imprimée

Le 4 juillet, l’UNIIC vous donne rendez-vous pour une journée technique et créative dédiée à la décoration et à l’agencement.

Multisigne – “L’imprimerie, ce n’est plus un simple travail d’exécution”

Nous nous sommes rendus chez Multisigne à Joué-lès-Tours en Indre-et-Loire, un spécialiste de l’impression grand format qui s’attache à affiner un positionnement en constante réflexion. Nouveaux marchés, ajustements techniques et approches innovantes, Emily Pornet – sa dirigeante – montre une volonté forte de ne pas scléroser l’activité d’une entreprise qui, dit-elle, s‘est toujours employée à devancer les tendances. « On essaie d’anticiper le plus possible, voire d’être avant-gardiste. C’est quelque chose que m’a inculqué mon père : il faut essayer d’être visionnaire » résume-t-elle…

Emily Pornet, Présidente de Multisigne & Pixpano.

C’est en 2018 que l’entreprise, jusqu’alors dirigée par Guy-Pascal Pornet, est reprise par sa fille. Et c’est peu dire qu’en six années, Emily Pornet a d’ores et déjà inscrit sa griffe et repositionné l’entreprise au gré de choix stratégiques muris. « Il faut bien se dire qu’en 2005, nous avions aménagé un bâtiment pour faire rentrer une quatre couleurs en sérigraphie. Autour, il n’y avait que des machines de sérigraphie. Nous avions 800 mètres carrés dédiés à cette technologie. Aujourd’hui, ce n’est plus qu’une offre mineure chez nous. Malheureusement, c’est un procédé qui a beaucoup souffert, l’offset est venu lui manger quelques parts de marché, en plus de l’impression numérique. Or, la sérigraphie réclame beaucoup de main d’œuvre, beaucoup de technicité et les compétences sont de plus en plus difficiles à trouver. La maintenance devenait difficile également, avec des pièces de plus en plus difficiles à trouver » éclaire Emily Pornet, pour illustrer un phénomène somme toute observable à l’échelle du tissu industriel français tout entier : alors que la sérigraphie décline pour devenir une (précieuse) technologie d’appoint, c’est l’impression numérique qui se taille la part du lion.

“Le fait est qu’on pratique à peu près tous les mêmes prix, avec des cadences machines et des niveaux de qualité similaires. Notre valeur ajoutée, c’est ce que l’on offre en plus.”

Viser large pour affiner au mieux

Affichage, signalétique, enseignes, panneaux, PLV (packaging, totems, kakémonos, banderoles et bâches, stop rayons, frontons, présentoirs), structures d’exposition (stands, roll up et enrouleurs, portes brochures, enseignes, drapeaux), décoration et agencements (papiers peints, stickers, toiles, tableaux, meubles)… Si Multisigne a fait des choix – technologiques, notamment – on ne peut pas dire que son offre se soit concentrée autour d’un nombre plus restreint de produits. Une variété de possibilités qui fut une chance, notamment lors de la crise sanitaire. « Notre avantage, c’est d’être très généralistes et de pouvoir à répondre à tout type de demande, ou presque. Pendant le Covid, on est arrivés à être flexible en prenant des choses par-ci, par-là : des banderoles, des stickers etc. Cela nous a permis de ne pas fermer. Paradoxalement, cette espèce d’improvisation constante a créé de la solidarité et de la cohésion dans l’équipe. La fidélité de nos fournisseurs a également été d’une grande aide, leur présence nous a permis d’anticiper en surstockant » se remémore-t-elle, même s’il reste à préciser les équilibres sur lesquels l’entreprise a décidé de miser. « La part de notre chiffre d’affaires consacrée aux affiches a été en baisse pendant des années, parce que nous produisions avec d’anciennes machines et que les prix avaient sensiblement baissé. Dans le même temps, nous avons développé l’activité PLV pour compenser au moins en partie. Là, nous avons racheté de nouvelles Aleph à encres aqueuses, ce qui nous permis de réenclencher une dynamique très positive sur l’affiche » précise Emily Pornet, qui ne cache cependant pas combien la réorientation de l’activité sur la PLV aura constitué un virage stratégique majeur, pour partie contraint, mais bel et bien salutaire. Un virage qui aura en effet notamment conduit l’entreprise à flexibiliser tant son organisation, par l’instauration d’un planning en 3/8, que son amplitude de production, Emily Pornet se faisant ainsi fort de souligner que Multisigne s’attache à produire à partir d’un seul exemplaire, jusqu’à imprimer de hauts volumes si nécessaire, pour servir des marchés plus massifiés. Là encore, l’objectif est clair : répondre à un maximum de demandes, de toute nature.

Être à l’affut de nouveaux marchés : une adaptation qui passe par un élargissement de services

« Il a fallu trouver d’autres leviers lorsque le marché de l’affiche a commencé à baisser et dans le même temps nous constations une hausse sensible des demandes en PLV. Des gros faiseurs nous ont fait confiance et au fur et à mesure, on en est arrivé à faire 75 % de PLV. Alors que dix ans plus tôt, près des trois quarts de notre activité était consacré à l’affiche. On a complètement basculé, presque changé de métier, mais nous n’avions pas le choix » explique-t-elle. Un contexte qui explique en partie cette volonté d’ouverture sur les opportunités qui peuvent se faire jour dans le domaine de la communication visuelle au sens large, l’entreprise se montrant particulièrement soucieuse de ne pas s’enfermer dans une offre rigide. Et pour cause : « On est presque devenus une agence de communication. Il faut accompagner les clients sur l’idée, parfois même sur la créa’, sur le prix, sur le cahier des charges, notre bureau d’étude les accompagne sur la conception etc. L’imprimerie, ce n’est plus un simple travail d’exécution ‘Je vous envoie un fichier et vous l’imprimez sur un bout de PVC’. Pour moi la valeur n’est plus tant sur l’impression que sur ce que l’on est capables de proposer. Le fait est qu’on pratique à peu près tous les mêmes prix, avec des cadences machines et des niveaux de qualité similaires. Notre valeur ajoutée, c’est ce que l’on offre en plus » résume Emily Pornet. Or, ces ‘plus’ nécessitent fatalement de couvrir davantage de services, notamment dans ce qui se situe en aval de l’impression : finition, conditionnement, expédition… « On a recruté parce que c’est une transformation qui a demandé beaucoup de main d’œuvre, surtout sur la partie finition et conditionnement. Auparavant, nous ne nous occupions pas de tout ce qui concerne la répartition des expéditions, aujourd’hui c’est géré en interne, en travaillant notamment avec des ESAT. On fait venir des gens ponctuellement sur certains dossiers » confirme la dirigeante.

“En soi, on fait de l’ultra-personnalisation, mais il faut marketer ce que l’on fait et accompagner les gens, sinon ça ne marche pas.”

Production mutualisée, marketing ciblé

« En fonction des commandes, nous avons des machines petites, moyennes et grandes quantités. Sur certains nouveaux équipements, nous pouvons maintenant faire du roll-to-roll, alors que nous imprimions uniquement en aplat auparavant. L’idée, c’est donc d’aller creuser d’autres marchés » poursuit Emily Pornet, même si lorsqu’on lui demande comment ces arbitrages de volumes sont concrètement traités, les critères d’appréciation s’éloignent beaucoup de ce que diraient nombre d’offsettistes dits ‘traditionnels’ : « C’est compliqué parce que si on parle de plaques de 3 par 2, dès la centaine d’exemplaires on imprime une quantité importante en m². Alors qu’à l’inverse, 2000 petits stickers, c’est un petit dossier. On arbitre les quantités en fonction du nombre de plateaux que l’on passe, sur tout type de matières : supports rigides, souples, du carton, du plexiglas, du PVC, du bois etc. Mais on fait de plus en plus de PLV durables, donc pas mal de bois. On s’appuie sur des machines plutôt typées haute qualité qui impriment en petites séries à 40 m² de l’heure. C’est justement typiquement avec ces machines que l’on imprime du bois pour des enseignes durables » développe-t-elle en effet. Cette volonté de souplesse ne transparaît toutefois pas qu’au travers de choix d’investissements techniques, puisque l’on découvre chemin faisant que Multisigne cache d’autres atouts dans sa manche, hébergeant un matériel de production en réalité partiellement dédié à des entités satellites, bénéficiant de leur propre identité et d’un marketing singulier. « J’ai une deuxième entreprise qui est Pixpano. Multisigne, c’est une cinquantaine de salariés, Pixpano c’est vingt salariés. On fait exclusivement de la crédence de cuisine, des parois de douche, de la verrière personnalisée etc. On vise donc clairement les marchés de la décoration intérieure, ce qui est un positionnement bien spécifique. Les deux entreprises sont donc managées à part, parce qu’elles n’ont pas du tout la même façon de fonctionner. Néanmoins, l’équipement est partagé » explique-t-elle, avec une volonté manifeste d’adapter la communication au produit, le plus possible. « Les marchés de la décoration sont très porteurs et je pense qu’aujourd’hui, c’est un axe de développement à fort potentiel. Sur de la crédence, je travaille pour des professionnels qui sont des cuisinistes, des architectes, des décorateurs d’intérieur etc. Ces marchés sont peut-être encore un peu complexes quand on cherche à s’adresser directement au consommateur final. De mon point de vue, ça fonctionne mieux quand on crée des gammes standardisées. En soi, on fait de l’ultra-personnalisation, mais il faut marketer ce que l’on fait et accompagner les gens, sinon ça ne marche pas » prend-elle soin de préciser, décrivant un écosystème industriel mutualisé, mais des approches marketing volontairement plus éclatées, de sorte à maximiser les chances de toucher des cibles diverses, lesquelles n’auraient pas forcément l’idée d’aller solliciter un imprimeur grand format, ou à tout le moins identifié comme tel. Il aura souvent fallu se signaler autrement. Mais plus encore, Multisigne & Pixpano – qui génèrent respectivement 8 et 4 millions d’euros de chiffre d’affaires – s’inscrivent dans une philosophie consistant à mêler production industrielle, offre de services élargie et marketing ciblé : une triple approche qui fait presque figure aujourd’hui de seule stratégie viable, pour sortir le print d’une ornière strictement industrielle de plus en plus restrictive.

Lire également : Sérigraphie, impression numérique connexe & Labeur : comment acter de la fusion des conventions collectives ?

Oui Pub – La messe n’est pas dite

Plusieurs questions nous parviennent sur le devenir de l’expérimentation Oui Pub, qui doit s’achever le 30 avril 2025, après avoir été mise en place dans 14 localités. Explications.

L’UNIIC participe au Comité de Pilotage ‘Oui Pub’, une implication qui court depuis 2020, aux côtés notamment de la Fédération du Commerce Associé (FCA), la Copacel, les acteurs de la distribution (Mediapost et Milee), les grandes enseignes alimentaires, l’Ademe, l’Inspection Générale de l’Emploi et du Développement Durable (IGEDD), des représentants des localités engagées etc. L’objectif : dresser des constats intermédiaires, quantifier de premiers effets, mettre le doigt sur des points de dissension et, le cas échéant, faire entendre nos réserves.

L’UNIIC est intervenue pour souligner différents points (conséquences socioéconomiques attachées au secteur élargi de l’imprimerie, manquements apparents de l’expérimentation etc.). Pour ce faire, nous avons adressé un questionnaire à des imprimeurs directement positionnés sur ces marchés, pour quantifier au mieux les effets de l’expérimentation sur les profils les plus exposés. Etant entendu que les conséquences en sont étendues en cascade, les marchés de la publicité s’en trouvant reconfigurés au-delà des zones-test, affectant l’activité dans son entier.

A ce stade, plusieurs points majeurs sont à souligner :

–              Le taux d’apposition Oui Pub – très irrégulier selon les localités considérées – souligne combien tout le monde n’a pas joué le jeu d’une communication transparente. Quasi-nul dans certaines zones, proche des 50 % dans d’autres : tel différentiel ne semble pouvoir être expliqué que par le fait que l’existence même d’un Oui Pub n’a pas été portée à la connaissance de tous les usagers, dont une part importante ignore toujours qu’elle se trouve en zone d’expérimentation. De son côté, Mediapost indique renoncer à servir les boites aux lettres, en dessous d’un taux d’apposition de 30 %.

–              L’UNIIC s’investit pour alimenter les pouvoirs publics sur la quantification et la qualification des conséquences économiques et sociales de l’expérimentation. C’est dans ce contexte que nous surveillerons avec attention l’indicateur 2, qui porte sur le volume de la production et la diffusion estimées des IPSA (Imprimés Publicitaires Sans Adresse), des IPA (Imprimés Publicitaires Adressés) et des messages numériques, quel que soit le format. Pour mesurer les impacts en termes de gestion des déchets et donc de paralysie de l’économie circulaire, l’UNIIC sera particulièrement vigilante quant aux évolutions des tonnages de déchets.

–              L’UNIIC pousse pour l’élaboration d’une ACV comparative entre les modes de communication imprimés et numériques, de façon à sortir des arguments présumés sur les bienfaits d’une dématérialisation dont on sous-estime encore les impacts. Car il faut le rappeler : les décisions relatives à l’arrêt d’une distribution d’IPSA ne signifient en rien une suppression de la communication associée, les prospectus étant le plus souvent ‘simplement’ réaffectés à d’autres canaux, dotés de leurs propres impacts. En première ligne pour exiger en son temps, y compris auprès des parlementaires, une mesure scientifique de l’évaluation environnementale comparative des campagnes par voie de distribution d’imprimés et par voie numérique, l’UNIIC s’attachera à tirer toutes les conséquences de l’unité dite fonctionnelle puisque l’étude comparative se placera à l’échelle d’un catalogue. Afin qu’il n’y ait aucun biais, nous nous attacherons à ce que soient prises en compte toutes les pratiques actuelles, tant en matière de publicité digitale qu’en matière de formats papier.

–              Il apparaît que le Stop Pub est plus respectueux de la volonté des usagers : 89 % des usagers ayant apposé un ‘Stop Pub’ sur leur boite aux lettres disent être à l’aise avec l’idée de ne plus recevoir aucun prospectus, au risque de rater une information intéressante. A l’inverse, ce même taux n’est plus que de 34 % dans un système ‘Oui Pub’, une nette majorité d’usagers n’apposant pas de macaron ‘Oui Pub’ admettant en effet qu’elle préfèrerait continuer de recevoir les prospectus les plus susceptibles de les intéresser, selon l’enquête menée par Galileo pour l’Ademe.

Les travaux se poursuivent et l’UNIIC s’engage à faire entendre des arguments qui portent suffisamment pour que l’extension de l’expérimentation Oui Pub à l’ensemble du territoire ne soit pas déjà jouée. Un combat qui n’est bien sûr pas anodin, même s’il apparaît clair que les marchés de l’imprimé publicitaire s’en trouveront sévèrement affectés de toute façon, la démassification desdits marchés étant déjà engagée.

Nous ne manquerons pas de vous informer très prochainement sur notre implication au sein du groupe de travail sur l’ACV, qui va désormais constituer un chantier majeur.

KVC Print – “Ce qui compte, de plus en plus, c’est le service”

Acteur important de l’impression grand format, notamment pour les marchés de l’affichage, KVC Print fait le point sur ses perspectives post-Covid, sur sa vision des marchés de la communication visuelle et sur le sens qu’il souhaite donner à sa mission d’industriel, de plus en plus attaché à dépasser sa stricte condition de prestataire/fabricant pour s’imposer comme le « compagnon de route » de ses clients.

En 2020, IOC Print – spécialiste français de l’impression grand format – alors en proie à des difficultés sévères dans le sillage des confinements sanitaires qui ont vu l’arrêt brutal de l’essentiel des marchés de la communication affectés à l’affichage extérieur, passait sous pavillon belge, racheté par le Groupe Koramic. Un groupe dont les activités dans l’affichage, la PLV, le textile ou la signalétique, se déploient dans une quinzaine de pays (3600 salariés pour 620 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022). Naissaient ainsi Koramic Visual Communication (KVC) Print et Retail, employant 84 salariés répartis sur deux sites de production : à Vitry-sur-Seine (94) et à Saint-Priest (69), avec une part de sous-traitance à Braine l’Alleud, en Belgique, chez Hecht Printing Solutions. Après trois ans d’un rachat qui a forcément occasionné des réflexions et amené des repositionnements stratégiques, nous avons été reçus sur le site de Vitry-sur-Seine par Stéphane Leclipteur (CEO Hecht, Creaset, KVC Print et Retail), Christian Borel (Directeur général de KVC Print) et Jérôme Jallu (Directeur général adjoint). De quoi se persuader – avec un recul désormais suffisant – que KVC Print a digéré la vague Covid et porte une vision à même d’inscrire l’entreprise dans le futur.

“La reprise par Koramic a été l’occasion de retrouver de la rentabilité, en s’appuyant sur des bases plus saines.”

Une consolidation post-Covid actée

« En chiffre d’affaires consolidé sur KVC Print et Retail, nous atteignons pour 2023 les 19 millions d’euros. C’est peu ou prou le chiffre d’affaire qu’avait IOC avant le rachat, en 2019, mais avec des clients et des prix qui étaient toxiques. La reprise par Koramic a été l’occasion de retrouver de la rentabilité, en s’appuyant sur des bases plus saines » éclaire Stéphane Leclipteur, qui ne veut pas voir en ce CA retrouvé un simple effet de rattrapage. « Nous nous sommes recentrés sur notre métier de base qui est l’affiche : c’est 80 % de notre chiffre d’affaires. Nous avons aussi fourni un vrai travail d’analyse de nos marges. Maintenant que nous avons retrouvé de la rentabilité, nous pouvons développer des produits un peu connexes » ajoute Christian Borel. En marge de l’affichage (intérieur et extérieur), cœur battant de l’entité KVC en France, les sites de Vitry-sur-Seine et Saint-Priest servent en effet également les marchés de la signalétique (bâches, vitrophanies, banderoles, adhésifs etc.), de la décoration/rénovation, du covering ou encore de la PLV. L’épisode Covid-19, bien que surmonté, pèse toutefois encore lourd dans les mémoires, tant il est venu entraver une reprise survenue dans un contexte très défavorable… « Non seulement il n’y avait plus personne dans les rues, avec des conséquences qui commençaient à s’étaler sur le long terme, mais comme le groupe venait d’être repris, nous n’étions même pas éligibles aux aides et aux différents dispositifs comme le PGE. Heureusement, l’actionnaire a joué son rôle et nous a permis de traverser cette période difficile » se remémore Christian Borel.

“On fera probablement une excellente année 2024, mais je ne suis pas sûr qu’on retrouvera ces annonceurs en 2025.”

Après les JO, la claque environnementale ?

Mais en l’occurrence, les inquiétudes d’hier ne sont pas forcément celles de demain. « Pendant la crise sanitaire, l’affichage a beaucoup souffert mais le carton – et notamment la PLV – a très bien résisté, parce que beaucoup de magasins restaient ouverts. Aujourd’hui c’est un peu l’inverse : l’affichage est très vite reparti, tandis qu’une méfiance s’est installée sur les autres marchés, notamment en raison du contexte économique et géopolitique » estime Stéphane Leclipteur. « Nous avons des perspectives très positives sur l’affichage, à minima jusqu’aux Jeux Olympiques » renchérit Christian Borel, avec les avantages et les inconvénients que portent ces contextes très exceptionnels. « On fera probablement une excellente année 2024, mais je ne suis pas sûr qu’on retrouvera ces annonceurs en 2025 » nuance-t-il en effet dans la foulée. « Il ne faut pas se laisser griser, d’autant qu’il va falloir intégrer les conséquences de tous les RLP [Règlements Locaux de Publicité, NDLR] actuellement en négociation, tout de suite après les JO » ajoute-t-il, dans un contexte où la pression écologiste se matérialisera dans des localités autres que celles qui se sont déjà illustrées par des restrictions concrètes : à Grenoble ou à Bordeaux, notamment. « Je me suis engagé auprès de l’APA [Association des Professionnels de l’Affiche, NDLR] justement pour porter le message des progrès que nous avions faits et des démarches vertueuses en cours. Avec l’avènement notamment de l’impression numérique et même les avancées accomplies en impression offset ou en sérigraphie aujourd’hui, on ne peut pas nous enlever d’avoir su évoluer et il faut le faire savoir. L’affichage pèse tellement peu dans l’ensemble des émissions de GES, qu’on est légitimes à défendre ce que l’on est » insiste Christian Borel. Ce n’est là toutefois qu’une part (minoritaire ?) de la problématique, puisque même régie par des pratiques aussi écoresponsables que possible, c’est la publicité en soi qui est honnie par une frange grandissante de la population, dans l’espace public. De sorte que montrer patte verte ne suffira pas, sinon pour discréditer des dispositifs publicitaires alternatifs – digitaux, notamment – probablement tout aussi (sinon plus) énergivores. « On ne maîtrise pas tout, mais on a pris le virage autant que possible : tous nos sites sont certifiés. Parfois, pour aller plus loin, ce sont les sources qui manquent : il est par exemple très difficile de trouver certaines matières recyclées. Sur certaines sortes en offset, on ne dépend que de Burgo par exemple » regrette Stéphane Leclipteur.

“L’impression numérique a vraiment franchi un palier qualitatif : des clients comme Hermès, Dior ou L’Oréal n’hésitent plus à y aller aujourd’hui sur des corners en magasins, parce qu’ils en tirent un avantage. Cela leur permet de changer de visuel tous les deux jours s’ils le souhaitent, avec un niveau de qualité tout à fait suffisant.”

Une hybridité offset/numérique au service de la demande

Réunissant une ancienne serrurerie et un ancien garage automobile, le site KVC Print de Vitry-sur-Seine présente des caractéristiques atypiques. « On est sur la rampe d’accès d’un garage auto’ des années 60 » s’amuse en effet de noter Jérôme Jallu, alors que commence la visite commentée des locaux. Là où passaient donc jadis des 4L et autres 2CV, se font désormais suite dans d’incessants ballets des transpalettes électriques, se frayant ainsi un chemin jusqu’aux différents ateliers, dans un dédale d’accès biscornus. Equipée de trois presses offset (Koenig & Bauer 162 cinq couleurs 120×160 ; Koenig & Bauer 185 cinq couleurs – 130×185 ; Manroland 900 XXL cinq couleurs – 130×185) et d’une presse numérique (Aleph Laforte 160×360 cm + système de découpe Fotoba), l’entreprise vitryote s’est appropriée l’argumentaire d’une communication capable d’intégrer du contenu variable, sans sacrifier la qualité d’impression. Un positionnement que KVC Print assoit d’autant plus que le site de Saint-Priest est quant à lui 100 % numérique (une imprimante Aleph Laforte ainsi que deux HP Latex).  « Les clients ont vite vu les avantages de l’hybridité des procédés : faire des affiches différentes en numérique en fonction de leur localisation, en déployant du marketing ciblé. Ce qui ne les empêche pas de continuer à faire 10 000 mètres² en offset sur un réseau national comme Airbnb par exemple » témoigne Jérôme Jallu, confirmant là que les deux stratégies pouvaient parfaitement cohabiter. Mieux encore : comme elles se complètent, les donneurs d’ordre ont tendance à solliciter des fabricants capables de jouer sur les deux tableaux. « Le numérique a vraiment franchi un palier qualitatif : des clients comme Hermès, Dior ou L’Oréal n’hésitent plus à y aller aujourd’hui sur des corners en magasins, parce qu’ils en tirent un avantage. Cela leur permet de changer de visuel tous les deux jours s’ils le souhaitent, avec un niveau de qualité tout à fait suffisant ». Pour autant, Jérôme Jallu nous l’assure, KVC ne mise pas tant sur ses atouts techniques que sur la flexibilité d’une offre où les machines sont des moyens, et non une fin. « Je n’imprime ni mieux ni moins bien que les autres et je ne serai jamais le moins cher. Mais ce qui compte, de plus en plus, c’est le service : s’il faut bousculer nos plannings pour honorer une demande tombée en dernière minute, on le fait » ne tarde-t-il pas à confirmer. « On s’astreint à un niveau haut de satisfaction client. Au début, on me disait que nous étions fous de tirer encore des BAT en numérique. Mais je pense que quand le client repart et qu’il a vu qu’on s’attachait à mettre ses affiches littéralement à l’épreuve, en extérieur, dans des conditions d’éclairage naturelles, au sein d’un abribus si nécessaire, on a gagné. Parce qu’on sait que ce sont des campagnes qui reviendront. »

“Il faut connaître ses clients, il faut visiter ses clients, il faut débattre avec eux… En vérité, chacun est au service de l’autre.”

Jérôme Jallu, Directeur général adjoint.

Quand l’imprimeur ne fait pas qu’imprimer

Une volonté d’embrasser les problématiques du client qui excède le seul paramètre technique pour s’intéresser plus globalement sa communication. « Il peut arriver que l’actualité sociale ou politique ne permette plus de conserver un slogan par exemple. Dans ces cas-là, on est attentifs et prêts à modifier les fichiers en prépresse si nécessaire. Aujourd’hui, on ne peut plus se contenter de vendre de l’encre sur du papier, il faut davantage s’imposer comme un compagnon de route » illustre-t-il, évoquant notamment des adaptations organisationnelles qui permettent à KVC de vendre, non pas tant du tour machine, mais une réactivité optimale, du conseil et du temps d’écoute. Une autre façon de dire que la valeur ajoutée d’un industriel imprimeur s’est petit à petit déplacée sur le terrain du service au sens large, en amont et en aval de l’impression. « Il faut bien se figurer que l’on parle à des gens qui, pour une campagne, sont parfois allés à l’autre bout de la Terre pour prendre trois photos. Ils ont une histoire à raconter derrière ces choix et c’est tant mieux. C’est ce qui fait de notre métier quelque chose d’humain. Sinon, nous nous contenterions de tout automatiser : une commande arrive, elle est traitée puis expédiée. Mais est-ce qu’en se contentant de ça, on comprend vraiment le sens de ce que l’on fait ? » insiste-t-il. D’où la présence sur le site de Vitry d’un Bureau d’étude – KVC Retail – capable de s’appuyer sur des briefs clients pour accompagner ces derniers sur des recherches au long cours : développer des présentoirs innovants, valoriser et hiérarchiser de façon optimale les produits d’une marque, rénover les formats imprimés etc. Là encore, KVC s’inscrit comme un partenaire capable de conseiller en profondeur – à la lumière de ses compétences industrielles – des clients en demande d’éclairages. « Nous sommes pour eux des intégrateurs de solutions » résume Jérôme Jallu, chose qui s’avère de plus en plus sensible à mesure que la relation avec le client est établie de longue date. « Il faut connaître ses clients, il faut visiter ses clients, il faut débattre avec eux… En vérité, chacun est au service de l’autre » conclue-t-il, persuadé que là se noue l’avenir d’une entreprise : dans sa capacité à entendre, avant de répondre. Une focalisation sur la demande qui induit de nécessaires réajustements, au regard de ce que réclame l’époque. Si l’entreprise assure qu’elle n’investira toutefois pas les terrains les plus éloignés de ses compétences pour reconfigurer son offre – quitte à renvoyer certains clients chez des prestataires mieux armés, là encore dans une optique de conseil – elle s’emploie à comprendre des besoins changeants, pour être toujours force de proposition. Finalement, quelle meilleure façon d’entrevoir l’avenir que de tâcher d’en écrire modestement sa part ?

Imprim’Luxe – Dix ans et des idées plein la tête

Dix ans, c’est un cap qu’Imprim’Luxe ne s’est pas privé de célébrer, cette longévité marquant la réussite d’un projet qui n’a toutefois pas fait le tour de sa question. Car Pierre Ballet, recevant pour l’occasion Hubert Védrine et Arnaud Montebourg – qu’on ne présente évidemment plus – décrit l’avenir du label dont il est le Président avec un objectif clair : resserrer plus encore les liens avec les donneurs d’ordre.

C’est à L’Automobile Club de France que le label donnait rendez-vous à ses plus fidèles soutiens, avec des invités de prestige. Malheureusement, se sent-on obligé de préciser, la venue d’Hubert Védrine pour cet anniversaire d’Imprim’Luxe survient dans un contexte de tensions géopolitiques à ce point explosif, que son intervention était d’autant plus attendue. « On me demande ce que l’état du monde induit aujourd’hui pour vos activités. Vous pensez bien qu’en quelques minutes, je resterai très général » souligne-t-il alors, lui qui se décrit comme un « réaliste » qui aura été contraint de l’être, fort de sa carrière de diplomate, ancien ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement Jospin et ancien secrétaire général de la présidence de la République sous François Mitterrand.

Hubert Védrine, ancien Ministre des Affaires étrangères entre 1997 et 2002 (Gouvernement Jospin).

Fracturée, la mondialisation tient bon

« Nous vivons une ère de la mondialisation fracturée. C’est parfois difficile à entendre pour les occidentaux, qui ont tendance à se voir comme étant à l’avant-garde de la civilisation, de la morale et du progrès, mais après l’attaque de Poutine en Ukraine, il y a quarante pays – qui pèsent pour les deux tiers de l’Humanité – qui n’ont pas voulu choisir lors de l’assemblée générale des Nations Unies. Parmi ceux-là, certains n’ont aucune sympathie pour la Russie, mais ils se refusent simplement à être dans le camp occidental de façon automatique » commente Hubert Védrine, ajoutant qu’à la lumière de la guerre au Proche-Orient, « Pour un milliard de musulmans, ce que l’occident perçoit comme étant du terrorisme et de l’antisémitisme, est un acte de résistance ». Une fracture ouverte, donc, mais qui ne remet nullement en cause la réalité d’une mondialisation toujours opérante. « Typiquement, les entreprises du luxe ne souffriront pas forcément de ces fractures et continueront de toucher des cibles avec du pouvoir d’achat, en se rendant désirable à l’international » ajoute-t-il en effet, se refusant à confondre une mondialisation fracturée avec un mouvement hypothétique de démondialisation. « Aux entreprises de ne pas trop s’occidentaliser elles-mêmes », pose-t-il toutefois comme condition, revenant ici un peu à ses racines de conseiller diplomatique. Ainsi devine-t-on ici une première forme de divergence avec Arnaud Montebourg, qui avait été l’un des premiers hommes politiques français à se faire porte-étendard de ladite « démondialisation », non sans y aller de sa propre définition d’un concept qu’il ne nomme toutefois plus de la sorte…

Arnaud Montebourg, ancien Ministre de l’Économie, du Redressement productif et du Numérique.

Le made in France comme acte de résistance

Pourtant, de divergences débattues de haute lutte il n’y aura pas : « Dans un rapport qu’il avait rendu au Président Sarkozy sur l’avenir de la mondialisation, Hubert Védrine réhabilitait la nation comme premier outil collectif d’action économique » précise en effet Arnaud Montebourg, qualifiant à cet égard Hubert Védrine de « visionnaire ». S’appuyant ainsi sur ce combat commun, l’ancien Ministre de l’Économie, du Redressement productif et du Numérique de France, le redit en 2023 avec la même verve qu’alors : la construction européenne a selon lui été le théâtre d’une « soumission » autorisant pêle-mêle « le dumping et la concurrence déloyale » et ayant pour conséquence des « destructions économiques », faute d’un cadre protecteur suffisant. Dénonçant les logiques moins-disantes qu’engagent trop souvent les mises en concurrences mondialisées, Arnaud Montebourg voit en l’existence du made in France une forme de résistance nécessaire : non, il ne s’agira pas de s’aligner. « La mondialisation n’était pas un fait contre lequel on ne pouvait rien. C’était un fait politique concerté, décidé, organisé » embraye-t-il, refusant de voir en la désindustrialisation qui s’en est suivie, une fatalité. « Le made in France, c’est la possibilité pour une nation de mettre tous les jours, le pain et le couvert. C’est une vision purement mercantiliste : je dois assurer le pain quotidien de mes concitoyens. Moi ça ne m’intéresse pas de développer la Chine » s’emporte-t-il déjà, appelant de fait chaque nation à se donner les moyens politiques de sa propre survivance économique. « Nous avons le pire déficit extérieur de l’Union Européenne » se désole-t-il ensuite, faisant en creux le constat d’un redressement manqué et d’un endettement progressif. A sa modeste échelle, sur un secteur – celui du luxe – qui bénéficie d’évidents atouts intrinsèques pour s’exporter à bon prix, Imprim’Luxe mène sa part du combat : porter haut l’image de l’industrie française, au profit (car ce n’est pas un gros mot) des entreprises qui adhèrent au label. Pas de triomphalisme pour autant, Pierre Ballet définissant parfaitement les enjeux : « Nous constatons qu’en 2022, certaines grandes maisons – comme Hermès ou Chanel – ont décidé de relocaliser en France la fabrication de nombre de leurs packagings, pour des raisons de stratégie RSE sûrement, mais aussi pour accompagner et soutenir notre industrie ». Evoquant l’action d’Imprim’Luxe davantage à ce jour comme un liant précieux qui aura permis des « fertilisations croisées entre les labellisés » que comme un moteur de relocalisation directe, il ne veut pas s’en tenir là. « Je pense qu’il nous faudra travailler auprès de structures qui ont des contacts avec les donneurs d’ordre que nous n’avons pas à l’heure actuelle, pour aller plus loin et devenir plus encore, un indicateur d’excellence pour les maisons du luxe » formule-t-il comme vœu, évoquant pour ce faire un management repensé, une équipe rajeunie et des objectifs redéfinis. De toute évidence, s’il y avait déjà une brèche il y a dix ans, elle s’est accentuée dans une ère Post-Covid qui a ravivé des manques productifs malheureux, en sus d’un travail de reconsidération des circuits courts, à des fins (notamment) de lutte pour le climat. De telle sorte qu’au moment de souffler sa dixième bougie, Imprim’Luxe fait état d’une vision claire et ambitieuse de son avenir : il faut se signaler face aux donneurs d’ordre comme les porteurs d’une solution vertueuse de relocalisation, avec le prestige intact du made in France. De quoi, c’est certain, s’assurer encore de beaux anniversaires.

Retrouvez les photos de la soirée

Pierre Ballet, Président d’Imprim’Luxe.

Protection des données personnelles – Une régulation nécessaire aux effets pervers

Cet article est paru dans Acteurs de la Filière Graphique n°135 (octobre 2021)


Alors que tant appellent à contraindre des GAFAM hyper dominants dopés à la data, peut-on seulement échapper à leur emprise ? La volonté de leur opposer des limites n’a-t-elle pas davantage mis en difficulté des structures de taille plus modeste ? De paradoxes en effets pervers, la nécessaire protection des données personnelles apparaît comme un défi encore loin d’être réglé…

Nous serions tentés d’être taquins et de rappeler qu’il y a peu, visiblement désireux de se passer des services d’Apple et de Google par souci d’indépendance, l’État français s’est obstiné à élaborer en s’isolant une application StopCovid (devenue TousAntiCovid) incompatible avec des modèles de smartphones dits « trop anciens ». Un retard à l’allumage qui n’aura été que partiellement comblé, au gré notamment de problèmes d’interopérabilité persistants, grâce à une application de remplacement encore imparfaite mais qui dépassait enfin les vingt millions de téléchargements fin juin 2021. Une « victoire » ô combien laborieuse donc, qui souligne cette triste réalité : à parfois trop vouloir s’émanciper de la mainmise des GAFAM, fût-ce sur le fond pour des raisons très légitimes, on ne se rend la tâche que plus ardue encore.

« Les logiques de marketing et de communication nourries à la data sont en train de s’imposer, bien au-delà des seuls géants du Web. »

Le numérique, un accélérateur de monopoles ?

La chose vaudra également (et vaut probablement déjà) en matière de régulation des flux de collecte et de traitements des données personnelles. Car si « souveraineté numérique » il doit y avoir, elle ne saurait s’affranchir à ce jour d’une emprise oligopolistique qu’il s’agit à ce stade surtout d’encadrer, plus que de déconstruire. S’il est à parier que quelques fiers étendards de la « French Tech » réussiront à s’imposer sur des terrains encore laissés libres (entre autres co-constructions européennes, que certains souhaitent pouvoir opposer aux leaders américains), il serait malvenu d’ignorer combien l’espace numérique – aussi ouvert et foisonnant soit-il – est par nature générateur de simili-monopoles, dont certains sont d’évidence très bien installés. « Aucune société européenne n’est actuellement en mesure de modifier le rapport de force économique et industriel mis en place par les sociétés américaines et chinoises. Qu’il s’agisse des GAFAM, des NATU (Netflix, Airbnb, Tesla, Uber), de leurs équivalents chinois, les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi), ou encore de Huawei ou ByteDance, du fait de leur puissance économique et de leur extension dans l’ensemble des champs économiques et sociaux, ces entreprises ont acquis un pouvoir politique qu’aucun autre acteur industriel n’avait pu acquérir jusqu’ici » écrit notamment  Bernard Benhamou, secrétaire général de l’Institut de la souveraineté numérique, dans une tribune intitulée « Souveraineté numérique : quelles stratégies pour la France et l’Europe ? ». Dès lors en effet que l’efficience des services en ligne est décorrélée de toute notion de dépendance géographique (et en l’occurrence, vous n’aurez besoin que d’une connexion stable pour utiliser Google, peu importe que vous vous situiez au beau milieu d’une mégalopole ou en rase campagne), c’est le prestataire dominant qui absorbe l’essentiel des requêtes sur le Web. De la même façon que Youtube n’a rapidement plus toléré de concurrent sérieux (Dailymotion – une création française – aura pourtant essayé), Amazon écrase le marché du e-commerce avec 22 % de parts de marché (hors alimentaire) et un chiffre d’affaire plus de deux fois supérieur à celui de son dauphin, Cdiscount. A l’inverse, les services de proximité dits « physiques » sont des facteurs précieux de diversité : là où les leaders du numérique tentent de centraliser l’activité (commerciale, publicitaire, économique etc.) en leur sein, les acteurs de la proximité ont pour mission d’assurer un maillage géographique des services suffisant pour offrir une qualité de vie décente au plus grand nombre. Pour autant, qu’on ne s’y trompe pas : la data de leurs clients et usagers les intéresse tous. Ce n’est peut-être pas encore le cas de votre boulanger de quartier (quoique), mais les logiques de marketing et de communication nourries à la data sont en train de s’imposer, bien au-delà des seuls géants du Web…

« En appliquant à ses supports de communication numériques un algorithme de recommandation, Picard peut décliner 1283 combinaisons de messages, selon les affinités perçues des cibles visées. »

Soucieux d’ultra-personnaliser ses approches numériques, l’enseigne Picard s’est dans le même temps attachée à positionner le papier sur des formats magazines de qualité.

Transformation « Data-driven » : le cas Picard

Il est des acteurs pour lesquels la transformation numérique n’est pas une option : avec 1036 magasins en France et une présence sur Internet dès l’année 2000 avec un site de vente en ligne, Picard est davantage un poids lourd de son secteur qu’une petite entreprise de quartier. C’est pourtant un véritable acteur de proximité qui a déjà axé une part majeure de son développement sur du retraitement de data qualifiée. Démonstration en fut faite durant l’assemblée générale du Syndicat National de la Communication Directe (SNCD), alors sur le point d’être rebaptisé DMA France : première analyse de tickets de caisse en 2011, premiers tests CRM et assortiments différenciés selon les typologies de magasins en 2013, lancement d’un programme fidélité en 2017 et premières communications segmentées/personnalisées selon les profils de clients en 2018. Picard a déjà fait du chemin et n’entend pas en rester là. Alors en effet que les stratégies de segmentation ont déjà porté leurs fruits (la marque ayant constaté une nette amélioration du taux de conversion à l’achat des produits mis en avant, via des communications segmentées), l’enseigne n’hésite pas à qualifier clairement son objectif : « aller vers le one-to-one » en poussant aussi loin que possible les logiques de communication et de recommandations personnalisées. Or, quelle meilleure arme que l’analyse data pour y parvenir ?

Le print encore incontournable pour parler aux masses

En faisant appel à Equancy, un cabinet de conseil spécialisé dans la transformation digitale, la marque conditionne aujourd’hui plus que jamais son évolution à son niveau de connaissance de ses clients. Dit très simplement : les comportements d’achat sont scrutés et analysés pour développer un algorithme de recommandation aussi pointu que possible. A ce jour, en appliquant à ses supports de communication numériques un algorithme de recommandation, Picard peut décliner 1283 combinaisons de messages, selon les affinités perçues des cibles visées. Un chiffre que l’enseigne ne désigne pas comme un plafond, mais comme une étape vers le « one-to-one » qu’elle appelle de ses vœux. Si l’objectif est posé, la stratégie de Picard assume une réelle scission entre l’hyperpersonnalisation de recommandations 100 % digitales et le maintien du print dans une logique de média de masse, porteur d’un socle commun d’informations. A ce titre, Picard édite, en marge de ses traditionnels catalogues produits imprimés, un magazine papier de brand content doté d’une ligne éditoriale solide : on y trouve des recettes, des conseils, des dossiers, des portraits etc. Si l’on voulait schématiser, l’on pourrait alors dire que le numérique est ici pensé pour parler à chacun, quand le print se veut parler à tous. C’est là un parti-pris stratégique particulier, en ce sens que le papier aurait lui aussi pu être le réceptacle (et le véhicule) d’une volonté de segmenter/personnaliser la communication, moyennant le recours à de l’impression numérique calibrée pour faire du versioning. L’enseigne semble donc vouloir à ce stade exclusivement flécher la data qu’elle s’applique à collecter, traiter et retraduire, vers ses supports et applications numériques, sous forme de recommandations personnalisées. Mais c’est une évidence : de tels objectifs ne vont pas sans leur lot d’obligations réglementaires…

On ne plaisante plus avec le RGPD

Après un temps d’ajustements, le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) entend se faire respecter. D’après une analyse d’Atlas VPN, près de 650 sanctions (soit près de 300 millions d’euros) ont été infligées par les autorités des pays membres de l’Union européenne entre mai 2018 et mai 2021 et la France fait partie des pays les plus zélés en la matière : citons notamment les sanctions prononcées par la CNIL qui ont visé Google (50 millions d’euros : un record) le groupe Carrefour (2,25 millions d’euros) ou très récemment Brico Privé (500 000 euros). Si les deux premiers cas entendent démontrer combien les gros poissons sont les cibles les plus prisées, celui de Brico Privé rappelle que les structures relativement plus modestes ne sauraient échapper au tamis réglementaire. Pire encore : au regard de ce qu’elles sont, elles paient proportionnellement plus cher leurs manquements que les GAFAM. En l’occurrence, Brico Privé n’aura pas eu besoin de commettre de lourdes fautes (on ne parle effectivement pas là d’espionnage ou de fuites massives des données), mais n’aura – comme tant d’autres – pas su serrer la vis en termes de bonne gestion de la data : s’assurer du consentement dûment renouvelé de ses cibles, ne pas conserver les données collectées au-delà du temps nécessaire ou encore garantir la sécurité des systèmes de stockage. Des erreurs qui – soyons clairs – sont d’autant plus répandues qu’elles réclament des moyens et compétences que tout le monde n’a pas encore et placent les structures les moins armées en situation d’insécurité juridique. C’est là une des missions portées par la FEDMA (Federation of European Data & Marketing) et ses déclinaisons à l’échelle nationale, dont DMA France (anciennement, le Syndicat National de la Communication Directe) : la FEDMA appelle en effet à « une mise en œuvre équitable et efficace du RGPD ». C’est bien le mot « équitable » qui apparaît important ici, car il laisse entendre combien mettre en place les bonnes pratiques, tant en termes techniques qu’humains, s’avère plus ou moins accessible, selon les moyens dont on dispose.

« Il y a cette balance à respecter entre d’un côté les droits des personnes et de l’autre, les intérêts commerciaux légitimes d’une entreprise à prospecter. Or, on tend à ne plus retenir qu’une part de l’équation. » Nathalie Phan-Place (Secrétaire générale de DMA France)

Le consentement, un prérequis absolu ?

Pour autant, lorsque l’on demande aux organismes concernés quelles formes d’inéquités il s’agirait de déconstruire, il est dans un premier temps surtout question de rappeler les équilibres qui lient le communicant/prospecteur à l’usager… « Le RGPD est censé permettre un équilibre entre les droits des personnes et les obligations des entreprises. Dans le prolongement de ce que définissait déjà la loi Informatique et Libertés depuis une directive qui date de 1992, il y a notamment la notion d’intérêt légitime pour l’entreprise qui entre en jeu : c’est ce qui permet de prospecter quelqu’un, sous certaines conditions, sans consentement préalable. Le RGPD reprend ce principe et précise bien qu’il y a cette balance à respecter entre d’un côté les droits des personnes et de l’autre, les intérêts commerciaux légitimes d’une entreprise. Or, on tend à ne plus retenir qu’une part de l’équation, les autorités de contrôle ayant tendance à ne plus s’inquiéter que du consentement du consommateur » regrette Nathalie Phan-Place, secrétaire générale de DMA France. Les cas où le recueil d’un consentement ne serait pas nécessaire, moyennant toujours toutefois la nécessité d’informer, concernent par exemple « la prospection par voie postale » ou celle qui vise à « honorer des obligations contractuelles » illustre-t-elle. Autrement dit : on ne saurait s’opposer à tout, même si le RGPD a indiscutablement induit un durcissement des règles pour plus de consentement, sur la base de principes déjà éprouvés au sein des précédentes réglementations en la matière. « Le RGPD introduit surtout l’obligation de proportionner les procédures de sécurisation de la donnée en fonction de leur degré de sensibilité et des risques qu’il y aurait à ce qu’elles fuitent » ajoute-t-elle. Malgré tout, pareil tour de vis réglementaire, a priori très favorable aux consommateurs désireux de protéger leur data, ne s’est pas traduit par un sentiment de sécurisation croissant. La faute cette fois à des rapports de force encore très disparates : car la situation est par nature inégale lorsque Google jouit d’une position d’ultra domination qui contraint une majorité à « consentir » au partage de données, faute de pouvoir accéder à des services devenus incontournables (Youtube, Gmail etc). Alors que pour une petite entreprise, le « risque » de voir l’utilisateur rebrousser chemin sans cliquer sur « accepter tout » est bien plus grand, en plus d’être possiblement définitif…

« Tous les pays ne font pas la même interprétation du RGPD, selon la culture des autorités de contrôle chargées de le faire appliquer, alors qu’il s’agit pourtant d’un règlement commun censé assurer une homogénéité. » Nathalie Phan-Place (Secrétaire générale de DMA France)

Un même règlement, mais des interprétations et des conséquences inéquitables

On peine ainsi à réguler des géants soumis à des règlements tentaculaires, lesquels finissent par sur-pressuriser les petits acteurs de façon presque collatérale, alors même que ce n’étaient d’évidence pas les premiers visés… Cette autre asymétrie est doublement problématique : à la fois parce qu’elle accentue les difficultés des entreprises les plus modestes – à rebours de ce pour quoi le RGPD a probablement été pensé, un comble – mais aussi parce qu’elle échoue encore à « protéger » le consommateur comme elle entend le faire. « Tous les pays ne font pas la même interprétation du RGPD, selon la culture des autorités de contrôle chargées de le faire appliquer, alors qu’il s’agit pourtant d’un règlement commun censé assurer une homogénéité. Le législateur a par ailleurs laissé beaucoup d’articles sur lesquels chaque État peut prendre des décisions différentes » précise Nathalie Phan-Place, le phénomène s’en trouvant naturellement amplifié dès lors que l’on parle d’entreprises hors Union Européenne… « Le RGPD s’applique à toute entreprise qui vient, soit prospecter des gens en Union Européenne, soit suivre leurs comportements. L’objectif était donc clairement d’inclure les GAFAM et ne plus leur permettre de se cacher derrière des législations hors UE. Mais dans les faits, elles s’y plient encore mal : malgré quelques amendes, leurs quality policy sont très loin des exigences de la CNIL en matière de protection des données en France par exemple, notamment sur les cookies » poursuit-elle, laissant deviner que si les GAFAM ont objectivement les moyens de s’acquitter d’amendes contestées du bout des lèvres, ce n’est pas une option pour de petites entreprises que des sanctions peuvent rapidement mettre en danger. « C’est aussi beaucoup plus handicapant pour les sites qui présentent leurs contenus comme étant gratuits, alors qu’en réalité leur modèle économique consiste à vendre des espaces publicitaires qualifiés aux annonceurs. S’ils ne parviennent pas obtenir le consentement de leurs utilisateurs, ils n’ont plus de données qualifiées à vendre et leur modèle économique tombe » précise la secrétaire générale de DMA France, dans un contexte où si l’information payante – pour le segment Presse notamment – gagne certes du terrain, elle reste minoritaire dans le flux de contenus lus et partagés sur le Web. Dernier paradoxe dans une situation qui n’en manque pas : les outils de vérification et de contrôle du consentement par exemple, sont souvent des extensions logicielles proposées par les GAFAM eux-mêmes, lesquels « marchandent » ainsi leurs services pour aider les autres à satisfaire aux exigences du RGPD… Tout en se rendant plus indispensable encore. La boucle est ainsi bouclée, trahissant derrière les quelques progrès et bonnes intentions que le RGPD aura drainé depuis sa mise en application, des inégalités grandissantes. Réguler l’espace numérique est donc un défi aussi urgent que complexe, mais il semblerait décidément que les réponses restent à écrire…

Protéger et promouvoir le livre « Imprimé in France »

Cet article est paru dans Acteurs de la Filière Graphique n°134 (juin 2021)


Avec le coffret « Réfugier, Explorer, Relier », les industries graphiques entendent faire la démonstration d’un savoir-faire qu’il convient de sauvegarder : celui de la fabrication du livre, dans un contexte où les circuits courts ne sont déjà plus une mode mais bel et bien une tendance de fond, appuyée qui plus est par des velléités récentes de relocalisation…

Si la crise sanitaire a mis en évidence qu’il est des « secteurs stratégiques » pour lesquels la délocalisation tous azimuts pose d’évidents problèmes, la question n’a pas manqué de se poser dans de nombreux domaines d’activité, non sans faire écho à des réflexions de rapatriement parfois engagées de longue date…

Présenté en avant-première et offert à chacun des participants au Congrès, le coffret “Réfugier” a fait la jonction entre des solidarités humaines et des solidarités techniques. Jusqu’à 2500 exemplaires d’un bel ouvrage construit en trois volets (“Réfugier”, “Explorer” et “Relier”) abordent en effet à la fois la réalité de la vie d’un campement de migrants (témoignages illustrés à l’appui, via le concours du milieu universitaire clermontois), tout en sensibilisant le lecteur aux métiers de la chaîne du livre, dont il faut sauvegarder les savoir-faire en France. Pour Catherine Milkovitch-Rioux (Chercheuse), ce projet a “permis une valorisation commune : à la fois de vos métiers et de nos travaux”.

Made in France : à l’Etat de montrer l’exemple ?

Certainement faut-il commencer par rappeler une évidence : le localisme ne saurait être imposé, dans la mesure où le code des marchés publics l’interdit. Plus précisément, la commande publique ne pourrait incliner à solliciter des prestataires locaux – ou même nationaux – qu’à la condition de mettre en avant des critères d’exception liés par exemple à la nécessaire rapidité d’exécution (l’urgence pouvant alors justifier alors d’aller au plus près), ou indirectement en faisant la démonstration que les exigences environnementales spécifiques d’une commande conduisent à solliciter des entreprises de proximité. Des solutions qui n’ont toutefois rien de systématique et qui, mal justifiées, peuvent être rapidement taxées de délit de favoritisme et contrevenir à la fois aux principes communautaire (défendus par la CJUE) et constitutionnel (défendus par le Conseil Constitutionnel) de la liberté d’accès à la commande publique. La chose est toutefois difficile à entendre, dans la mesure où l’époque semble réclamer de l’écoresponsabilité en circuits courts, pour des raisons tant strictement environnementales que plus globalement sociales, sociétales et économiques. C’est ainsi que l’on s’émeut parfois de constater que les budgets publics manquent de nourrir le tissu industriel local, au profit de concurrents étrangers par ailleurs possiblement éligibles à des subventions européennes d’investissement qui distordent plus encore un équilibre concurrentiel déjà malmené par les différentiels sociaux qui distinguent les coûts d’une impression en Europe de l’Est (Pologne, Estonie, Lituanie etc.) de ceux d’une impression en France. Il ne faudrait toutefois pas grossir le phénomène : pour le cas du livre, la commande publique se maintient en France dans 90 % des cas (source : « Imprimer en France : l’avenir de la filière Livre » – DGE/UNIIC, 2015). C’est la balance commerciale du livre dans sa globalité qui pose question : « En moyenne, 30 à 40 % des livres français sont réalisés à l’étranger » pouvait-on lire au sein dudit rapport. Une proportion qui est restée peu ou prou la même, six ans plus tard, même si des pistes d’amélioration sont engagées et prometteuses…

Relocalisations : les raisons d’y croire

Les raisons de cet exode partiel, si elles sont connues, n’offrent pas toutes des solutions directes : reconstruire l’outil industriel adéquat – notamment sur les activités de reliure et de façonnage – pour traiter un volume supérieur de livres complexes et semi-complexes prendra du temps (l’Atelier Partagé du Livre Complexe est à cette fin un projet industriel collectif de rapatriement de travaux de façonnages semi-complexes, appelé à sortir de terre ces prochaines années), alors que les arbitrages moins-disant conduisant à imprimer moins cher mènent soit vers l’Europe de l’Est, soit à nos principaux concurrents frontaliers que sont l’Allemagne, l’Italie, la Belgique et l’Espagne. Impossible en effet pour un industriel français de s’aligner sur des prix cassés sans sacrifier sa marge, ni même toujours de rivaliser – sur des segments de marché hors livre noir, où la compétitivité française n’est pas mise à mal – avec la puissance graphique allemande qui, bien qu’en deçà de la productivité française, a su s’armer (et sous-traiter) pour optimiser ses coûts. Les raisons en relevant pour partie de disharmonies fiscales et sociales, de telles distorsions concurrentielles appellent des ajustements politico-économiques sur lesquels une filière industrielle n’a de fait que peu d’emprise. En pareil cas, les meilleurs réflexes sont donc toujours les mêmes : miser sur l’innovation, travailler la qualité de ses services pour mieux accompagner la demande et faire émerger de nouvelles capacités de production par le co-développement. C’est ce qui a été notamment entrepris pour le livre complexe et semi-complexe, mais cela ne dispense ni de promouvoir le savoir-faire français pour sensibiliser le grand public, ni de rappeler que de relocalisations il ne pourra y avoir qu’avec le concours actif des donneurs d’ordre, qu’il ne s’agit pas de contraindre, mais bien de convaincre. Un objectif à vrai dire déjà bien engagé : au-delà des seuls engagements RSE qui inclinent nombre d’éditeurs à faire rimer « responsabilité » avec « proximité », les circuits courts semblent asseoir leurs bienfaits économiques (réduction drastique des délais, échanges facilités avec l’imprimeur et meilleure gestion des flux) pour finir de rendre la chose profitable – et déjà observable – au-delà de sa stricte dimension éthique.

Si le livre est régulièrement honoré pour son aura culturelle, les conditions de sa fabrication ne sont que rarement posées.

Rien de tel qu’un beau livre…

Valoriser par l’objet, telle est justement l’initiative conduite par l’UNIIC et la Filpac-CGT pour mettre en lumière les atouts du savoir-faire français en matière de création et de fabrication du livre. Jusqu’à 2500 exemplaires d’un bel ouvrage construit en trois volets (« Réfugier », « Explorer » et « Relier ») aborderont à la fois la réalité de la vie d’un campement de migrants (témoignages illustrés à l’appui, via le concours du milieu universitaire clermontois), tout en sensibilisant le lecteur aux métiers de la chaîne du livre, dont il faut sauvegarder les savoir-faire en France. Dit très simplement : il s’agit d’un livre que la filière graphique française a choisi d’autoproduire et de financer, pour faire la démonstration de ses capacités techniques et créatives. Une initiative qui n’a évidemment rien d’anodin puisque si le livre est régulièrement honoré pour son aura culturelle, les conditions de sa fabrication ne sont que rarement posées. Et ce même lorsque la pandémie propulse comme rarement dans l’espace public l’importance de lire, la chose ayant fini par être qualifiée d’ « essentielle » quand les libraires se sont enfin vu obtenir le droit – légitime – de ne pas fermer leurs portes, à l’amorce du deuxième confinement. L’articulation éditoriale en trois volets permet donc ici de consacrer le dernier livret (« Relier ») aux grandes étapes de création/fabrication d’un ouvrage tel que celui-ci, comme pour souligner combien la forme et le fond sont imbriqués. L’ensemble fait ainsi le lien entre une thématique ouvertement humaniste qui interroge notre regard sur la situation des migrants, et les efforts par lesquels une chaîne d’acteurs – de l’auteur aux fabricants – s’attache à donner vie aux différents récits contés ici sous des traits physiques et imprimés. L’objectif consiste donc en une double sensibilisation, qui amènera le lecteur à se poser aussi la question de la provenance du livre et des savoir-faire qui s’y agrègent. Des savoir-faire qu’il n’est pas concevable de laisser filer, au sein d’un pays – le premier à avoir appliqué au livre le principe protecteur d’un prix unique – qui compte un maillage de librairies parmi les plus denses au monde. On compte en effet 3400 libraires indépendants dans l’Hexagone, incarnant ces relais de proximité (culturelle ici, en l’occurrence) dont on sait qu’ils sont précieux pour la vitalité des territoires. Pourquoi n’en irait-il pas de même pour les maillons industriels qui permettent l’existence du livre ? La question mérite en tout cas de transcender les seules vitrines où le livre est vendu et/ou exposé, pour inclure les acteurs de sa fabrication. Ainsi l’initiative devrait pouvoir être reconduite : « L’année prochaine nous pourrions envisager la fabrication d’un livre pour enfants ou le texte d’un jeune auteur » lance déjà comme hypothèse Patrick Chatet, responsable du projet pour la filière graphique. Rendez-vous est pris…